Retour sur la Volvo Ocean Race après le flash info de la nuit dernière : ( voir notre article )
Franck Cammas et ses hommes sont d'ores et déjà sacrés vainqueurs de la onzième édition de la Volvo Ocean Race : en terminant deuxième de l'ultime étape entre Lorient et Galway derrière les néo-Zélandais, Groupama 4 acquiert suffisamment de points d'avance pour s'assurer de la première place au classement général, quel que soit son résultat lors de la dernière régate « In-Port » de samedi prochain. Premier succès français depuis la victoire de Lionel Péan et son équipage en 1985-86 !
Et comme toujours, rien n'était joué sur cette neuvième et pénultième manche entre la Bretagne et l'Irlande ! Et comme toujours ou presque, le scénario qui annonçait une grande ligne droite dans un vent stable ne s'est pas tout à fait réalisé. Et comme souvent, c'est dans les derniers milles que tout a basculé. Et comme rarement et pour la première fois depuis 1986, un voilier français s'impose dans la plus longue et la plus dure des courses océaniques après 40.000 milles en mer et près de neuf mois depuis le départ d'Alicante en novembre dernier... Franck Cammas et ses hommes en terminant dans le tableau arrière des néo-Zélandais à Galway pour cette ultime étape hauturière, s'adjugent donc le Graal de la course au large, la Volvo Ocean Race, avant même la conclusion de samedi prochain lors de la régate « In-Port » .
Cette neuvième étape entre Lorient et Galway s'annonçait serrée puisque le parcours de 550 milles était cadré par les passages obligés autour de Belle-Île, puis par la pointe de la Bretagne, par le phare irlandais du Fastnet et par les îles d'Aran. De fait, les écarts entre les quatre premiers n'ont jamais dépassé plus de quatre milles, avec des leaders qui se succédaient au fil des manoeuvres (nombreuses) à effectuer pour s'adapter à une brise irrégulière en force. Les Espagnols menaient la danse jusqu'au raz de Sein, puis les néo-Zélandais prenaient le commandement avant de se faire déborder par les Ibères, puis par les Américains au passage du Fastnet alors que Groupama 4 restait en permanence à l'affût.
Les rotations du vent de sud-ouest 20-25 noeuds à l'ouest quinze noeuds le long des côtes irlandaises relançaient continuellement le débat, mais après les îles Blasket, le match semblait acquis pour Puma qui effectuait un petit break d'un mille et demi sur Camper et Telefonica. Franck Cammas et ses hommes restaient au contact en se décalant légèrement au large. Mais à cinquante milles de l'arrivée, il fallait penser à empanner dans une brise d'une douzaine de noeuds qui tournait au secteur sud : Groupama 4 était le premier à engager la manoeuvre, suivi par Camper, alors que les Américains et les Espagnols tardaient à changer de cap...
La nuit venait juste de tomber quand les quatre leaders abordaient les îles d'Aran au passage du phare de Eoragh : les néo-Zélandais n'avaient que 500 mètres d'avance sur les Français, eux-mêmes sous la pression des Américains à 400 m derrière alors que les Espagnols étaient légèrement décrochés à un mille. Quant aux deux autres, Sanya et Abu Dhabi, ils concédaient plus de 35 milles aux leaders...
Une quatrième place suffisait à Groupama 4 pour s'octroyer la victoire sur la Volvo Ocean Race, mais l'équipage français ne voulait rien lâcher pour conclure sur une note aussi positive que ses dernières gammes lisboètes et lorientaises.
Mais la manche ne pouvait plus échapper aux Kiwis (sur Camper) qui remportaient ainsi leur première étape océanique depuis le départ d'Alicante pour arriver à 0 h 42' UTC (2 h 42', heure française) acclamés par une foule absolument incroyable ! Des milliers d'Irlandais entouraient le bassin de Galway avec un enthousiasme extraordinaire qui montait encore plus en puissance quand le voilier français s'amarrait au ponton, félicitant le premier Irlandais vainqueur de la Volvo Ocean Race : Damian Foxall, chef de quart sur Groupama 4 !
Avec cette deuxième place devant les Américains et les Espagnols, Franck Cammas et son équipage sont assurés de la victoire finale au classement général avant même l'ultime régate « In-Port » de samedi prochain. Avec 24 points d'avance sur Camper, Groupama 4 est sacré et consacré vainqueur de la onzième édition de cette course autour du monde en équipage, une première pour un team français depuis la victoire de Lionel Péan et ses hommes en 1985-86...
— Franck Cammas skipper
" Gagner la Volvo Ocean Race, c'est forcément un très beau challenge quand on est novice sur ce format et français de surcroît ! C'est cela qui est motivant et excitant pour une équipe : arriver là où personne ne vous attend.
En n'étant pas favori ni même outsider au départ d'Alicante, nous avions aussi une position facile, surtout que cette première course autour du monde en équipage était pour nous un apprentissage avant une deuxième participation envisagée. Nous étions là pour découvrir sans pression, mais gagner, ça a été une surprise pour tout le monde... Même si nous avons énormément travaillé depuis trois ans.
On est entré dans un tunnel pour ne penser qu'à la course et c'est vrai qu'on n'imaginait pas le lendemain : notre monde va peut-être être un peu vide pendant quelques jours après le week-end prochain. Mais après une victoire comme celle-là, il va nous rester de tellement beaux souvenirs et une grande confiance dans notre méthode de travail et dans notre stratégie qu'on peut penser à plein d'autres défis.
C'est un grand rêve qui se réalise aujourd'hui : sincèrement, je ne pensais pas gagner dès la première tentative ! On est devenu un bon équipage au fil des milles : au début, on pensait que les Espagnols survolaient la course mais on savait que cela restait très serré entre quatre bateaux qui pouvaient tous gagner.
Cela a fait une régate extraordinaire car il n'y a jamais eu autant d'incertitudes sur la course autour du monde. Et on a encore envie de gagner la dernière « In-Port » à Galway samedi, juste pour remercier Thierry Péponnet qui nous a dit de finir en tête des régates courtes : il faut terminer en beauté ! On est très heureux de courir cette dernière manche sans aucune pression... ".
— Charles Caudrelier, navigateur
" Cette dernière manche au large était comme une étape de la Solitaire, sauf qu'on met quatre jours en Figaro ! Mais on avait un peu oublié ce que c'était : on a eu un peu de mal à trouver le bon rythme et on a dû dormir plus que tout le monde. On voyait qu'ils étaient tous au rappel en permanence, on savait aussi que cette manche allait se jouer à l'arrivée et nous voulions rester reposés et sereins. On a ainsi été un peu surpris que les autres équipages ne déclenchent pas leur dernier empannage en même temps que nous : il fallait bien aller à terre ! Cela a coûté cher aux Américains. Et on voulait gagner cette manche... Pour montrer qu'en France, il y a un savoir-faire.
On savait que Groupama 4 était un très bon bateau, grâce à Franck et son design team, et on a bien vu que nous étions un cran en dessous au niveau équipage.
On ne s'est pas posé de questions et on a travaillé, particulièrement pour les régates au contact. Au point que nous sommes deuxièmes, à un point au classement des régates « In-Port » !
La course, on l'a gagnée à Lorient en écrasant Puma : les inshores ont finalement beaucoup pesé sur la hiérarchie ".
— Thomas Coville, chef de quart
" Quand j'avais participé à la Volvo Ocean Race avec Knut Frostad, j'étais “intermittent du spectacle” puisque je n'avais fait que quelques étapes. Cette fois, j'étais titulaire et cela change tout ! Ta présence est là pour servir un groupe, un leader et au fur et à mesure des neuf mois de travail, l'équipe monte en puissance pour arriver à atteindre la victoire.
Au départ, tu ne peux pas savoir si cela va marcher : il y a tellement de paramètres à prendre en compte. Et aujourd'hui, on gagne avec 24 points d'avance : ce n'est pas rien !
Mais on veut encore remporter la dernière manche de samedi pour Thierry Péponnet qui a sans doute été l'un des maillons essentiels pour nous construire mentalement.
Car la préparation aux régates « In-Port » a largement dépassé le cadre de ce format : on a appliqué sa méthode et ses conseils aux étapes au large et cela a été payant ! "
— Thierry Martel, directeur général du Groupe Groupama
" Nous sommes très fiers de cette victoire exceptionnelle qui représente beaucoup pour Groupama aujourd'hui. Mais c'est avant tout un grand sentiment de fierté pour l'ensemble des 50 000 élus et des 38.500 collaborateurs du Groupe pour tout le travail accompli par les équipes en mer comme à terre. Elle représente, en effet, la ténacité, la foi dans un objectif ambitieux et la capacité à réunir et à motiver une équipe quels que soient les aléas de parcours. Elle est aussi extrêmement symbolique dans la période que nous traversons et c'est aussi pour cela qu'elle est belle.
Merci à Franck, à son équipage et à l'ensemble des équipes à terre, d'avoir écrit un nouveau et magnifique chapitre à l'histoire que nous construisons en commun depuis 15 ans maintenant ".
1- Camper (Chris Nicholson) mardi 3 juillet à 2h 42' 13 en 1j 13h 40' 13 ;
2- Groupama 4 (Franck Cammas) à 2h 49' 11 ;
3- Puma (Ken Read) à 2h 55' 01 ;
4- Telefonica (Iker Martinez) à 2h 59' 33 ;
5- Sanya (Mike Sanderson) à 5h 14' 27 ;
6- Abu Dhabi (Ian Walker) à 5h 23' 29.
1- Groupama 4 (Franck Cammas) : 2+20+2+18+5+24+2+30+4+20+6+20+5+25+6+30+6+25 = 250 points ;
2- Camper (Chris Nicholson) : 4+25+5+24+4+18+3+15+6+15+5+25+3+10+4+25+5+30 = 226 points ;
3- Puma (Ken Read) : 5+0+4+19+3+17+5+25+5+30+4+30+4+20+5+20+4+20 = 220 points ;
4- Telefonica (Iker Martinez) : 1+30+6+29+2+27+6+20+1+25+2+15+1+15+1+10+3+15 = 209 points ;
5- Abu Dhabi (Ian Walker) : 6+0+3+10+6+14+4+10+2+0+3+10+6+30+3+15+2+5 = 129 points ;
6- Sanya (Mike Sanderson) : 3+0+1+5+2+5+1+5+3+0+0+0+2+5+2+5+1+10 = 50 points.