Le problème actuellement n'est pas de savoir quelle est la place de l'histoire en Bretagne, mais de savoir quelle est la place de l'histoire de Bretagne ? Les Bretons aiment l'histoire et le montrent en plébiscitant les festivals à thème historique, en protégeant leur patrimoine, jusqu'à leurs lavoirs.
Cependant, après des années d'observation, je remarque avec une certaine stupéfaction, avec regrets, que l'histoire de la Bretagne n'a pas droit au même traitement ? Pourquoi ? Est-ce la faute des Jacobins et de la centralisation étatique parisienne ? Les Bretons en sont-ils responsables ?
Dans son dernier ouvrage écrit en collaboration Secoue toi Bretagne, l'historien de la Bretagne, André Lespagnol, évoque la nécessité de promouvoir l'économie de la connaissance comme remède à la crise économique, tout en préservant les activités économiques traditionnelles qui ont fait la richesse de la Bretagne. Cependant, force est de constater que si la Bretagne dispose du contenant – les entreprises de haute technologie ne manquent pas en Bretagne - le contenu pose problème surtout lorsqu'il s'agit d'histoire de la Bretagne. Il est difficile, voire quasi impossible, de sortir de la conception romantique des historiens du XIXe siècle. L'histoire selon Arthur de La Borderie reste toujours une référence. Pourquoi ?
Et pourtant, les livres d'histoire de la Bretagne publiés depuis le XIXe siècle ne manquent pas. Beaucoup de thèses éclairant des éléments importants de l'histoire de la Bretagne ont été écrites et publiées. La Bretagne n'a pas manqué de grands historiens, peut-être en manque-t-elle maintenant ? Il est vrai que le système des mutations au sein de l'Education Nationale lui retire une grande partie de ses meilleurs talents transférés pour longtemps, trop longtemps, hors de Bretagne.
Souvent, trop souvent, et encore récemment, il m'a été donné de constater que l'on mettait la charrue avant les b½ufs. Issues de trois mondes, culturels, politiques, économiques, des personnalités souhaitent valoriser l'histoire de la Bretagne. Elles ont des idées, de belles idées. Lorsqu'il leur faut les concrétiser, elles se tournent vers l'historien de la Bretagne qui ne peut leur répondre car souvent il ne sait pas car on n'a pas encore travaillé sur le sujet, ou pire le traitement du sujet est à revoir, personne n'ayant eu ni le temps ni le désir ni le courage de combler les lacunes. Il est clair que tout le projet, et souvent en voie d'achèvement, se retrouve en danger. Dès le départ du projet, on ne s'interroge donc pas sur la faisabilité. Pourquoi cette certitude que l'histoire de la Bretagne est totalement connue ? Pourquoi cette idée d'achèvement ? N'a-t-on pas le droit de chercher davantage, de trouver d'autres solutions, d'autres vérités historiques ?
Bien sûr il faut de la cohérence, une véritable volonté politique. Mais qui en a et en aura le courage ? Les élus bretons historiens foisonnent et au plus haut niveau. On fait des promesses qui ne sont pas tenues. « L'argent manque » , du moins c'est que l'on me dit, c'est ce que l'on entend partout et cependant lorsque le projet est « politiquement » correct, l'argent sort comme par enchantement, de manière abondante.
Chacun veut actuellement combler le vide ou plutôt un certain vide, collectivités publiques (mairies, départements, Région surtout), particuliers (hommes d'affaires), associations. Chacun travaille actuellement dans son coin. Pour vivre heureux vivons cachés, tel semble être le slogan actuel. Mais où cela nous conduira-t-il ? C'est bien beau de connaître l'histoire de Ploërmel, d'Ergué-Gabéric, de Saint-Malo ou de Lanildut si on ne connait pas l'histoire de Bretagne.