La grève de la faim  de février 1991. Photo archives familiales parue dans "Yannig Baron, ar seizh avel, par tous les vents de Bretagne". Le Temps Éditeur 2018
La grève de la faim de février 1991. Photo archives familiales parue dans "Yannig Baron, ar seizh avel, par tous les vents de Bretagne". Le Temps Éditeur 2018
Mousse sur un thonier à voile à 13 ans

Réalisation : ABP – 195 vues

Interview exclusive ABP. Yannig Baron (né à Groix) revient sur sa jeunesse en mer : embarqué dès 13–14 ans comme mousse sur un thonier à voile de type dundee, il raconte les campagnes de pêche au large du golfe de Gascogne, la vie à bord (eau douce strictement rationnée, cuisine du mousse, apprentissage “sur le tas”), les prises (germon, bonite, parfois thon rouge) et l’activité intense des conserveries de thon à Groix.

Il évoque aussi la disparition rapide de la grande pêche hauturière bretonne après la Seconde Guerre mondiale et relie ce basculement à une question politique : la capacité d’un pays à décider lui-même de sa politique maritime, économique et sociale.

Né à Groix en 1936, musicien (bombarde) et militant culturel et politique, Yannig Baron a marqué plusieurs décennies de luttes pour la Bretagne, notamment pour l’enseignement bilingue. Fondateur de Dihun, l’association des parents d’élèves des écoles privées catholiques, plusieurs fois gréviste de la faim, il avait reçu le Collier de l’Hermine en 2004.

Le patriote breton Yannig Baron est décédé le 15 décembre à Vannes, à l’âge de 89 ans, a indiqué sa famille. Né à Groix le 26 octobre 1936, musicien (bombarde) et personnalité culturelle et politique, il a incarné pendant plus d’un demi-siècle un engagement non-violent pour la cause bretonne. Au service de la langue bretonne, du patrimoine et, plus largement, de l’affirmation culturelle de la Bretagne, il se battait aussi pour l’autonomie et la réunification de son pays.

Un engagement pour la Bretagne

Issu d’une famille nombreuse de neuf enfants de l’île de Groix, il a connu la disette enfant pendant la guerre car l'île n'était pas toujours ravitaillée. Élevé par les frères, il découvre très jeune l’histoire de la Bretagne et apprend en 1950 à jouer de la bombarde. À l’âge de 14-15 ans, il commence une collecte de chants de l’île. La même année, il est mousse sur un thonier à voile de type "dundee". La mémoire maritime est au cœur de son histoire familiale : son grand-père paternel, Pierre Baron, est présenté comme l’inventeur du thonier “dundee” (1883), bateau qui contribuera fortement à l’essor de Groix comme port thonier au début du XXe siècle. Yannig Baron signera d’ailleurs des textes sous le pseudonyme « Al Louarn », surnom donné à ce grand-père dans le milieu maritime. Engagé pour une durée de 5 ans dans la Marine nationale, il rejoint, à partir de 1956, l’ensemble musical du bagad de Lann-Bihoué.

Son parcours militant s’inscrit tôt dans les réseaux du mouvement breton. Membre du Mouvement pour l’organisation de la Bretagne (MOB), il rejoint ensuite l’Union démocratique bretonne (UDB) en 1988. De retour en Bretagne, il s’implique activement, aux côtés de Yann Goasdoué, dans l’animation du foyer de Menez Kamm à Spézet, qui deviendra au fil des années un lieu marquant de la vie culturelle bretonne.

Au-delà des associations, Yannig Baron a aussi œuvré à la transmission d’une mémoire littéraire bretonne qui lui tenait à cœur. Proche parent, par sa grand-mère paternelle, de Yann-Bêr Kalloc’h (Bleimor), il a notamment coordonné à Groix des temps forts commémoratifs (centenaire de la naissance, puis centenaire de la mort), avec la volonté affirmée de faire rayonner l’œuvre en langue bretonne du grand poète trop tôt disparu.

Le combat pour l’enseignement du breton

Yannig Baron restera particulièrement associé aux combats pour l’enseignement du breton et le développement des filières bilingues. En 1988, il parvient à obtenir la création d’une nouvelle classe dans la filière bilingue de l’école publique de Brec’h, notamment en menaçant de faire la grève de la faim. En 1990, il fonde avec d’autres militants Dihun, association de parents d’élèves pour l’enseignement du breton dans les écoles privées catholiques.

Dans la période 1991–2006, son nom demeure indissociable de grèves de la faim menées pour desserrer les blocages administratifs et obtenir des avancées concrètes pour les langues de Bretagne (breton et gallo) dans l’Éducation nationale. La plus longue, 38 jours, s’inscrit dans un contexte d’urgence : former des enseignants et sécuriser des dispositifs durables et refuser les blocages de l'Académie. Elle suscite un large mouvement de soutien, jusqu’à une manifestation d’ampleur à Vannes, et trouve des échos bien au-delà de la Bretagne en particulier à la BBC.

Des élus corses, occitans, des députés de plusieurs pays, une quarantaine de députés européens et même le vice-premier ministre belge (fait exceptionnel au plan diplomatique) sont intervenus auprès du gouvernement français. Le 16 février, une manifestation a rassemblé 800 personnes dans les rues de Vannes. Puis une dizaine d’autres personnes m'ont rejoint dans le jeûne à Vannes mais aussi dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles quand finalement le Rectorat d’académie dut consentir à faire un effort en ouvrant une formation, dès le mois d’avril, à destination de 12 maîtres. -Yannig Baron

Son argumentaire tenait en une idée simple : le choix éducatif appartient d’abord aux familles et c'est à l’État de rendre ce choix possible. Il aimait rappeler, à l’appui, ce principe de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Les parents ont, en priorité, le choix du type d’éducation à donner à leurs enfants ».

En 1994, il devient membre du comité directeur du magazine « Le Peuple breton ». En 1995, il recourt à nouveau à la grève de la faim, aux côtés d’autres militants, afin d’exiger la signature par la France de la Charte européenne des langues minoritaires. La même année, il contribue à la mise en place d’une formation spécifique au sein de l’Université catholique de l’Ouest, destinée à préparer une large part des enseignants bilingues. Il est également, à cette époque, cofondateur à Carnac de l’association « Menhirs libres ».

Animé d’une foi chrétienne assumée, il participe en 1996 à l’organisation de la venue du pape en Bretagne. En 1998, il entame une troisième grève de la faim pour obtenir davantage de postes dans l’enseignement bilingue. En 2004, il reçoit le Collier de l’Hermine, reconnaissance majeure de son parcours. En 2006, il entame une nouvelle grève de la faim pour protester contre l’attitude qu’il juge contre-productive de la hiérarchie des écoles catholiques. Après l’Hermine, l’énergie ne retombe pas : il contribue encore à faire naître des dynamiques de rassemblement et d’idées, notamment avec le collectif Breizh ImPacte, lancé en 2011.

Sur le tard, Yannig Baron a pris parti pour le trilinguisme. Il prônait l'enseignement très tôt de trois langues : le breton (la langue régionale pouvant être aussi le gallo), le français, la langue commune et l'anglais, la langue internationale.

Publications

Parmi ses publications figure notamment « Le message de Jean-Paul II aux Bretons » (Coop Breizh, 2005). Une biographie lui a été consacrée : « Yannig Baron, ar seizh avel, par tous les vents de Bretagne », de Christian Guyonvarc’h (Le Temps éditions, 2018).

La rédaction d’ABP adresse à sa famille et à ses proches ses condoléances les plus sincères. Fervent soutien d’ABP, Yannig Baron suivait attentivement nos publications et encourageait le travail du webmédia breton.

Les obsèques

Les obsèques auront lieu samedi 20 décembre à 14 h 30 en l'Eglise Notre-Dame de Lourdes à VANNES