L'été approche et avec lui la montée de la consommation de crèmes glacées. Le grand public ne sait pas que la Bretagne produit aujourd'hui une part très importante du volume des crèmes glacées consommées en France, grâce à deux entreprises situées, l'une à Plouédern, dans le Finistère, et l'autre, à Vitré, en Ille-et-Vilaine. Un autre fabricant breton, pionnier dans ce domaine, à Nantes, dès 1934, a malheureusement disparu il y a une dizaine d'années. La Bretagne qui est devenue en 50 ans un des premiers grands "bassins laitiers" d'Europe, valorise ainsi sous cette forme une partie du "fleuve de lait" que produisent ses agriculteurs.

Il faut savoir que le marché mondial des crèmes glacées est en pleine croissance depuis des années et que ce phénomène n'est pas près de se ralentir. Ce marché représente déjà plus de quinze milliards de litres au niveau de la planète et ne demande qu'à grandir encore, la seule limite étant le pouvoir d'achat insuffisant des habitants de nombreux pays de la planète, mais la progression ce celui-ci dans de nombreuses régions du monde entraîne une montée de la consommation. Même dans les pays riches, l'évolution des habitudes alimentaires favorise l'essor de la consommation.

Voici qu'elles étaient en effet les consommations moyennes de différents pays en 2002 :

Nouvelle-Zélande : 26,3 litres par habitant

États-Unis : 22,5 l/hab.

Canada : 17,8 l/hab.

Australie : 17,8 l/hab.

Suisse : 14,4 l/hab.

Suède : 14,2 l./hab.

Finlande : 13,9 l./hab.

Danemark : 9,2 l/hab.

Italie : 8,2 l./hab.

France : 5,4 l./hab.

Chine : 1,8 l./hab

Les États-Unis sont le premier pays producteur de crèmes glacées, suivis par la Chine, deuxième producteur mondial, dont les habitants apprécient de plus en plus. Même si la Chine possède aujourd'hui de nombreuses firmes productrices de crèmes glacées et si sa production laitière connaît elle-même un développement spectaculaire, il est probable qu'elle restera longtemps importatrice de crèmes glacéses et en volumes croissants.

La production mondiale est dominée par deux géants mondiaux, tous deux d'origine européenne - Unilever (Pays-Bas) et Nestlé (Suisse) - qui se disputent la première place, Nestlé exploitant les marques Gervais, Häagen Dasz, Crunch, Butterfly, Drumstick, etc., et Unilever, les marques Miko, Walls, Breyers, etc. En France, Nestlé qui possède aussi la marque La Laitière, ne détient que 16% du marché alors qu'Unilever (Miko, Carte d'or, Cornetto, Magnum) en détient plus du double (34 %). Il y a encore de nombreuses firmes indépendantes comme Thiriet (Vosges), Roncadin (Gironde), Boncolac et aussi Frigécrème.

Cette dernière marque est née en Bretagne : c'est en effet en 1934 que les les dirigeants du groupe familial Decré à Nantes fondèrent une filiale spécialisée, la Société Crémière Nantaise, pour pouvoir proposer des crèmes glacées à la clientèle des Grands Magasins Decré. Sa production est restée longtemps modeste et quasiment artisanale, mais elle prit vraiment son essor à partir de 1968 lorsque fut construite une grande usine dans la nouvelle zone industrielle de Saint-Herblain et passé un accord avec la Coopérative Laitière de la Région Nantaise (COLARENA) pour l'approvisionnement en lait. De fait, la marque Frigécrème devint bientôt une marque nationale faisant concurrence à Gervais, Motta, Miko et bien d'autres... Vendue plus tard au groupe Unilever, Frigécrème cessa complètement d'être nantaise après l'incendie qui ravagea totalement l'usine de Saint-Herblain en juin 1998 et la décision de ne pas la reconstruire. La marque Frigécrème fut revendue au groupe belge Ysco qui fabrique toujours aujourd'hui des glaces sous ce nom à Argentan, dans l'Orne, dans l'usine qu'avait construite le groupe Motta. Frigécrème n'a donc plus rien à voir avec la Bretagne.

En revanche, ce qui est impressionnant, c'est la place très importante qu'ont prise deux entreprises bretonnes depuis : Les Délices du Val Plessis (marque principale : Adélie), créée en 1982 par le groupe Intermarché, longtemps dirigé par le Breton Jean-Pierre Le Roch (1929-2006), et la Laiterie Rolland (marque Flipi) à Plouédern.

L'usine des Délices du Val Plessis a une capacité de production de 50 millions de litres par an, ce qui est énorme. Son usine, construite dans la zone d'activités de Plagué, à Vitré, couvre aujourd'hui 14 000 m2 et emploie 150 salariés et 80 saisonniers. Elle est devenue un des leaders du marché des crèmes glacées en France, mais la marque Adélie n'est connue que des consommateurs qui fréquentent les magasins du groupe Intermarché, troisième groupe de distribution en France. Ils en ont en effet l'exclusivité.

La réussite de la laiterie Rolland est encore plus remarquable. Cette laiterie familiale de Plouédern existe depuis plus d'un siècle, elle an en effet été fondée en 1898 par Yves Rolland, qui collectait alors le beurre produit dans les fermes avoisinant la commune. En 1964, la troisième génération intégra l'entreprise familiale avec la ferme intention de développer l'affaire et de lui donner une dimension industrielle. Plusieurs choix de diversification s'offraient alors à Yves Rolland et c'est finalement le secteur de la crème glacée qui fut retenu en 1977 compte tenu de son fort potentiel de développement. Depuis la société n'a cessé de croître et a toujours investi dans les dernières technologies pour arriver aujourd'hui au 3ème rang de producteur français du marché glaces. Résolument indépendante et tournée vers l'avenir Rolland SAS base sa stratégie sur la différenciation et l'innovation. Dans cette démarche, le directeur général actuel, Lionel Rolland, arrière-petit-fils du fondateur, a créé un pôle innovation, véritable moteur de nouveaux concepts au service des assortiments des clients distributeurs et des marques propres. La société a aujourd'hui deux usines, une toujours à Plouédern et une autre à Dangé-Saint-Romain en Poitou-Charentes. Elles collectent 35 millions de litres de lait collectés par an et produisent plus de 58 millions de litres de glaces et sorbets sous marques de distributeurs, licences et marques propres (ont Flipy). Elles emploient 520 salariés permanents. La société Rolland vend ses glaces dans plus 18 pays : en Europe, aux États-Unis et au Japon, marché pourtant réputé très difficile du fait des exigences de qualité draconiennes des Japonais.