Rennes, Collège Anna v-Breïzh / Anne de Bretagne, juin 2009. A la suite du dernier Conseil de Classe tenu pour la classe de 5ème bilingue de ce collège, on apprend que les élèves de cette filière voulant poursuivre le Breton en 4ème, devront se résoudre à abandonner le Latin ! (Ou vice versa). Motif ? L'administration locale s'explique en plusieurs points : difficulté voire impossibilité de coordonner les emplois du temps de toutes les filières de 4ème de ce collège avec le cours de Latin, ce qui revient à dire qu'on manque de professeurs de Latin, ou d'au-moins un dans la prochaine année académique, pour soulager la classe surchargée de 5ème (34 élèves en Latin). Il est clair que deux classes rendraient déjà plus compatibles les divers impératifs de l'administration dont on comprend bien la lourdeur du casse-tête.
Cette dernière ajoute de plus, qu'avec 3 heures de Latin en 4ème, il y aurait risque de ne plus laisser assez de temps libre à des élèves, qui sont adolescents ! Quand on rétorque qu'en classe de 6ème, leurs parents commençaient naguère la filière « classique » en débutant non seulement en Anglais, mais aussi en Latin et en Grec, on s'entend répondre que … oui … peut-être, mais que d'autres matières étaient moins chargées, comme le sport, la musique, le dessin ! En tout cas, avec trois nouvelles langues en 6ème, et deux autres initialement (le Breton et le Français), cette génération a connu des Léon Fleuriot, des Per-Jakez Hélias et autres « Agrégés de Plozévet » . Pour ce qui est des jeux du Stade, on attend toujours de super-champions bi, tri ou quadrilingues : en général, ils sont tout juste monoglottes.
Enfin, on nous dit que la solution consisterait à suivre des cours par le CNED, Centre (National !) d'Enseignement à distance. Outre que le Collège Anna v-Breïzh ne prendrait pas en charge les coûts (inscription, scolarité, etc.) et que le principe de la «Gratuité» de l'enseignement s'en trouverait encore une fois bien mis en cause, on mesure ce que devient de plus en plus dans ce pays, le principe « d'Égalité» dans l'accession aux connaissances. C'est bien là le problème.
Dans un pays hypercentralisé, hiérarchisé de façon pyramidale vers Paris et ses « grandes institutions » , où la langue du succès n'est que le Français, et où, par ailleurs, les «élites» (?) intellectuelles et les « sachants » croient encore, en ce début du troisième millénaire, que leur langue est une langue dérivée du Latin, il est évident que la dite langue continue à peser énormément dans un cursus professionnel, et dans les chances de progresser.
Certes, on peut encore assez bien se passer du Latin si l'on veut se faire médecin, botaniste, entomologiste, biologiste ou même juriste (quoique …), mais il y a fort à craindre que si l'on veut faire évoluer les connaissances sur les moments-clefs de l'Histoire de la Bretagne ou du monde celtique, de leur grand(si ce n'est très grand) rayonnement durant le Haut Moyen Age, on ne trouvera plus de si tôt de jeunes chercheurs bretonnants, capables de rapidement se pencher sur le Vieux Breton ou le Vieil Irlandais & qui soient alors dispensés de l'acquisition tardive (et quasi-impossible après l'âge de 25 ans) du Latin. En fait, sans le Latin, ce sont des secteurs professionnels entiers, ou largement, qui sont interdits aux Bretonnants : l'historiographie, les archives, les musées, les études classiques, la diplomatie, etc. … Pour ce qui est de l'histoire de Bretagne, chacun est à même de mesurer ce que cela aura jusqu'à maintenant signifié : un blanc-seing pour les négationnistes !
Si l'on sait que le jacobino-fascisme à la française a développé une perfidie exceptionnelle pour,
d'un côté, réserver ses chasses-gardées à ses rejetons, de génération en génération, mais aussi,
de l'autre, pour empêcher ... aux «autres» d'y accéder, on s'étonne encore que des infrastructures locales en Bretagne puissent accepter de se prêter à cette mécanique discriminatoire : au nom de quoi, cette fois-ci ?
Au nom du manque dans les effectifs du personnel enseignant ? !
Mais Grand Dieu, manque-t'on de professeurs de Latin dans les collèges parisiens ou même d'Ile-de-France ?
A suivre. Gh. D. T., Dr.