Jean-Yves Paumier, Breton de coeur, est expert en prospective et aménagement du territoire. Il vient d'écrire La Bretagne pour les nuls, éditions First, dans la collection désormais célèbre de Jean-Joseph Julaud. Rencontre…
Comment est né ce projet de publication d'une « Bretagne pour les nuls » ?
C'est un souhait de Jean-Joseph Julaud qui souhaite étendre sa collection sur les régions et les territoires. Il commence par ceux à l'identité fortement marquée : l'Alsace, la Corse et… la Bretagne. J'ai tout de suite répondu favorablement à cette invitation, passionné que je suis par la Bretagne. Le sujet m'a pris un an de travail, quasiment à temps plein. La collection incite à expliquer les choses le plus simplement possible pour qu'elles soient accessibles, ce qui implique des paragraphes courts, clairs, précis, le tout avec un peu d'humour.
Que trouve-t-on dans votre livre ?
Tous les sujets sont passés en revue. D'abord l'histoire. Puis j'évoque dans une deuxième partie qui me tenait à cœur, intitulée Bretagne et Bretagne(s), l'évolution du territoire et de son périmètre au fil des siècles, en débouchant sur les questions d'aujourd'hui. Une troisième partie traite de l'identité bretonne où j'évoque la langue, le patrimoine, les signes de reconnaissance, la gastronomie. Dans la quatrième partie, j'effectue un Tro Breizh des pays bretons, entre Armor et Argoat. Ce n'est pas un guide de tourisme mais davantage une promenade au travers des différents territoires, découpée par département puis par pays. Beaucoup d'encadrés sont des anecdotes, autant de clins d'oeil. Je termine par la partie des Dix avec Dix Bretons people, dix écrivains et leur Bretagne, dix symboles bretons au quotidien, dix prénoms bretons, dix recettes de Bretagne.
Vous citez volontiers Xavier Grall qui disait : « Qui se sent breton est breton » . À qui pensiez-vous en écrivant ce livre ?
Le livre s'adresse à de très nombreux publics. Un sondage réalisé par la Sofres il y a une vingtaine d'années demandait aux Français comment ils ressentaient la Bretagne. Huit sur dix avouaient alors avoir une sympathie pour cette région. Trois millions résident en Bretagne, près de quatre millions et demi en retenant le périmètre historique avec la Loire-Atlantique et dix millions de plus en y ajoutant ces familles de Bretons qui ont quitté leur petite patrie depuis près de deux siècles pour s'établir autour de Paris, dans d'autres régions ou à l'étranger. On arrive ainsi à près de quinze millions de Bretons qui constituent ce qu'il faut appeler la diaspora bretonne. Ce livre peut effectivement s'adresser à tous ceux qui s'intéressent à la Bretagne, les Bretons de cœur, ceux qui sont loin mais aussi ceux qui y habitent.
Au-delà des clichés que sont la crêpe, le biniou et le beurre salé, qu’est-ce qui aujourd'hui fonde l'identité bretonne ?
Cette réflexion sur les territoires est au cœur de ma vie professionnelle. Il est évident que la Bretagne a une forte identité qui va bien au-delà de ces clichés que l'on met souvent en avant. Ayant dû longtemps batailler pour exister, il s'est créé une forte solidarité et un caractère marqué entre ses habitants. Certes, les Bretons se déchiraient parfois entre eux mais toujours ils se retrouvaient unis face à l'adversité. Cette identité est telle que bon nombre de personnes, envoyées par le pouvoir central pour mettre à pied cette Bretagne rebelle, pour l'amadouer ou la soumettre, ont été rejetées ou… assimilées ! Il y a ici cette capacité très forte d'assimilation et cette acceptation à devenir Breton même si on n'a pas des générations d'ancêtres derrière soi et du sang breton dans les veines.
Pourquoi cette forte identité agace-t-elle autant ? Il suffit d'écouter quelques médias nationaux, voire quelques récentes productions cinématographiques…
Elle agace parce que la France est extraordinairement centralisatrice et cela a traversé tous les régimes. Dans cet esprit centralisateur, la Bretagne a toujours été rebelle. Les grands voyageurs ont contribué à véhiculer ces clichés de région arriérée, ces personnages ne parlant pas français dont on se moquait. Ceux qui y ont pris le temps de regarder de près ont eu une autre vision.
Avez-vous découvert quelque chose en écrivant ce livre, en cherchant à expliquer la Bretagne à d'autres ?
Beaucoup de choses ! Ce travail m'a renforcé dans mes propres convictions. Je n'ai pas voulu faire un livre rapidement écrit en reproduisant ce qui avait déjà été dit ailleurs. Je me suis étonné de chaque sujet. Un pays, un territoire est comme un être vivant. La Bretagne a une âme qui transparaît dès que l'on s'intéresse à son histoire, ses personnages. J'ai écrit ce livre sans parti pris ni thèse à défendre. J'ai tenté de révéler le point de vue de la Bretagne en tant que territoire, espace vivant… un tout, parfois en danger, attaqué mais qui finalement, a toujours su résister.
Informations pratiques
La Bretagne pour les nuls de Jean-Yves Paumier, éditions First, 2011, 498 pages, 22,90 €.
Jean-Yves Paumier en bref…
Jean Yves Paumier est expert en prospective et aménagement du territoire, ancien élève de l'école polytechnique, dont il a rapidement démissionné pour s'installer à Nantes. Il a participé aux premières réflexions sur l'aménagement et la prospective des territoires, aux grandes réflexions de la Datar. Il est aujourd'hui membre de la société Jules Verne et chancelier de l'Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire. Ses récentes publications comme « Jules Verne, voyageur extraordinaire » (Glénat, 2005) ou le « Guide littéraire de Loire-Atlantique » (Siloe, 2009) se situent toujours au croisement de la géographie et de la littérature. Sa prochaine publication sera certainement un nouveau regard sur Jules Verne…