Forum DEOMP DE'I 2013
« Récupérons notre langue », un choix de société
Dans la suite des manifestations du 31 mars 2012, la coordination culturelle Kevre Breizh invite à deux journées de réflexion samedi et dimanche à Carhaix appelées « DEOMP DE'I ! récupérons notre langue ».
Récemment Pierre Maille, président du Conseil général du Finistère, constatant que les locuteurs natifs sont en voie de disparition, a bien posé l'enjeu : le breton langue patrimoniale, vestige d'une civilisation disparue ou langue d'usage qui demanderait des moyens énormes. Le même constat peut pourtant être fait pour les autres langues régionales dans la République française. C'est le résultat d'une politique constante d'extermination des langues mise en place de façon méthodique par l'État français et qui a même été appliquée jusque dans les colonies pour y apporter « La Civilisation ». Jules Ferry, théorien français du colonialisme ne déclarait-il pas, à la tribune de l'Assemblée nationale le 28 juillet 1885 que la France doit « porter partout où elle le peut sa
langue, ses moeurs, son drapeau, ses armes, son génie ». Le rapport de l'Abbé Grégoire sur « la nécessité d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage unique de la langue française »sert encore de bible à certains.
Pour Kevre Breizh, la question n'est pas financière. Un enseignant en breton, ne coûte pas plus cher qu'un enseignant en français : c'est toujours le même nombre d'élèves. Un film ou une pièce de théâtre en breton ne coûte pas plus cher qu'en français. Les États européens où les langues régionales ont connu un renouveau comme le gallois ou le basque ne sont pas plus riches que la France. Bien plus, le développement de la langue a été chez eux un investissement créateur de richesse localement quand sévit en France le scandale de la concentration de 95% de la production audiovisuelle en région parisienne financée notamment par la redevance audiovisuelle payée par tous.
Il est vrai que le breton n'est aujourd'hui la langue d'usage que pour un nombre réduit de locuteurs. C'est déjà une performance remarquable, car sa disparition était déjà programmée quand des Bretonnes et des Bretons ont refusé d'accepter ce destin et ont décidé de se prendre en mains et de lui redonner un rôle de langue sociale dans le monde moderne, alors que le monde rural traditionnel porteur de la langue disparaissait. Mais, face à l'hostilité de l'État en général, il a fallu se battre pied à pied, pour créer des écoles ouvrir des classes bilingues (15 000 élèves, 21% des communes du Finistère proposent un enseignement en breton suivi par 7,6% des élèves de maternelle), grapiller quelques minutes à la télévision, quelques heures à la radio, des signalétiques bilingues, avec l'aide aussi d'une décentralisation qui a été, en 1982, fondatrice de libertés démocratiques et a permis des avancées importantes, en particulier avec le soutien et l'action du Conseil général Finistère. Qu'en sera-t-il de la prochaine ? Quelles compétences et quels moyens seront obtenus ? La question est d'abord idéologique, politique et sociétale. C'est un choix de société. L'Espagne, l'Italie, la Grande Bretagne, les Pays-Bas, la Pologne, la Belgique, l'Allemagne, pour ne citer que quelques exemples, font le choix de la reconnaissance de la diversité. La France, avec la Grèce et la Turquie qui a suivi son mauvais exemple en ce domaine, défendent et imposent des identités nationales uniformes dépassées par le cours de l'histoire et contraires à la dignité et aux droits humains fondamentaux adoptés par l'Europe et la communauté internationale, pourtant signés par la France elle-même, le plus souvent.
La langue bretonne redeviendra une langue d'usage plus dense, comme au Pays de Galles ou au Pays Basque qui ont connu des situations semblables à celle de la Bretagne, lorsque la France cessera sa politique d'éradication et lorsque davantage d'élus de Bretagne prendront des initiatives et soutiendront les initiatives de la société. Pour gagner il faut le vouloir. C'est pourquoi Kevre Breizh organise les 19 et 20 janvier à Carhaix des journées de réflexion ouvertes à tous, associatifs, professionnels ou politiques pour définir les conditions à mettre en place afin que les Bretons se réapproprient leurs langues (breton et gallo). Pierre Maille y est bien sûr cordialement invité. Infos et inscriptions : (voir le site)
Le président
Tangi Louarn
Membre d'ELEN-France
Réseau Européen pour l'Égalité des Langues
European Language Equality Network
Statut spécial au Comité Économique et Social des Nations Unies.
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