Aliénor d’Aquitaine, reine de France puis d’Angleterre, grand-mère d’un duc de Bretagne
Il est bon de rappeler qu'Aliénor d'Aquitaine, connue pour avoir été la femme du roi de France Louis VII (entre 1137 et 1152) puis du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt (entre 1152 et 1189), fut aussi la grand-mère du duc de Bretagne Arthur Ier (1187-1203). En effet, le duché breton fut dans la deuxième moitié du XIIe siècle sous domination anglaise, après avoir été soumis par son second mari Henri II. Les Bretons luttèrent pour retrouver l'indépendance du duché sous le règne de la duchesse Constance (1186-1201), qui avait été mariée de force au fils d'Henri II et d'Aliénor, le duc Geoffroy II (1181-1186). Toutefois, ce dernier voulut s'affranchir de la domination de ses parents pour exercer pleinement ses fonctions de duc et fut bien accepté par la noblesse bretonne. En 1185, il rattache le comté de Nantes à la Bretagne : celui-ci en avait été détaché par son père en 1156 pour être rattaché à l'Anjou (tiens, tiens...). En 1186, Geoffroy II s'allie avec le roi de France, Philippe Auguste, contre son père et son frère appelé à devenir le prochain roi d'Angleterre : Richard Cœur de Lion. Mais il meurt d'un accident de tournoi à Paris sans savoir que sa femme est enceinte d'un fils. Sa tombe est à Notre-Dame alors en construction. Son fils Arthur (parfois appelé le posthume) naît l'année suivante à Nantes sous les acclamations des Bretons. Evoquant la naissance de l’enfant, le chroniqueur contemporain Roger de Hoveden rapporte les paroles enthousiastes des Bretons à l’annonce de la nouvelle : « Il est né notre Arthur ! Il croît le rejeton sorti de la tige des rois ; il règnera comme eux sur nous ; il sera pour nous comme une ceinture de forteresses » .
Le choix du prénom de l’enfant, appelé à devenir le prochain duc de Bretagne sous le nom d’Arthur Ier, avait été voulu par la noblesse bretonne. Il avait pour objectif d'en faire un nouvel Arthur, qui libérerait les Bretons de la domination anglaise comme le légendaire roi Arthur avait libéré les Celtes de la domination saxonne. A cette époque, « l’espoir breton » du retour d’Arthur est encore très vif dans le monde celte, en Bretagne et au Pays de Galles notamment. Cet espoir était régulièrement l’objet de moqueries chez les troubadours de l’époque qui, dans leurs poèmes, le comparaient souvent à la vaine attente du soupirant des faveurs de sa dame… « Il ne faut pas qu’une dame de cœur fasse attendre son amant comme un Breton » disait l’un d’eux. Mais, en 1187, avec la naissance d’Arthur Ier, le ton change. Le troubadour Peire Vidal écrit alors que :
« Celui qui blâme une longue attente
Fait une grande faute ;
Car maintenant les Bretons ont leur Arthur
Où ils avaient mis leur espoir. »
Or, le petit Arthur Ier qui vient de naître (et qui n'a pas connu son père comme celui de la légende) est également prétendant au titre de roi d’Angleterre en tant que neveu de Richard Cœur de lion (qui mourra sans enfant). A la mort de ce dernier en 1199, Arthur Ier de Bretagne affronte son oncle Jean sans Terre qui convoite lui aussi la couronne anglaise. Si Arthur Ier était parvenu à s'imposer, il aurait rassemblé toutes les marges celtiques de l'Angleterre sous son autorité et réalisé ainsi les prophéties de Merlin. Mais il connaîtra un destin tragique, assassiné par ou sur ordre de son oncle Jean. Au cours du conflit, Aliénor d'Aquitaine refusa de défendre les droits du seul de ses petits-fils qu'elle connut. Le cours de l'histoire bretonne en eut sans doute été changé.
Voir Eric Borgnis Desbordes, Arthur de Bretagne (1187-1203), l'espoir breton assassiné, Yoran embanner, 2012.