Vie ou mort pour les langues de France ? Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Education Nationale Nous, enseignants et enseignants-chercheurs en langue régionale regroupés en collectif, exprimons notre indignation à l’annonce par le Ministère de l’Education Nationale du nombre de postes ouverts au Capes pour l’année 2004. Comme tous nos collègues, nous dénonçons la très forte baisse du nombre de postes qui touche de plein fouet toutes les disciplines. Mais chacun a constaté que nos propres disciplines, déjà fragiles de par leur retard historique au sein de l’Education Nationale, sont proportionnellement les plus violemment affectées : entre moins 65% et moins 75% de baisse pour moins 29% en moyenne générale. La chute de 45 à 15 postes pour nos langues entraîne leur irrémédiable précarisation (un seul poste pour le CAPES externe de catalan, contre trois en 2003). Nous souhaitons penser que cette erreur politique s’explique autrement que par le mépris ou l’ignorance. En effet, elle heurte violemment les plaidoiries du Président de la République en faveur de la « diversité linguistique et culturelle ». La francophonie ne gagnera pas en légitimité si elle méconnaît les langues de France. Les nombreux locuteurs du français hors de France sont multilingues. S’ouvrir aux langues en France, c’est développer ce multilinguisme, moyen des plus efficaces d’œuvrer contre l’illettrisme. C’est une exponentielle à la francophonie. Elle est en contradiction totale avec les textes officiels qui depuis plus de vingt ans, tous gouvernements confondus, reconnaissent et développent des langues par ailleurs officielles pour beaucoup d’entre elles dans d’autres pays de la Communauté Européenne (occitan, catalan, basque) et que nous croyions unanimement reconnues égales en dignité, en intérêt, en valeur et en droits, en France. Elle est un retour en arrière sans précédent dans les programmes et les réalisations scolaires, elle rend incohérente la carte scolaire et fragilise le suivi des sections bilingues français-langue régionale en plein essor à l'école primaire. Elle provoquerait l’effondrement de filières entières, de la maternelle à l’Université. Enfin, elle heurte la société civile dans son ensemble pour qui les langues de France sont vecteurs d’attachement aux idéaux de la République comme aux réalités quotidiennes, culturelles, économiques, humaines, des territoires dont elles sont la trame historique. Elle entraîne à court terme la mort de nos langues, langues de France. Nous ne pouvons l’accepter. Nous ne l’accepterons pas. Aussi, nous demandons que soient reconsidérés les chiffres provisoires des postes au concours, afin de retrouver un potentiel crédible d’enseignants, seul apte à réellement engager une politique de développement et de transmission des langues et cultures de France au sein de l’Education Nationale. Dans l’attente d’une véritable politique en faveur des langues de France, et de leur transmission à l’école de la République, nous vous prions de croire en nos sentiments les plus dévoués, Collectif des enseignants formateurs pour les langues de France. Adresse du Collectif des enseignants formateurs pour les langues de France : IUFM de Midi-Pyrénées 181, avenue de Muret 31 076 Toulouse