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- Communiqué de presse -
Esprit français et esprit breton ?
En octobre 2012, les Editions Mille et Une Nuits ont publié en poche trois conférences du philosophe Henri Bergson (1859-1941).Celles-ci ont été données en 1895 à la Sorbonne, en 1923
Simon Alain Par Université Populaire de Philosophie Bretonne (UPPB) le 1/08/13 19:06

En octobre 2012, les Editions Mille et Une Nuits ont publié en poche trois conférences du philosophe Henri Bergson (1859-1941). Celles-ci ont été données en 1895 à la Sorbonne, en 1923 à l'Académie et en 1934 à la radio. Bergson y définit « l'esprit français » comme étant le « bon sens » en action. Une notion qu'il emprunte à René Descartes (1596-1650) et qu'il définit (à l'instar de Descartes) comme faculté de « distinction » et de « discernement », soit capacité à « faire la part des choses ».

Cette faculté, dont Descartes écrit dans son "Discours" de 1637 qu'elle est « la chose du monde la mieux partagée », serait selon Bergson une sorte de « boussole » aidant à s'orienter dans la pensée et dans l'action.

Précisons cependant que si Descartes se donne la peine d'écrire le mot « partage », c'est pour faire comprendre à son lecteur qu'il n'entend pas signifier « que nous avons tous le bon sens en commun » et, au contraire, « que chacun l'a pleinement ».

I

« Distinction » donc. Ou « discernement ». Ou encore « dissociation ». Car il ne s'agit pas de « tout mêler » et, au contraire, de « différencier ». Nous sommes « différents » les uns des autres. Et faire preuve de « bon sens » commence par reconnaître ces différences.

Etrangement, « l'esprit français » n'a jamais su faire preuve de « bon sens » vis-à-vis de la Bretagne. Il l'a toujours « assimilée », « confondue », voire « reniée ». Comme si elle n'« existait » pas. Comme si elle n'était pas « différente ». Comme si elle n'avait « rien à dire ».

Notons ici que c'est moins la pensée de Bergson qui est à remettre en question que son usage. En effet, à la fin du 19e et au début du 20e siècle, la pensée de Bergson (portant l'accent sur l'esprit, l'intuition, l'inconscient) a été « une bouffée d'air frais » et, en fait, « la solution » à un siècle épuisant (et étouffant) de « cartésianisme » (1789-1889). Problématique cartésianisme qui a su faire de la pensée de Descartes « une doctrine » (portant l'accent sur la raison, le calcul, l'ego ou « le sujet conscient »).

Mais plutôt que de prendre, tout de go, ladite « solution » au dit « problème », ne fallait-il pas plutôt comprendre « le problème » lui-même ? Certes, on a su faire de Descartes « un Français ». Mais si cela nécessitait « tant d'efforts », c'est donc « qu'il ne l'était pas tant que cela » ?

Car les intellectuels parisiens ne se sont pas privés entre 1820 et 1840 : « Descartes était Breton », « Descartes a été Breton », « Descartes est Breton ». Et il ne le sera désormais plus. Hors de question. Car cela était trop clair. Le père était au Parlement. Le fils a quitté la France. La famille était disséminée entre Rennes, Nantes et Vannes. Le Club Breton a souhaité lui rendre hommage au Panthéon. Et Napoléon l'a tragiquement imposé à tout un pays.

II

Le malheureux philosophe Wittgenstein (1889-1951) nous a appris qu'une fois un « problème » bien compris, nous n'avons plus besoin de sa « solution », car « résoudre un problème » consiste à oeuvrer « à sa dissolution ». Autrement dit : à sa disparition. Ainsi que le formule Wittgenstein dans son "Traité logico-philosophique" (1921) : « la solution » à « un problème » se remarque à « la disparition du problème ». Einstein (1879-1955) l'a confirmé au même moment : « un problème ne trouve jamais sa solution au niveau où il a été posé ». En clair : il devient « un autre problème ».

A cheval entre le 19e et le 20e siècle, Bergson et sa définition de « l'esprit français » paraissent être « la solution » au « problème Descartes », et en fait, l'occasion rêvée d'y revenir. Car il n'y a aucun « problème Descartes » et bien plutôt « un problème français » à son égard. Et «un problème français» tout court.

Les Français ont ainsi préféré « encensé Bergson » (qui n'obtient la nationalité française qu'à l'âge de 18 ans, ayant passé toute sa jeunesse à Londres) plutôt que de « retourner à Descartes ». Puis Bergson est tombé dans l'oubli (il décède en 1941 : année de « partition » de la Bretagne). Il a alors laissé la place au futur « héros philosophique français » : Jean-Paul Sartre (qui se fait connaître du grand public, deux ans plus tard, en 1943, avec le fameux ouvrage "L'Etre et le Néant").

Là aussi, l'interprétation de cet ouvrage, dans la période de l'après-guerre, sera culturelle et spirituelle : il s'agira « d'être Français « ou... « rien ». Ce sera la période de «l'existentialisme». Un courant de pensée qui doit tout au Breton Jules Lequier (1814-1862).

III

« L'esprit français » a ainsi été, au cours du 19e et du 20e siècle, « cartésien-positiviste-scientiste-bergsonien-existentialiste-structuraliste-déconstructionniste-post-moderne-analytique » et finalement... rien.

En effet, ainsi que le formulait, dans son dossier spécial de septembre 2012, "Le Magazine littéraire" : « Y a-t-il (encore) une pensée française ? ». La question mérite d'être posée... Mais il faut aussi aller plus loin : y a-t-il (seulement) un esprit français ? Et qu'est-ce que cela signifie ?

Car pendant que la France se cherchait un « esprit », la Bretagne souffrait en silence. On pense à Lequier, à Conlie, mais aussi à la Troisième République et à la première moitié du 20e siècle. Le renouveau culturel s'est fait dans la seconde moitié du siècle, mais qu'en est-il du renouveau spirituel ?

Si la recherche française de définition d'un « esprit » achoppe sur un « rien », qu'en est-il de « l'esprit breton » ? N'y a-t-il pas des choses à dire en Bretagne quand les Français n'ont plus « rien à dire » ? Des choses à rappeler, à affirmer et à mettre en avant ?

La Bretagne ne pourrait-elle pas enfin être écoutée à l'heure où les Français se cherchent, une fois de plus, « une pensée toute faite » et « une philosophie prête-à-l'emploi » (qu'il ne suffirait que de «consommer» pour se dispenser de toute «remise en question»).

Si Bergson entendait prolonger Descartes en le niant en réalité (comme toute son époque l'invitait à le faire), il faut aujourd'hui se poser la question d'un tel héritage culturel et spirituel. Car rappelons-le : le Descartes « cartésien et franco-français » n'a jamais fonctionné. Les Irlandais, les Ecossais et les Gallois n'ont cessé de le souligner au cours du 18e siècle : Descartes n'utilise pas le terme « raison », mais «esprit», il est moins « rationnaliste » qu'«empiriste» et il n'a jamais habité Paris... Une fois de plus, et plus que jamais, il s'agit là d'une stricte question de «point de vue».

Simon Alain

Simon Alain est l'auteur de huit ouvrages publiés aux Editions Yoran Embanner. Il a créé dans le cadre de "Breizh-ImPacte" en 2012 une « Université Populaire de Philosophie Bretonne ».
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Vos 2 commentaires :
Henri Second Le Jeudi 1 août 2013 19:56
Bergson a donc démontré son absence totale de "bon sens" et de "discernement" et a raconté n'importe quoi. La caractéristique de l'esprit français, justement, c'est son absence total de discernement, son tropisme religieux/idéologique qui lui fait nier le réel pour conforter ses a priori. Le bon sens, c'est l'esprit britannique, l'esprit français, c'est le fanatisme.
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Pierre CAMARET Le Vendredi 2 août 2013 03:46
Henri Second .
Excellent ....... et cela existe partout chez les francais ... meme dans les entreprises industrielles ( je viens d'en faire un autre triste exemple ).
Well , comment changer ??
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