Fait à Marseille, le 20 mars 2013
Les gouvernements se suivent et se ressemblent. Dans le bipartisme à la française, à droite comme à «gauche», sur la question des langues régionales, le chef d'orchestre et les musiciens ont beau changer, la chanson reste la même. «Paroles, paroles» pourrait en être son titre. L'accentuation du désamour des citoyens pour les urnes pourrait en être sa traduction d'une démocratie malade de tant de confiance trahie.
Pourtant, pour une fois, au moment de la campagne pour l'élection présidentielle, les choses étaient claires. Les défenseurs des langues régionales savaient à quoi s'en tenir avec le candidat UMP ; Nicolas Sarkozy ayant déclaré que «Quand on aime la France, on ne propose pas de ratifier la charte des langues régionales et minoritaires ». Dont acte.
Face à lui, le candidat du PS, François Hollande, faisait des langues régionales un acte fort de son programme, en inscrivant dans son engagement 56 qu'il «ferait ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires». Le clivage était là, il n'y avait plus qu'à choisir son camp : les pro langues régionales voteraient Hollande, les anti-Sarkozy. Régions et Peuples Solidaires ayant bien évidemment appelé à voter en faveur de celui qui s'engageait à agir pour la préservation de la diversité linguistique, apportant par la même son lot d'électeurs et contribuant ainsi à la victoire de la gauche…
Tout le monde y croyait. R&PS y compris. Les dix années du PS passées dans l'opposition, pensait-on, après un épisode Mitterrand puis Jospin pour le moins décevant (combien de promesses non tenues, en particulier sur les langues régionales ?), allaient permettre de renouer la confiance avec les Régionalises. Patatrac ! Le charme s'est brisé un soir d'hiver : le Conseil des Ministres, réuni le mercredi 13 mars dernier pour discuter de la prochaine réforme constitutionnelle, annonçait, se réfugiant derrière l'avis négatif du Conseil d'Etat, que le Gouvernement ne modifierait pas la Constitution pour pouvoir ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires (CELRM).
Dans une Démocratie, le rôle des élus est de mettre en ½uvre la volonté du Peuple. Et sur la question des langues régionales, tous les sondages, toutes les enquêtes d'opinion sont unanimes : les Français veulent que leurs langues régionales soient protégées, encadrées par la loi. La dernière étude en la matière, menée en juin 2008 au moment de la dernière révision constitutionnelle, montre très clairement que 68% des Français sont favorables à l'inscription de la reconnaissance des langues régionales dans la constitution ? Au-delà des sondages, le suffrage universel a exprimé clairement la volonté de changement des Français et des Françaises et le choix des engagements du candidat François Hollande. Malgré la volonté du Peuple exprimée dans les urnes, si en 2008 rien n'a été fait ou de façon cosmétique, en 2013 rien n'a changé !
Tous les Etats de l'Union Européenne ont mis en place des politiques pour protéger et valoriser leur patrimoine linguistique, souvent après ratification de la CELRM, parfois de façon volontariste (rendant la CELRM obsolète) mais toujours en relation avec les régions représentant les aires linguistiques concernées. La France qui aime à donner des leçons à la terre entière se situe pourtant en matière de démocratie, classée parmi les pays les plus rétrogrades de la planète aux côtés notamment de la Turquie, de la Syrie, de la Libye ou de l'Iran. Le Droit à la différence linguistique est un Droit universel reconnu par l'UNESCO dont la France se moque ! L'entrée dans l'Union Européenne est subordonnée à la ratification de la CELRM, la France se met elle même au ban des démocraties européennes.
Défendre les langues régionales, c'est aussi un choix économique. Sauver une langue régionale, à la lumière de l'expérience menée par la Communauté Autonome d'Euskadi, coute environ 60 Millions d'Euro. 60M¤ c'est ce que coute en moyenne la construction de 10km d'autoroutes[i] en France. Quand l'euskara a permis la création de milliers d'emplois, non délocalisables (le basque n'est parlé qu'au Pays Basque), selon la SETRA, 60M¤ investis dans la construction d'autoroutes ne permet de créer ou maintenir que 164 emplois. De plus la langue basque a un avantage écologique (comme toutes les langues d'ailleurs) : elle ne génère pas de pollutions!
Face à la trahison de François Hollande, de la Bretagne à la Catalogne, de l'Occitanie au Pays Basque, de la Corse à l'Alsace, en passant par la Savoie, la colère gronde et déjà des appels à la mobilisation citoyenne se font entendre ici et là. R&PS se mobilisera dans les régions concernées et appelle les élu-e-s démocrates ou appartenant à des formations politiques démocratiques de tous bords, à se mobiliser aux côtés des défenseurs des langues régionales dans les manifestations prévues pour exprimer la colère et l'attente du respect des engagements pris. R&PS entreprendra dans les prochains jours des actions politiques pour amener le Président de la République à respecter sa parole et le gouvernement à incarner le changement, en travaillant à l'épanouissement des langues régionales de France.