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- Chronique -
« Chut », un roman criant de vérité
Il s'agit bien là du coup de coeur- ou dirons-nous du cri du coeur ! – de ce début d'année, tant le sujet, brûlant, prémonitoire même, résonne tel un écho
Sylvie Le Moël Par Association Grèce-Bretagne le 18/02/15 10:29

Il s'agit bien là du coup de coeur- ou dirons-nous du cri du coeur ! – de ce début d'année, tant le sujet, brûlant, prémonitoire même, résonne tel un écho dans l'actualité économique et socio-politique européenne.

Charly Delwart, brillant auteur belge de 40 ans, pose un regard empreint d'originalité sur la crise en Grèce – la période se situe entre septembre 2011 et Juin 2012- par le prisme des émotions et des réflexions d'une jeune Athénienne de quatorze ans dont l'univers bascule avec les événements. Dimitra Aegiolis, tel est le nom de l'héroïne de son roman, décide de ne plus parler et fait le choix de ne s'exprimer que par l'intermédiaire d'un carnet/ cahier, mais surtout en apposant ses slogans, tels de multiples graffitis sur les murs de la capitale.

L'auteur a séjourné à Athènes pour effectuer sa recherche dans le cadre de la préparation de son livre. Après avoir photographié ces tags - qui la plupart du temps en grec mais nombreux étaient aussi les tags en anglais, tracés avec force pour que la presse internationale puisse en relayer les contenus- il les a fait traduire, ajoutant bien entendu ceux de son personnage, reflétant parfaitement la poignante réalité du terrain.

La Grèce, force est de constater, parle la langue de l'universel.

Sous la plume de Charly Delwart, Athènes devient une « ville-livre », les mots inscrits étant plus forts que la parole. Les graphistes improvisés, soit bien réels soit provenant du roman, armés de leur conscience et de feutres ou de bombes de peinture noire, expriment leurs craintes, leurs peines, leurs angoisses, leurs douleurs mais aussi leurs interrogations, leur philosophie et leurs espoirs. Des phrases paraissant absurdes de prime abord, ou bien tout à fait ésotériques : « Une autre raison que celle que vous croyez vous a mené à ce point précis », « Vous êtes momentanément suspendu du rêve », « Je suis déjà ailleurs ». Des expressions un peu ubuesques :« vous pouvez décider de connaître la personne géographiquement la plus proche de vous », « Je rends Athènes verte car je tourbillonne pour toi ». Des mots inquiétants à faire frissonner : « Bienvenue dans la civilisation de la peur », « Leurs richesses, notre sang », « Je me torture ». Des interrogations menaçantes : « Qui sera le prochain ? ».

Dans cette odyssée des mots, l'esprit des grands philosophes est invoqué : Aristote, le précepteur d'Alexandre Le Grand (« Savoir c'est se souvenir »), Socrate (« Ce qui fait l'homme c'est sa grande faculté d'adaptation » ou bien encore « Le temps malgré tout a trouvé la solution malgré moi »), Platon (« La perversion commence par la fraude des mots »). Les dramaturges grecs sont aussi appelés à la rescousse pour conforter les êtres meurtris : « La parole apaise la colère ». L'écrit comme un cri qui soulage. Un acte créateur pour tenter de sortir le pays du chaos.

Malgré la situation économique catastrophique et les difficultés du quotidien, les traditions, comme celles de Pâques, très fortes dans la religion orthodoxe, réunissent les familles et constituent comme un dernier rempart contre la barbarie, avant que tout ne s'effondre. Les ½ufs rouges de Pâques, les « tsourekia », ces brioches traditionnelles et toute la nourriture spirituelle dans le fait de communier ensemble, soudés à jamais par cette communauté de destins, cheminant dans la même direction, jusqu'au bout des processions dans la nuit, jusque ce que « l'obscurité succède à la lumière. La victoire de la vie sur la mort », comme le précise Charly Delwart dans ce magnifique et poignant roman.

Arrêt sur image, ou plutôt sur lettres avec ce tag pétrifiant de vérité, réminiscent de la terrible tragédie du 7 Janvier dernier (le roman avait déjà été publié) : « Nous sommes tous grecs » !! Mais la résistance est bien là, la résilience aussi : « Toucher le fond, remonter », lit-on page 138.

La palette d'émotions , à l'instar des inscriptions est vaste, porteuse toutefois d'un nouveau souffle. Il y a tout d'un coup comme une lueur d'espoir, timide au début, puis elle s'amplifie « Tu vois bien tout ne s'est pas effondré », « Vous êtes fort de ce que vous savez maintenant », « Les obstacles sont une source d'inspiration ».

Pour les Grecs vivant dans une souffrance extrême, le temps presse. Il s'agit pour le berceau de la démocratie, de retrouver sa dignité. « Il y a une urgence à se regonfler de la sève antique, à rappeler le passé glorieux de la Grèce, à trouver une issue collective et des moyens de rétablir cette dignité » comme l'exprime si bien l'auteur.

Son héroïne dispose d'une manière aussi juste qu'implacable d'évoquer cette nécessité en soulignant noir sur blanc que « la Grèce est une idée plus ancienne que la Troïka ».

Cette bouleversante odyssée des mots, constitue un véritable hymne à l'espoir, symbolisée par l'affirmation d'Homère : « Le meilleur présage est de défendre sa patrie ». SLM

Charly DELWART

"Chut"

Éditions du Seuil

Collection Fiction & Cie

ISBN : 978-2-02-121923-4

Prix : 17 Euros

172 pages

(voir le site)

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