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- Communiqué de presse -
Nominoe Dux totius Britanniae ou Roi de Bretagne
La disparition de Wuiomarch coïncide, à quelques années près, avec l'ascension d'un chef breton qui va jouer un rôle considérable dans l'histoire de la Bretagne : Nominoë. De ses origines, on ne sait rien : prince ou simple laboureur ? Les documents ne permettent pas de trancher.
Par Louis Melennec pour Histoire et Identité le 4/09/07 10:46

La période 825 - 830 coïncide à quelques années près, avec l'ascension d'un chef breton qui va jouer un rôle considérable dans l'histoire de la Bretagne : Nominoë.

De ses origines, on ne sait rien : prince ou simple laboureur ? Les documents ne permettent pas de trancher.

On ne sait ni pourquoi, ni comment cela s'est réalisé, ni quelles sont ses motivations au début de sa "carrière". Le fait est qu'on le trouve au service de l'empereur Louis le Pieux aux alentours de 830 (probablement en 831) . Il apparaît dans lesactes, à partir de cette époque, sous des titres divers : comte de Vannes (Comes Venetice civitatis), prince de la cité de Vannes (princeps Venetice civitatis), délégué de l'empereur Louis (missus imperatoris Ludovici), gouvernant en Bretagne (gubernans in Brittaniam), régnant en Bretagne (regnans in Brittaniam), maître en Bretagne (magister in Brittaniam), duc en Bretagne (dux in Brittaniam), dominant la Bretagne (dominans Brittaniam).

- S'agissant de l'étendue de ses pouvoirs, il exerce très certainement – comme les autres comtes, agents ordinaires et délégués généraux du roi dans leurs circonscriptions – la plénitude des compétences, l'ensemble de la judiciara potestas, c'est à dire de la puissance publique, sans limitation ni spécialisation, soit comme exécutant des instructions impériales, soit spontanément . Mais a-t-il exercé son autorité sur toute la Bretagne, comme le laissent entendre les titres - quelque peu pompeux - qu'il utilise, notamment celui de “Dux in Brittaniam? “. Cela est plus que douteux. Fonctionnaire d'un souverain étranger, il est improbable qu'il ait pu exercer un contrôle effectif sur un peuple ingouvernable, jaloux de son indépendance, divisé en tribus, chefferies ou royaumes souvent en conflit, et qui n'acceptera un gouvernement ducal centralisé que de nombreux siècles plus tard. La vérité est qu'il a exercé son autorité comme il l'a pu, et là ou il a pu le faire.

Les actes semblent démontrer qu'il est resté fidèle à l'empereur franc jusqu'à la mort de celui-ci, les liens étant certainement très laches entre le Dux et l'Empereur, puisqu'il n'y a à l'époque aucun pouvoir central, ni aucune administration, au sens ou nous l'entendons aujourd'hui, mais seulement des relations de personne à personne. Il n'est pas exclu qu'en sa double qualité de breton et de chef nominal d'un pays étranger à l'Empire, chroniquement agité, rebelle et fortement hostile aux Francs, il a joué un double jeu, attendant l'heure propice pour s'émanciper d'une tutelle qu'il ne peut avoir sincèrement ni souhaitée, ni aceptée. Comme nous allons le voir, la haine que lui et les Bretons éprouvent à légard de leurs voisins et ennemis est considérable.

L'émancipation de Nominoë ; campagnes militaires contre les francs.

La mort de l'empereur Louis le Pieux, le 20 juin 840, inaugure entre ses trois fils une suite de conflits. Chacun, écrit Nithard, " guidé par sa cupidité, cherchait son propre avantage". Par le traité de Verdun, signé en août 843, l'empire est divisé en trois parties. A Charles (dit le Chauve) est dévolue la partie occidentale du regnum Francorum (la France actuelle, approximativement). Louis (dit le Germanique) reçoit le royaume oriental, correspondant, grosso modo, à l'Allemagne actuelle. Lothaire reçoit en partage un royaume médian, situé entre ceux de ses frères, s'étendant de la mer du Nord au nord de l'Italie ; le titre impérial lui est dévolu.

Nominoë fit mine de rester fidèle à Charles pendant deux ou trois ans. En 841, le roi se rendit au Mans. “ Il envoya des émissaires auprès de Nominoë, duc (c'est à dire chef) des Bretons, pour savoir s'il accepterait de se soumettre à son pouvoir. Celui-ci, écoutant les conseils de la majorité des siens, expédia des présents à Charles et promit par serment de lui garder fidélité”. Une sorte de "bail", en quelque sorte, fut donc reconduit entre les deux hommes, d'une commune volonté.

Mais à partir de cette époque, les conflits entre les Francs et les Bretons reprennent, et se succèdent à un rythme accéléré. L'accalmie a duré moins de quinze ans, ce qui confirme, ceci s'ajoutant au reste, que l'Empereur n'a, en fait, exercé AUCUNE AUTORITE en Bretagne pendant la période considérée, contrairement à ce qu'affirment encore quelques historiens bretons.

En 843, une bataille se déroule à Messac :

" L'an 843 de l'incarnation du sauveur … Renaud, duc éminent de Charles (= c'est à dire lié au roi par un serment de fidélité, pour s'exprimer simplement), originaire d'Aquitaine, comte de Nantes, ayant réuni contre les Bretons une nombreuse troupe d'amis et de proches, livre bataille au lieudit Messac, en bordure de la Vilaine . Au premier engagement, les Bretons, vigoureusement pressés, tournent le dos . Lambert amène du renfort. Alors seulement, il résiste activement à ceux qui jusque là le poursuivaient, si bien qu'il force à la fuite ceux qu'il fuyait auparavant . Ils en font un tel carnage qu'une foule immense tombe avec ce chef, et qu'ils peuvent emporter chez eux un butin considérable, ayant réservé un effectif important en vue de l'échanger contre rançon " (Chronique de Nantes).

La chronique d'Aquitaine et les annales d'Angoulême observent :

" Cette année là … Renaud fut tué par Lambert."

L'empereur Charles le Chauve vient en Bretagne, et cause dans le pays des dégats importants:

" Charles, pour la première fois, dévaste la Bretagne par le fer et par le feu" (Chronique d'Aquitaine).

Mais dès l'année suivante, en 844, ce sont les Bretons qui

remportent des succès importants :

" Lambert, avec des Bretons, tue certains des marquis du roi Charles, interceptés au passage d'un pont sur la Maine". (Chronique de Saint Bertin).

La même année, les annales de Saint Bertin notent :

" Le Breton Nominoë, transgressant de façon insolente les frontières qui lui avaient été assignées, ainsi qu'à ses prédécesseurs, parvient jusqu'au Mans, pillant tout de long en large, brûlant même la plus grande partie. Arrivé là, il est contraint de revenir sur ses pas, à cause d'une irruption menaçante des Normands sur ses terres".

Au mois d'octobre 844, les trois rois francs, Lothaire, Charles, Louis se réunissent à Thionville. Ils adressent un mandement commun à Nominoë, et le somment de se soumettre (Annales de Saint Bertin).

En 845, a lieu une importante bataille à Ballon, près de Redon :

" Charles, ayant imprudemment attaqué la Bretagne de Gaule, avec des forces limitées, les siens lâchent pied par un renversement de fortune ; en hâte, il retourne au Mans, puis son armée, reconstituée, il se prépare à une nouvelle attaque". (Annales de Saint Bertin).

" … Les Francs, étant entrés en Bretagne, engagent le combat avec les Bretons ; le 22 novembre, aidés par la difficulté des lieux et les emplacements marécageux, les Bretons se révèlent les meilleurs" (Annales de Fontenelle).

En 846, un accord intervient entre les deux chefs belligérants. Charles tient une assemblée à Epernay, près de Reims, dans le courant du mois de juin. Puis, il gagne avec son armée les contrées bretonnes, et conclut un traité avec Nominoë, duc des Bretons. Les clauses de cet accord ne sont pas connues.

À la fin de l'année 846, des Bretons occupent le Bessin et ravagent la région. L'histoire ne dit pas si ce sont des Bretons agissant de leur propre chef, ou si Nominoë est complice de cette expédition.

En 847, les trois rois Lothaire, Louis et Charles se réunissent à Meerssen, du 27 février au 5 mars. Louis le Germanique déclare :

" Nous dépêchons aux Bretons nos envoyés. Nous les exhortons à poursuivre l'intérêt commun ainsi que la paix ; que ceux-ci l'entendent ou non, nous voulons agir en conséquence avec l'aide de Dieu et de votre conseil".

Cette même année 847, au palais de Baizieux :

" … arrivèrent des messagers adressés au seigneur roi, lui annonçant la mort du Breton Mangil et de ses compagnons, tués par le comte Geoffroy" (Premières annales de Fontenelle).

En 849, Charles se rend vers l'Aquitaine. Au mois de juin, il tient une assemblée générale à Chartres :

" Nominoë, le tyran des bretons, parvient jusqu'à la ville d'Angers, la Marche (= la zone frontère) est rendue au comte Lambert" (Premières annales de Fontenelle, année 849) .

Les annales de Saint Bertin confirment :

" Le Breton Nominoë, avec sa perfidie habituelle, envahit Angers et les lieux avoisinants".

L'année 850 est marquée par plusieurs évènements importants : Le Comte Lambert de Nantes fait sédition et s'allie avec Nominoë :

" Le Comte Lambert et son frère Garnier, visant à la tyrannie, manquent à la foi jurée et s'allient avec Nominoë, tyran des Bretons… Le Roi Charles, avec l'armée, parvient jusqu'à la ville forte de Rennes et y place une garnison . Mais lorsqu'il s'en éloigne, Nominoë et Lambert, avec une troupe de fidèles, entreprennent le siège de la ville. Effrayés par la crainte, nos défenseurs se résolvent à capituler et sont relégués en Bretagne" (Premières annales de Fontenelle).

"En ces jours, le Comte Amaury et beaucoup d'autres sont pris dans la ville de Nantes par Nominoë, duc des Bretons, et par le tyran Lambert. Puis ils gagnent le Mans, avec une indicible furie appuyés par le tyran Lambert, traître (à sa foi). Les grands, capturés, sont dirigés sur la Bretagne, le reste du peuple est renvoyé désarmé" (Annales de Fontenelle).

" En l'année 850, Charles le Chauve, pour la troisième fois, vient avec une grande armée en Bretagne" (Annales d'Angoulême).

À peu près à cette époque, Nominoë dépose l'évêque de Nantes, Actard, et le remplace par son homme Gislard, venu de Vannes. Nantes et Rennes sont prises, une partie des murs sont détruits, ainsi que les portes des deux villes (Annales d'Angoulême).

Les relations avec la Bretagne se sont à ce point détériorées, et la haine a atteint un tel sommet, qu'en juillet-août 850, les évêques francs, faisant corps derrière leur souverain, adressent à Nominoë une lettre très violente, en forme de factum, pour dénoncer ce qu'ils appellent ses " méfaits" - omettant, bien entendu ceux commis par les Francs, dont on a aucune raison de penser qu'ils sont moindres:

" Ta damnable cupidité et ton horrible cruauté ont tourmenté des nobles et des non nobles, des riches et des pauvres, des veuves et des orphelins.... Par ta cupidité, la terre des chrétiens a été dévastée, les temples de Dieu en partie détruits, en partie incendiés avec les ossements des saints et les autres reliques... les biens des églises ... ont été détournés à ton usage d'une manière illicite ; les nobles ont été dépouillés de leurs héritages; une très grande multitude d'hommes ont été tués ou réduits en servitude ; les plus cruelles rapines ont été commises ; des adultères et des viols de jeunes filles ont été perpétrés un peu partout ... Tu as blessé toute la chrétienté, en méprisant le vicaire de Saint Pierre, le pape Léon. Tu as offensé les évêques.... Mets un terme à tes mauvaises actions ; tournes-toi vers Dieu .... Nous portons tout cela à la connaissance des hommes de Lambert, et à ceux de toute la nation, parce que, s'ils font cause commune avec lui et participent à sa rébellion, ils seront frappés de l'anathème et livrés à Satan...."

Nominoë est peu impressionné par cette philippique. Les Francs, en effet, ont conquis leur Empire par les mêmes moyens que lui, par le fer et par le feu.

En 851, reprenant les armes, il ravage la Mayenne, l'Anjou, le Maine. Sans aucun doute, les armées bretonnes commettent des actes violents. Mais ce comportement est celui de toutes les armées en campagne, ni plus, ni moins.

Politique religieuse de Nominoë

Dans le domaine religieux, le principat de Nominoë est marqué par deux affaires importantes :

- LA PREMIERE EST CELLE DES EVEQUES SIMONIAQUES.

Une partie non négligeable du clergé breton, par le canal des plus élevés dans la hiérarchie ecclésiastique - les évêques et les abbés, nommés par les francs ou acquis à leurs intérêts -, subissent de longue date la tutelle du royaume voisin. La Bretagne, au plan religieux, appartient à la province ecclésiastique de Tours; à ce titre, le métropolitain, l'évêque de cette ville est franc. Le moins qu'on puisse dire est qu'il a témoigné à de multiples reprises son antipathie, voire son aversion pour les bretons. On décide, pour se débarrasser d'eux, de susciter des difficultés à plusieurs évêques francs occupant des sièges ecclésiastiques en Bretagne ( parmi lesquels Susannus de Vannes), en leur cherchant noise. On les accuse d'avoir abusé de leur ministère en percevant d'une manière illégitime des dons et des présents indus, plus précisément à l'occasion des ordres conférés à leurs clercs. Le roi franc n'est pas en état de leur prêter secours, car il ne dispose de rien en Bretagne, et n'y exerce aucune autorité effective.

Les prélats sont convoqués par Nominoë, et invités à se défendre; l'accusateur, n'est autre que Convoion, abbé de Redon. Deux d'entre eux – Susannus de Vannes et Félix de Quimper – partent pour Rome, pour s'expliquer, et pour se justifier auprès du Pape. Convoion, de son côté, fait le voyage pour soutenir l'accusation.

Le pape réunit une assemblée de prélats pour délibérer de l'affaire. Il est confirmé, dans le principe, que l'évêque qui a reçu des présents pour les ordinations doit être destitué et remplacé dans l'exercice de ses fonctions. Mais dans la forme, il est clairement dit que la sentence ne peut être prononcée que par une assemblée de douze évêques. La Bretagne ne comptant que sept évêchés, cela rend un procès dans les formes canoniques impossible, sauf à recourir à des juges étrangers.

Autoritairement, d'une manière canoniquement irrégulière – tout comme avait été irrégulière la destitution de l'évêque Actard de Nantes, et son remplacement par Gislard de Vannes –, Nominoë convoque une assemblée à Couët-Louh. Terrorisés, les accusés avouent, et sont destitués.

Deux d'entre eux vont chercher refuge dans le royaume de Charles le Chauve. Nominoë place sur les sièges vacants quatre créatures à sa dévotion, portant des noms bretons.

Bien plus tard, en 866, Salomon, devenu roi de Bretagne, rétablit deux de ces évêques, parce qu'ils étaient Bretons, de nation et de langue.

- LA DEUXIEME EST LA CREATION D'UN ARCHEVÊCHE A DOL.

Les Bretons avaient toujours témoigné dans leur pratique religieuse d'une certaine originalité. A plusieurs reprises, ils avaient fait l'objet d'admonestations et de mises en demeure de la part des évêques francs, et du Métropolitain de Tours, dont ils dépendaient au plan religieux, quoique Tours fût situé dans le royaume franc, et non en Bretagne.

Un concile, réuni à Tours en 567, avait ordonné qu'aucun Breton ne fût "sacré évêque en Armorique sans l'autorisation du Métropolitain et des co-provinciaux ", sous peine de "la sentence prévue dans les lois canoniques".

Les limites des provinces ecclésiastiques, héritées de l'empire romain, ne coïncident pas avec celles des Etats, d'ailleurs très instables, sans cesse modifiés dans leur étendue et dans leurs frontières par les guerres, les querelles, les héritages… L'intérêt évident de la Papauté – et de la Chrétienté – est que ces limites ne soient pas changées au hasard, et que les provinces ecclésiastiques, non confondues territorialement avec les royaumes, les principautés, gardent les mêmes limites, facteur de stabilité pour tous.

A partir du moment où les Bretons furent nombreux dans la péninsule armoricaine, devenue leur pays et leur patrie, il leur devint insupportable d'être régentés, fût-ce seulement au plan religieux, par le Métropolitain étranger de Tours, dont le siège était situé hors des frontières bretonnes, et, de surcroit, était sujet d'une nation ennemie.

C'est ici qu'apparait dans toute sa lumière la volonté farouche des Bretons de ne dépendre en rien des Francs, et d'être totalement Maîtres chez eux.

Nominoë a la ferme volonté de rompre toute attache avec le métropolitain de Tours, et d'établir une métropole bretonne à Dol, c'est à dire de créer de toutes pièces une nouvelle province ecclésiastique, dont les limites se confondront exactement avec le territoire de la Bretagne, et dont le Chef religieux, breton, sera l'évêque de cette ville: toute ingérence franque, ainsi, sera expulsée de Bretagne, d'une manière radicale.

La Borderie situe l'événement en 848.

On est assez mal informé de la chronologie des faits. On sait, d'une manière certaine, que la rupture entre le clergé franc et le clergé breton survient avant 850. Cela déclenche l'ire des évêques francs, qui réagissent avec une extême vivacité.

La lettre synodale adressée par ces évêques à Nominoë en juillet-août 850 fait allusion à la rupture des relations des églises bretonnes et franques dans des termes sévères :

" L'ancienne province ecclésiastique de notre patron Saint Martin (= Tours), dont vous ne pouvez nier faire partie, a été violemment déchirée ; tous les ordres ecclésiastiques ont été bouleversés".

Plus violente encore: la lettre du concile de Toul (ou de Savonnière) de 859 dénonce les Bretons comme ayant abjuré depuis vingt ans (!). La lettre rédigée lors du concile national des gaules à Soissons, en 866, destinée au pape, exhorte celui-ci à intervenir avec fermeté auprès des Bretons. Elle est extrêmement

injurieuse, et dépasse toute mesure:

"Les Bretons, barbares gonflés d'une férocité extrême, méprisent tous les préceptes sacrés, toutes les prescriptions des Saints Pères… Ils ne sont chrétiens que de nom. Ordonnez à leur chef (Auctor Brittonum) de revenir à la coutume de ses prédécesseurs".

Les correspondances papales, postérieures, mais peu éloignées des faits, énoncent clairement les prétentions bretonnes.

La lettre du pape Nicolas 1er, écrite au roi Salomon de Bretagne, en 863, est claire :

" La loi de l'Eglise, notre mère, est que tous les évêques de votre Royaume (= observez, en passant, que le pape désigne la Bretagne sous son appellation de Royaume, et non autrement),

doivent être soumis par vous à l'archevêque de Tours et à sa juridiction … c'est leur métropolitain, et ils sont leurs suffragants".

La lettre du même pape à l'évêque Festinien de Dol, datée du 17 mai 866, affirme d'une manière très nette : "Nous ne voyons pas dans la tradition ecclésiastique de fait qui vous autorise à avoir une métropole …"

" Vous nous avez écrit que l'évêque Restoald, votre prédécesseur, comme on le voit dans nos registres, aurait été consacré archevêque de Dol par le pape Séverin, Pontife de la Sainte Eglise romaine, et qu'un certain Juthmaël, a été gratifié du Pallium (= c'est à dire du grade d'archevêque) par le pape Adrien. En vain, avons-nous feuilleté les registres de ces deux papes: nous n'y avons rien trouvé de cela."

- LES REACTIONS.

Ces deux affaires suscitèrent dans le monde chrétien une émotion considérable.

S'agissant de la première, tous les commentateurs sont d'accord sur le fait que la destitution des évêques accusés de simonie, avait pour but de débarrasser la Bretagne de prélats acquis aux intérêts des francs, et de les remplacer par des Bretons, supposés plus dociles. Les évêques étaient-ils coupables de ce dont on les accusait ? Des indices multiples donnent à le penser, notamment leur aveux d'avoir perçu ce que l'on nommait des "eulogies". Mais il est probable que le clergé breton était aussi corrompu qu'eux : la simonie était une pratique très répandue ; les mœurs des Bretons de ce temps n'étaient pas plus vertueuses que celles des francs, peut-être était-ce l'inverse.

Le pape, de longues années plus tard, dans une lettre adressée à Salomon, Roi de Bretagne, successeur d'Erispoë, émet des doutes très sérieux sur la manière dont leurs aveux des évêques furent "extorqués" en leur temps.

Le 7 mars 851 (selon la tradition), Nominoë meurt brutalement à Vendôme, dans des circonstances mystérieuses, alors qu'il se prépare à envahir la région de Chartres.

En Gaule, ce fut un grand soulagement, comme en attestent toutes les annales conservées.

L'œuvre de Nominoë

Le rôle de Nominoë a été diversement interprété. L'historien romantique La Borderie, au siècle dernier, exaltant ses actions d'une manière emphatique, a voulu en faire le père de la patrie (tad ar vro), pire, le père de la nation (pater patria). Les chroniques franques et les actes du cartulaire de Redon, les quelques lettres émanant des évêques francs et du Pape sont très suffisants pour brosser d'une manière assez objective ce que fut son “œuvre”.

Au plan politique, il a, indiscutablement, totalement libéré la Bretagne de l'emprise des francs. Ceux-ci, à vrai dire, n'avaient jamais pu la réduire au rang de province. La nomination de Nominoë en qualité de Comte de Vannes visait à instaurer, si l'opération avait réussi, une sorte de “gauleiter”, de gouverneur local qui aurait mieux tenu les hommes de son peuple qu'un fonctionnaire étranger.

Les multiples victoires remportées après 853 firent voler en éclat les prétentions du Roi franc. D'une certaine manière, Nominoë a été le Vercingétorix des Bretons.

Il a, d'autre part, réussi à imposer son autorité, peu ou prou, à toute la Bretagne, non en qualité de chef d'un gouvernement “centralisé”, mais de chef militaire unique, ce qui ne s'était jamais vu auparavant.

Nominoë a-t-il été le premier roi des Bretons, comme on l'a laissé entendre ?

Il faut répondre à cette question, très importante pour les Bretons - plus encore aujourd'hui, ou le sentiment national subit une renaissance spectaculaire, après l'étouffement moral dont ils ont été victimes pendant plusieurs siècles de la part de leurs voisins (comme les Grecs et les Bulgares de la part des Turcs, les Gallois et les Ecossais de la part des Anglais, les Catalans de la part des Castillans ....) -, d'une manière aussi claire que possible.

D'après des sources très postérieures (la chronique de Nantes, rédigée au 11ème siècle), Nominoé aurait écrit au Pape pour lui demander l'autorisation de porter le titre de Roi. Léon IV aurait répondu qu'on ignorait à Rome s'il y avait eu autrefois des rois dans la petite Bretagne, que les archives pontificales n'en contenaient aucune mention, que cette province avait été soumise aux rois francs depuis la constitution du royaume. En conséquence, il lui permit seulement de prendre le titre de Duc et de porter le cercle d'or. D'après les mêmes sources, Nominoë fut sacré roi par l'archevêque de Dol . Tout ceci est plausible, mais les preuves concernant ces affirmations, contradictoires manquent. Il est possible, mais non certain, que l'histoire a été plus ou moins "réécrite" après coup pour permettre aux Bretons de se défendre contre les prétentions des rois capétiens, qui, en effet, n'ont cessé, pendant des siècles, d'émettre des prétentions fantaisistes, revendiquant la propriété d'une Principauté dont on sait aujourd'hui, avec la certitude la plus absolue, que si elle a souvent dû faire face aux assauts des Francs, ceux ci n'ont jamais obtenu que des succès limités, dans le temps et dans l'espace, ont toujours été refoulés, et ont subi de cruelles défaites. Ce qui n'est pas glorieux pour eux, qui disposaient de si vastes territoires, et des forces colossales, là ou les Bretons, peu nombreux, n'avaient pour eux que leur courage et leur détermination.

Dans la forme, d'après les actes conservés, Nominoë ne semble pas avoir porté le titre de Roi, c'est à dire, selon la terminologie de l'époque, de "Rex".

Cela n'a aucune importance. Ce qui compte, c'est de savoir si, oui ou non, IL A EFFECTIVEMENT EXERCE LES ATTRIBUTS DE LA PUISSANCE SOUVERAINE EN BRETAGNE.

La réponse, INDISCUTABLEMENT, est positive :

- Même s'il est n'est habituellement désigné que sous le titre de “princeps”, de “gouvernans”, de "dux"...etc., Il est le chef suprême, au sens générique, de la Bretagne. Nul autre que lui n'a exercé, avant lui, des pouvoirs aussi étendus. Il a eu la préoccupation de faire apparaître qu'il a exercé son autorité sur toute la Bretagne, ce qui résulte sans équivoque de sa titulature: " Dux totius Britanniae", " Principe in totius Britanniae", " Nominoë comes in tota Britannia"... Parmi les chroniqueurs francs, il n'y a aucun doute: tous le reconnaissent comme le chef suprême des Bretons.

- A plusieurs reprises, les chroniqueurs francs le nomment sous l'appellation de "Rex". le Pape Nicolas 1er, écrivant en 866, à son successeur le Roi Salomon, le désigne sous le nom de Roi, quinze ans seulement après sa mort; cette lettre est d'un poids considérable dans le débat L'abbé Réginon de Prum, bien informé de tout ce qui se passe en Bretagne, se sert - au moins une fois -, du titre de "Rex" pour désigner sa fonction. Ces éléments, indiscutables, sont concordants.

Quand au fond, ayant exercé le pouvoir souverain sur tout son peuple, il ne fait pas de doute qu'il a été Roi de Bretagne – comme Judicaël l'avait été de la Domnonée (= le nord de la Bretagne), comme Morvan l'avait été pour le Vannetais. Son fils Erispoe, d'ailleurs, lui succède avec le titre de Roi, que l'empereur franc Charles le Chauve est obligé de lui reconnaitre, après la défaite militaire humiliante et terrible qui lui est infligée en 851.

( Les historiens bretons actuels divaguent lorsqu'ils écrivent que le Royaume unifié de Bretagne a été créé par une " concession " de lEmpereur franc. Les Bretons ont conquis par le armes de nouveaux territoires; l'Empereur a été contraint de reconnaitre sa défaite, et que Erispoe est bien Roi en Bretagne. L'acte par lequel il reconnait la royauté du fils de Nominoe a la signification, tout au plus, ce que nous dénommons une "reconnaissance internationale", ce n'est EN AUCUN CAS un acte créateur: les Bretons ne doivent leur territoire agrandi (par les comtés de Rennes, et de Nantes, ainsi que du pays de Retz) qu'à eux mêmes; l'empereur franc n'a aucune qualité pour CREER un roi des Bretons, puisqu'ils en ont un; le Traité d'Angers de 851 est un traité de paix conclu par les deux souverains, l'empereur vaincu étant contraint, par sa défaite, de faire de larges concessions territoriales à ses vainqueurs).

Nominoë n'a certainement pas été le fondateur de la Patrie, pas plus que celui de la Nation bretonnes. Le peuple breton existait avant lui. Les nations sont le fruit d'une longue existence en commun. Il peut arriver qu'un homme les révèle à elles-mêmes, et les consolident. Mais l'histoire du monde ne compte aucune nation qui ait été créée par un seul homme. La Nation bretonne, sans aucun doute, désignée d'ailleurs dans les textes sous le terme de "gens" avant Nominoé possède, dès cette époque, à un haut degré, ce que nous désignons aujourd'hui sous le terme de"sentiment d'appartenance". Les auteurs bretons qui nient cette réalité doivent retouner à leurs études, et lire les sources - beaucoup ne l'ont pas fait -, d'une manière honnête et scrupuleuse, en s'informant tout d'abord de ce qu'est une Nation, comment elle nait, se développe, et meurt.

La plus grande qualité qu'on puisse attribuer à Nominoé est celle d'Unificateur de la Principauté Bretonne. Avant lui, la Bretagne était extrêmement divisée. Après lui, même s'il est vrai que le pays se disloquera à nouveau (notamment lors des invasions normandes), il formera territorialement et affectivement un tout. C'est en cela que Nominoé a joué un rôle historique capital dans l'histoire du peuple breton, et qu'il occupe une place si importante dans l'inconscient collectif.

Pour les Francs, ayant rompu sa foi, s'étant dressé contre leur Roi après lui avoir été fidèle pendant quelques années, et lui ayant infligé de cruelles défaites, il fut un traître, doublé d'un être pervers et cruel.

La mort de Nominoe fut, selon Réginon de Prum, l'oeuvre de Dieu : alors qu'il se préparait à une damnable entreprise, il vit surgir devant lui Saint Maurille, premier évêque d'Angers qui, l'ayant apostrophé en lui disant qu'il ne pillerait plus les églises, l'abattit d'un coup de crosse. Selon les annales d'Angoulême et d'Aquitaine, il mourut frappé par l'ange d'iniquité (!). C'est dire qu'il était fort peu aimé de ses ennemis.

Ces légendes sont plaisantes. Pour les Bretons, il est un grand ancêtre, et fait partie de leur Panthéon.

On ne possède aucun témoignage contemporain de ce qu'il fut en réalité. Sans doute fut-il un prince cruel. Personne ne l'a défendu pendant longtemps. Les Bretons n'en ont pas fait un Saint. Comme pour tant d'autres personnages historiques importants, sa mémoire s'était presque perdue. Il fallut attendre le 14ème et le 15ème siècles pour que les historiens bretons s'en emparent et en fassent un héros.

Dr Louis MELENNEC

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Histoire et Identité est un groupe d'historiens bretons dont le but est de restaurer la vérité sur l'Histoire de Bretagne. Le fondateur du groupe est le Dr Louis Melenec, docteur en droit et en médecine, diplômé d'études approfondies d'histoire, diplômé d'études supérieures de droit public, de droit privé, de droit pénal, ancien chargé de cours des facultés de droit et de médecine, ex-consultant prés le médiateur de la République française, ancien éléve de la Sorbonne et de l'École des Chartes de Paris.
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