Des élus bretons (députés, sénateurs, président du Conseil régional de Bretagne, présidents de conseils généraux, maires, conseiller généraux et régionaux) sont intervenus en faveur des 53 maires kurdes poursuivis injustement par les autorités judiciaires de Turquie au motif qu'en défendant une chaîne de télévision en exil ils apporteraient "un soutien volontaire et délibéré à un organisme illégal", ROJTV, qualifiée "d'organe de propagande". Organe de propagande ? Tel n'est pas l'avis du Conseil de la radio et de la télévision du Danemark qui estime que les séquences mises en cause par le RTSC turc ressemblent en tous points à des séquences d'information ou à des débats dans lesquels les informations et les points de vue sont retransmis dans le cadre d'émission dont la vocation est d'informer ou de débattre.
Il est à noter, hélas, que ce n'est pas le seul procès intenté contre des élus du peuple et contre les cadres d'un parti légal pro-kurde, le DTP, Parti pour une Société Démocratique : le rapport de l'association turque des droits de l'homme, (IHD) ne relève pas moins, pour la période allant de janvier 2006 à juin 2007, de 33 enquêtes, poursuites, plaintes ou condamnations touchant des maires ou des cadres du DTP pour des motifs en rapport avec l'emploi de la langue kurde. Que dire du "respect du patrimoine culturel et des particularismes identitaires" que contiendrait le cadre des réformes mises en œuvre par la Turquie au moment où l'Etat signe un prêt d'1,2 milliard d'euros pour la construction d'un barrage qui va engloutir le site historique pluri-millénaire de Hasankeyf, renfermant des trésors archéologiques appartenant aux civilisations assyrienne, romaine et ottomane ?
Que dire de la liberté de publier et de diffuser en langue kurde quand les entraves à la liberté d'enseigner et de diffuser emprisonnent les structures dans des carcans administratifs et traînent les acteurs devant les tribunaux ? Osman Baydemir n'est-il pas poursuivi pour avoir envoyé, en tant que Maire de la ville de Diyarbakir, des cartes de vœux rédigées en kurde, en turc et en anglais, et le maire d'arrondissement de Diyarbakir centre, Abdullah Demirbas, -et son conseil municipal – ne viennent-ils pas d'être destitués par le Conseil d'Etat de Turquie au motif d'avoir institué le multilinguisme (turc, kurde, arabe, syriaque) dans les services municipaux ?
En ce qui concerne les droits politiques, rappelons que les partis politiques pro-kurdes précédant le DTP ont été successivement reconnus et… interdits, et que de nombreuses plaintes font état des entraves mises à la campagne électorale des candidats DTP, à commencer par la mise en examen préventive et l'incarcération de cadres du DTP parmi lesquels Sebahat Tuncel, porte-parole de la section des femmes du DTP d'Istanbul, élue députée et passant donc directement de la prison, où elle était écrouée depuis novembre 2006, au Parlement de Turquie.
La Turquie va-t-elle continuer à nier la question kurde et à refuser d'ouvrir des négociations avec tous les représentants de la cause kurde, qu'ils soient combattants ou non, tous qualifiés de "terroristes" ? Peut-elle continuer à ignorer leurs nombreux appels à une paix négociée qui accorderait aux Kurdes des droits culturels et politiques dans le respect des frontières existantes ? C'est la question.
Peut-on continuer à appeler "terroristes" des combattants, revêtus d'uniformes, clairement identifiés comme les forces armées du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), signataire de la Convention de Genève depuis le 24 janvier 1995, qui revendique sa lutte armée mais dénonce les attentats qu'on lui impute abusivement et qui sont parfois, comme ceux du 9 novembre 2005 à Şemdinli, l'œuvre de l'armée turque elle-même ou de "l'Etat profond" ? C'est la question de la question.
Metin Tekçe, le courageux maire de Hakkari, a eu le mérite d'y répondre clairement devant ses juges : " les quelques deux millions de personnes qui forment la base de notre parti soutiennent dans le même temps les propositions du PKK en faveur d'une résolution démocratique du problème kurde. Et pour cette raison les électeurs de notre parti ne considèrent pas le PKK comme une organisation terroriste… Une grande majorité des habitants de Hakkari a des enfants au sein du PKK. Et on ne peut, par conséquent, attendre d'eux qu'ils traitent leurs propres enfants de terroristes".
L'argumentation qui repose sur l'accusation de "séparatisme" ou de "collusion avec une organisation terroriste" - c'est-à-dire le PKK - est confortée par le fait que les Etats-Unis et l'Union européenne ont, pour des raisons d'opportunité conjoncturelles, inscrit cette organisation dans la liste des organisations terroristes. Appel est lancé à l'Union européenne pour qu'elle revoie sa copie.
André Métayer Président des Amitiés kurdes de Bretagne