Il y a deux sortes d’écrivains, ceux qui concourent pour le prix Nobel de la paix, ils s’interdisent toute mauvaise pensée et ceux pour qui la littérature n’a ni tabou ni limite. Morgann Katioucha fait clairement partie de la deuxième catégorie. « Morgann Katioucha », un pseudo trop beau pour être honnête, est un écrivain que vous adorerez détester ou que vous détesterez adorer. Au choix. Avec lui, pas de demi-mesure.
Notre homme a un putain de style à rendre jaloux l’auteur de ces lignes. Un style qu’il met au service d’une histoire qui vous fera passer sans ménagement de Rennes 2 – la bientôt mythique Babylone bretonne –, à la république serbe de Krajina pour finir en apothéose, si j’ose dire, avec les pink panthers, redoutables braqueurs de la fin des années 90.
Morgann Katioucha, retenez bien ce nom est le fils illégitime de Marguerite Duras et de Louis-Ferdinand Céline. De quoi avoir un goût inné pour la déconstruction de la phrase telle qu’elle a pu être inventée par les petits bourgeois de l’Académie. De quoi posséder en son sein une rage inexpugnable, un besoin de raconter les crimes perpétrés pendant la dernière guerre européenne. Ah, les Balkans, ses jolis petits villages, ses ravissantes églises et non moins magnifiques mosquées. Ah, l’ex Yougoslavie du gentil maréchal Tito, chantre de l’autogestion chère à l’université de Rennes 2 qui sombrera bientôt dans la purification ethnique. Vous voulez des détails, vous en aurez. Vous voulez savoir comment des communautés qui se sont côtoyées pacifiquement pendant des siècles se sont mises à s’étriper ? Et bien, vous aurez droit à des réponses. Et tant pis si ces réponses ne vous plaisent pas !
Vous voulez de l’amour, du sang, de la sueur et des larmes ? Katioucha, un nom beau comme une roquette, est fait pour vous… Mais au fait, voulez-vous vraiment savoir si vous êtes un vrai révolutionnaire, un antifasciste pur et dur ou si vous avez juste des comptes à régler avec votre père médecin ? Pourtant, là aussi, Katioucha vous répondra.
Oubliez les Lagarde, les Michard, les Bled, les Bescherel, les Mallet, les Isaac. La phrase, Katioucha, il vous la déconstruit et vous la remet sur la page dans un ordre inconnu à ce jour. Katioucha a inventé rien que pour vous la littérature moléculaire. Vous pourrez lui dire merci même si le goût en bouche a parfois des parfums d’amertume.
Comme dirait le regretté Michel le Bris, le Breton est joueur, le Breton est voyageur, le Breton veut voir plus loin que l’horizon imposé par le Recteur. Alors il bourlingue prêtant ses talents à des causes plus ou moins nobles. Mais c’est quand il frôle la mort comme Morgann Katioucha, qu’il se pose la question existentielle : Dieu parle-t-il le gallo ?
Morgann Katioucha, Dompter le diable, éditions du toucan, col. Toucan noir, 160 p., 15 €