Parmi les arguments estimés forts des opposants au projet de l'aéroport, largement développés par une presse cherchant avant tout à entretenir son lectorat au moyen de faits divers et de

Parmi les arguments estimés forts des opposants au projet de l'aéroport, largement développés par une presse cherchant avant tout à entretenir son lectorat au moyen de faits divers et de sensationnel plutôt que de l'informer réellement, figurent les difficultés financières que connaissent la plupart des petits aéroports dits de proximité qui, en fait, ne sont que de petits aérodromes provinciaux. « Pourquoi un nouvel aéroport, l'actuel Nantes-Atlantique est suffisant et encore loin de la saturation ? », clament les plus modérés.
C'est vraiment ne pas connaître grand-chose au trafic aérien mondial. Contrairement aux assertions martelées quotidiennement, ce trafic est en constante augmentation. Les ressources pétrolières sont loin d'être épuisées et de nouvelles découvertes repoussent sans cesse la date supposée fatidique. Seule la France et ses citoyens semblent ignorer ces évidences et vouloir passer outre. Croire en l'arrêt brutal ou plus ou moins proche du commerce mondial et des relations humaines universelles ressort de l'aveuglement et de l'égocentrisme les plus complets.
Les difficultés de gestion et les dettes - énormes selon les dires de ces opposants - contractées par ces aéroports secondaires n'ont strictement rien à voir avec ce qui précède. Elles sont uniquement dues au fait que leur gestion est dans les mains de chambres de commerce et d'industrie soumises au pouvoir central, parfois sous-traitée après appels d'offres en régie à des sociétés dont la compétence et les pouvoirs sont très limités.
C'est en effet l'État, donc Paris et donc, dans les coulisses, AirFrance et Aéroports de Paris, qui règnent en maîtres sur la dite gestion de ces petits aérodromes. Les gestionnaires n'ont pratiquement aucun pouvoir de décision sur le choix des liaisons desservies et compagnies aériennes autorisées. Les lignes et liaisons dites internationales, la plupart sur de courtes distances ne dépassant guère quelques centaines de kilomètres, ne sont que des concessions faites par le pouvoir central, dans le but essentiel de soulager des aéroports parisiens parfois surchargés. Quelques liaisons plus longues, voire intercontinentales, complétent de façon temporaire le dispositif, toujours dans le même but et au moment seulement des périodes estivales. La seule liberté, qui en devient alors presque une obligation, est, semble-t-il, l'accès de ces aérodromes secondaires aux lignes “low cost” ou aux grands pélerinages touristiques de “charters”, un tourisme de faible pouvoir d'achat présentant peu d'intérêt pour la vie économique aux alentours de l'aérodrome concerné y compris pour l'aéroport lui-même. C'est ainsi que, dans le cas de la Bretagne, Brest, Lorient, Saint-Brieuc, Quimper et même Rennes vivotent misérablement sous l'œil amusé de Paris.
Pourtant, si les Bretons voulaient se donner un peu la peine de réfléchir, ils verraient que le cas de Notre-Dame des Landes n'est en rien comparable : d'un côté, l'investisseur principal, une société privée qui restera gestionnaire durant plusieurs dizaines d'années, de l'autre, un État, bien qu'en théorie maître d'ouvrage, totalement impécunieux contraint de faire appel aux collectivités locales pour pallier cette impécuniosité. La parole doit donc revenir logiquement à ceux qui risquent quelque chose dans l'opération. A eux d'envisager dès à présent une destinée mondiale pour cet aéroport, des liaisons intercontinentales avec les Amériques et l'Afrique de l'Ouest, un dispatching vers l'ensemble de l'Europe et de la proche Eurasie et des navettes régulières desservant les aérodromes de proximité, notamment pour le fret, sans interférence quelconque des instances parisiennes. La situation géographique et climatique de Notre-Dame des Landes leur en donne le droit et le devoir.
Paul Chérel