
Plongée analytique dans une recomposition majeure : d’un côté, l’essor d’une galaxie néo-jacobine souverainiste, de l’autre, la mobilisation fédéraliste qui se consolide au Sénat autour du 1er Forum « Libertés des territoires », aux côtés de Jean-Louis Borloo. Un duel stratégique qui reconfigure en profondeur les rapports de force de la décentralisation et annonce les futurs mouvements institutionnels.
Depuis quelques années, un réseau discret de think tanks façonne, à bas bruit, le débat républicain français. Individuellement modestes, ces cercles se complètent et s’articulent, formant un écosystème capable de peser dans les médias et sur la scène intellectuelle. Au centre de cette nébuleuse néo‑jacobine souverainsite : Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, autoqualifié « constitutionnaliste », dont l’influence s’affirme dans un espace idéologique largement déserté sur la question régionale.
« La différenciation territoriale qui s’impose progressivement depuis 2003 est le tombeau de la France. Il faut mettre fin à cette machine infernale et au cercle vicieux des statuts particuliers. Il est essentiel de rendre aux préfets des moyens aujourd’hui réduits à l’os : ce sont bien des moyens de l’État qu’il faut remettre sur les territoires. »— Benjamin Morel
Le Millénaire – Souveraineté nationale et État stratège
Cercle de réflexion souverainiste structuré autour de l’élection présidentielle de 2017, Le Millénaire - Think tank défend une vision d’État stratège, protecteur des biens communs et garant de la cohésion nationale. Il critique l’emprise des normes internationales et plaide pour une réaffirmation de la souveraineté populaire appuyée sur un appareil administratif recentré. Morel y figure au sein du conseil scientifique, ce qui pourrait correspondre à l’un de ses premiers engagements intellectuels d’envergure ; né en 1988, il aborde alors la trentaine, moment charnière où se consolide sa trajectoire dans la sphère souverainiste.
Institut Rousseau – Transition écologique et gouvernance centralisée
Créé en 2018 par de jeunes hauts fonctionnaires, l’Institut Rousseau se concentre sur la transformation écologique des territoires et la gouvernance institutionnelle, avec un État central fort. Très gaullien et jacobin, le think tank valorise un État recentralisé et déconcentré capable de piloter. En 2020, Morel rejoint le conseil scientifique comme directeur des études institutionnelles. Sous sa houlette, le think tank propose la suppression des régions, renforçant la commune et surtout l’État local : une stratégie mêlant localisme, recentralisation et déconcentration.
Fondation Res Publica – Souveraineté et défense de l’État républicain
Morel rejoint la Fondation Res Publica en 2020 comme président du Conseil scientifique. Fondée en 2005 par d’anciens chevènementistes, la Fondation défend la souveraineté nationale et les institutions républicaines face au fédéralisme européen. Critique du régionalisme et attachée à l’unité nationale, Res Publica consolide l’influence de Morel et relie ses analyses jacobines à celles de l’Institut Rousseau.
Laboratoire de la République – République indivisible et visibilité médiatique
Fondé en 2021 par Jean-Michel Blanquer, le Laboratoire de la République défend une République indivisible, laïque et centralisée. En 2024, Morel devient secrétaire général, orchestrant colloques, séminaires et publications. La doctrine territoriale qui s’y impose privilégie la déconcentration pour renforcer l’action de l’État. À cette époque, il publie son brûlot contre le régionalisme (1) et toute logique de différenciation, synthèse publique de sa vision jacobine.
L'Institut Valmy – Nationalisme et redressement de l'État
Créé en 2025, l’Institut Valmy publie un premier rapport sur la décentralisation et la gouvernance territoriale. Souverainiste et républicain conservateur, le cercle critique le mille‑feuille administratif et plaide pour responsabiliser élus et citoyens tout en préservant l’unité nationale, défendant avant tout une déconcentration encadrée par l’État. Lors de la présentation, Morel y intervient comme spécialiste, consolidant sa visibilité et son rôle stratégique.
L'Institut Terram – Une plateforme ambiguë sur la ruralité
Fondé en 2024, l'Institut Terram met la ruralité au cœur de ses travaux, analysant mobilité, services et infrastructures dans les territoires peu denses. Initialement régionaliste et différencié autour de la notion de "bassin de vie", le think tank bascule sous l’influence de Morel, qui rejoint le comité scientifique en 2025. À l’orée des municipales, il publie une étude valorisant la commune comme cellule civique centrale, dans la plus pure tradition jacobine, et critique la « technocratie » intercommunale.
Benjamin Morel, fil rouge d'un néo-jacobinisme souverainiste ?
Ces think tanks modestes forment un réseau méthodique où Morel agit comme architecte discret. Il bâtit sa légitimité sur des thématiques territoriales pour progressivement basculer vers des enjeux de gouvernance plus larges. Cet activisme proactif renforce l’ancrage institutionnel du mouvement et élargit encore une cartographie d’influences qui n’a, de toute évidence, rien d’exhaustif : dans la galaxie souverainiste, l’ubiquité de Morel défie désormais toute tentative de recensement sérieux. Maître de conférences devenu acteur multidimensionnel et ubiquitaire, il coordonne, oriente et diffuse ses idées, surfant sur le débat républicain tout en consolidant son ascension, visible sur tous les plateaux médiatiques.
Face à lui, les vrais décentralisateurs apparaissent dispersés ou trop techniques. Le retour médiatique récent de Jean‑Louis Borloo (2), autour de l’idée d’un « fédéralisme à la française », de nouveaux ouvrages sur la question (3) et la récente proposition d’une loi organique relative à la libre administration des collectivités territoriales (4) … viennent toutefois rééquilibrer le paysage en formulant l'alternative fédéraliste qui semble désormais prête à franchir un premier seuil collectif.
Mobilisation fédéraliste au Sénat avant le choc de décentralisation
Face au retour d’une pensée jacobine centralisatrice, une mobilisation politique active s’organise autour du prochain 1er Forum « Libertés des territoires », qui se tiendra prochainement au Palais du Luxembourg (5). Organisé par l’Association pour une France Fédérale, il réunit élus et experts engagés en faveur de l'autonomie des territoires. Surfant sur un sondage favorable à la régionalisation politique (6), Jean-Louis Borloo sera le grand témoin de ce rendez-vous clé avant le grand acte de décentralisation annoncé par le gouvernement.
Selon les médias, Morel, acteur calculateur et habile, s’engagerait désormais mystérieusement aux côtés de Jean-Louis Borloo (7), dans un paradoxe stratégique digne de triangulation...
Clarification tardive et confusion entre influence et expertise (ajout)
Suite à cette enquête, largement relayée et dépassant les 10 000 vues sur un réseau ultra qualifié*, alors que le colloque fédéraliste figure à l’agenda, Morel a précisé qu’il n’était pas le constitutionnaliste attitré de Jean-Louis Borloo. Sa première réaction, vive et révélatrice d’une irritation immédiate, a été suivie d’une mise au point plus formelle où il se présente comme politiquement “neutre” — c’est-à-dire sans alignement partisan explicite, posture classique dans la sphère souverainiste. Cette clarification contraste toutefois avec son parcours : une trajectoire où l’expertise académique devient un levier d’influence publique, estompant les frontières entre analyse scientifique, stratégie d’image et orientation idéologique.
APPEL
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(1) La France en miettes - Régionalismes, l'autre séparatisme. Éditions Cerf, Benjamin Morel, février 2023
(2) L'Alarme, Jean-Louis Borloo, mars 2022
(3) Pour une France fédérale (préface JL Borloo). Éditions l'Archipel, Grégory Berkovicz, mai 2022 - Libérons nos provinces !: Manuel pour transformer la France en République fédérale. Éditions l'Archipel, Grégory Berkovicz, janvier 2025 - Débloquer la France: Appel à fédéraliser les territoires. Éditions Atlande, Emmanuel Faivre, mai 2025
(4) Proposition de loi organique pour déterminer « les principes fondamentaux » de la libre administration grâce à l’article 34 de la Constitution (pdf), La Gazette des Communes, Géraldine CHAVRIER, Professeur des Universités, 15 octobre 2025
(5) 1er Forum « Libertés des territoires », vendredi 28 novembre 2025 (14h00), Palais du Luxembourg, Paris. Organisé par l' Association pour une France Fédérale.
(6) 71% des Français favorables à une France “fédérale”, Le régionalisme français à l'épreuve du temps, Groupe Ifop pour REGIONS ET PEUPLES SOLIDAIRES, août 2025
(7) Les constitutionnalistes de Jean-Louis Borloo, La Tribune du Dimanche , 23 novembre 2025
Commentaires (35)
C'est un échec à la "décentralisation" à la française qui invente des fausses régions pour garder tous les pouvoirs à Paris et pour l'échelon national-iste.
Mieux vaux la suppression des PDL et de B4 comme cela les nantais pourront être libre de se dire "bretons" et les habitants "région B4" verront qu'ils n'étaient plus en Bretagne eux aussi depuis longtemps. Cette situation d'avant 1972, pourrai reconstituer une unité bretonne avant l'effacement total du territoire Bretagne (historique) et du sentiment breton.
Nous, bretons, sommes comme les ukrainiens. Notre pays est dépecé par une puissance aux réflexes impérialistes qui prétende être une démocratie, sans demander aux français ni respecter les régions-provinces de France.
Provinces qui fonctionnaient en autonomie fédérale jusqu'en 1789 et depuis 700 ou 1000 ans !
https://www.lesechos.fr/2013/11/lecotaxe-expliquee-en-10-points-346038
Supprimer les régions administratives... soit, mais on remplace le vide par un vide encore plus grand prompt à être comblé par tous les fantasmes révolutionnaires ou "post" révolutionnaires.
Quid de la NOTION de Bretagne ?
Borloo est un vieux cheval sans réelle colonne vertébrale. Il ne nous mènera nulle part.
Nous avons besoin surtout d'élus bretons qui se battent pour la Bretagne. Pas d'élus qui veulent faire carrière à Paris dans des Palais sous les ors de la République.
Jean Louis Borloo dernièrement a proposé un fédéralisme technique généralise. Nous ne voulons d'un Conseil Régional des Pays de la Loire plus puissant.
Ar paotr-mañ en doa komprenet ne vo ket mui eus Bro-C'hall a-benn nebeut! Un fin anezhañ ma z' eus un e Bro -C'hall ...A hent-all ne welan den ebet e Breizh evit kas da benn ur raktres e-giz hini Borloo....
Arabat disoñj eo skarzhet Bro-C'hall eus Afrika da vat ; Echu ganti gounid diwar goust ar re all... ha dispignet kement a arc'hant ganto evit brezeliñ... Ma vez kreizennet Bro-C'hall en dro e vo graet evit lonkañ arc'hant an dud ha d'ar poent-se e teuio trubuilhoù e-leizh. N'eus ket eus ur strollad politikel e Bro C'hall gouest da sammañ un hevelep sac'had a zañjer war e gein.... Evit echuiñ ez eo skuizh-poazh an dud ganto! D'al Lun gevier, d'ar Meurzh gevier, d'ar Merc'her gevier....a-greiz ma teu ar wirionez war wel mui-oc'h-mui...
Il serait bon que vous sachiez que JL Borloo a dit récemment, plusieurs fois "La Bretagne aux Bretons".... du jamais entendu en France probablement. Il a compris qu'il n'y aura bientôt plus de France! Par ailleurs je ne vois personne en Bretagne pour réaliser un projet de cette envergure qui ne peut qu'être bénéfique à la Bretagne, sa langue entre autres...
En élargissant la lunette, il ne faut pas oublier que la France à été éjecté de l'Afrique. Elle ne pourra plus se servir sur le dos des autres... elle a dépensé tellement pour faire la guerre... et est incapable de combler sa dette. Si la France se re-centralise autoritairement se sera pour pomper l'argent des gens et là il y aura de sérieux troubles... Aucun parti politique français ne pourra assumer ça... De plus les gens sont fatigué de cette classe politique qui ment tout le temps alors que la vérité arrive au galop!
Pire : le quotidien se decentre de sa vocation ouest-bretonne et devient de plus en plus rennais.
C'est un point crucial : la Bretagne n'existe pas médiatiquement. Pire, elle est travestie en une sorte espace vital rennais, sans langue bretonne... effectivement on peut se demander vraiment si la suppression des régions n'est pas la première étape avant de repartir sur de nouvelles bases
ou un chantage aux aides et subventions dont l'État arrosent les médias "libres".
En plus des milliardaires français qui achètent tous les journaux pour les transformer en "presse d'opinion".
Il reste quelques oasis de médias libres comme l'ABP.
On sait très bien par ailleurs l'état des forces conservatrices en France ainsi que la poussée des extrémistes de tous poils. Nous ne sommes ni victimes ni moutons quand nous agissons !
Le peuple breton n'est pas reconnu, le découpage "region bretagne" sans le 44 nous a été imposé,
et pire, après plusieurs génération, les habitants ne savent plus s parler breton, ne connaisse pas la forme exacte de la Bretagne qu'ils confondent avec la région. Si la région bretagne B4 disparaît, les médias français vont jouer sur un registre nationalo-nostalgique de la B4 pour empêcher la réforme ! Pauvre bretons, ils n'ont plus de bretagne (b4) en 2027 ! ou ils vont être obligés de rattacher le 44 !
C'est pas fait ! faut déjà voter un budget ! ;-)))
Comme à son habitude M. Morel fait dans la caricature et l'amalgame en se gardant bien d’évoquer les vérités qui pourraient déranger sa « pensée » arbitraire. L’objectif principal étant comme toute déviance nationaliste de faire peur. Car en effet Monsieur Morel a peur, il a peur pour les privilèges de la sphère enarchique française dans laquelle il gravite et qui souhaite garder avec avidité, son grand pré carré garni d’entre-soi, de cooptations et autres grasses subventions... Morel nous parle d’esprit féodal au sujet des régions, alors que lui même fait preuve d’un républicanisme absolutiste et impérialiste, absolutisme et impérialisme tout droit hérité, à bien des égards des monarques de droit divin et autres empereurs qui ont construit la France par la force (Provincia=Pays vaincu).
Sur le féodalisme supposé des régions, prenons l’exemple de la culture : Morel se garde bien de divulguer que le budget culture de la région Bretagne n’avoisine que les 40 millions d'euros (dont 12 millions pour les langues), et constitue un budget totalement dérisoire au vu des besoins et en comparaison aux autres régions européennes. Et si l’on met en perspective ce budget avec celui de l'opéra de Paris qui à lui seul avoisine les 250 millions d'euros, on appréhende toute la démence et la vassalité du système français. La culture en Bretagne c'est à peine 1/5 ème d'Opéra de Paris, ville auto proclamée capitale des lumières ! Ce système d’iniquité et de spoliation obscurantiste et hyper violent n’est pas sans rappeler à certains égard la gabelle du bon vieux roi Louis XIV ! Alors de quel côté se situe le féodalisme, Monsieur Morel, en région ou bien à Paris !
On a vu récemment la ministre Rachida Dati accorder dans sa grande mansuétude une rallonge budgétaire dédiée à la culture de 12 millions d'euros à la région Bretagne…De qui se moque t-on ?
Si l’on compare le budget Culture du ministère avec celui de la région Bretagne, c'est une fois de plus l'abime totale ! 4,5 milliards d'euros de budget culture au ministère sans l'audiovisuel et 9 milliards avec l'audiovisuel public. Rapporté à la population bretonne B4 qui représente approximativement 5% de la population française, le budget culturel non spolié de la Bretagne administrative (et ce sans la Loire Atlantique) devrait être de 450 millions d'euros audiovisuel compris contre 40 millions actuellement. Soit 11 fois plus que le budget culturel actuel de la région administrative B4 ! Le nanisme culturel régional c'est l'assurance-vie advitam aeternam de la nomenklatura française, pour que les régions de France ne puissent jamais émerger, après des siècles de rouleau compresseur et de politiques culturelles et éducatives répressives. Ce n’est pas la France qui est en miettes M. Morel, mais les régions qui ont des miettes. Et si cette république oppressive craquèle de toute part, c’est bien parce qu’elle est inique et injuste. Pour faire disparaître le problème de disparité M. Morel voudrait, en bon démocrate, supprimer les régions ou bien les mettre sous tutelle préfectorale, ce qui n’est n’est ni plus ni moins que le programme du Rassemblement national !
La question n’est plus de savoir si la citadelle jacobine va s’effondrer, mais seulement quand elle va le faire … Je crains malheureusement fortement que cet effondrement ne puisse se faire pacifiquement comme l’effondrement du mur de Berlin et que la France ne traverse une longue période de profondes turbulences avec l’arrivée probable du RN en 2027. Le RN n’est que l’aboutissement ultime de l’ultra jacobinisme, avec un rajout de xénophobie exogène, qui vient en surcroît se rajouter à la xénophobie indigène caractéristique du jacobins républicain conventionnel.
Reste à savoir si cette hypertrophie républicaine version RN ne signera pas la dislocation définitive de l’empire jacobin avec l’émergence de forces centripètes chez les peuples de l’hexagone. A moins que des forces fédéralistes girondines plus consensuelles n’émergent et ne maintiennent l’unité de la France. Dans tous les cas de figure le jacobinisme est mort, que ça soit dans sa forme actuelle ou bien dans sa forme dictaturielle à venir.
Morel, Blanquer , Le Bras et tous leurs semblables ont effectivement du mouron à se faire.
A l’heure actuelle, au niveau français il n’y a que deux forces politiques fédéralistes émergentes : « Place publique » au centre gauche et « Liot » au centre. Quelle évolution avec un RN au pouvoir ?
Au niveau de la Bretagne on reste au niveau groupusculaire alors que la conscience bretonne augmente selon les sondages rapportés avec inquiétude par l’institut Rousseau dans l’article à suivre.
Pour ma part j’aspire à l’émergence d’une force républicaine bretonne trans partisane qui affirme haut et fort les valeurs humanistes de la Bretagne en contrant l’obscurantisme jacobin et en démystifiant les valeurs biaisées de « liberté égalité fraternité « derrière lesquelles il prétend se cacher.
Une Breizh Res Publica qui approfondit ses propres valeurs, valeurs fondatrices de son émergence politique, Res Publica dans laquelle la Bretagne puisse enfin avoir les moyens de réinvestir les champs de la politique publique tant sur le plan économique que culturel. On est encore très loin de l’émergence d’un tel courant politique vu l’emprise mentale des médias français dans la tête des bretons, mais les temps à venir vont rendre cette nécessité impérieuse pour la simple survie de notre peuple et de notre histoire commune. Des opportunités historiques peuvent nous rassembler.
Voici l’article de Morel tiré du site de l’institut Rousseau :
« Il y a un an, la collectivité de Corse mettait en berne ses drapeaux en hommage à Ivan Colonna. Certes, ce qui est arrivé à ce dernier est dramatique, mais les drapeaux sont en règle générale mis en berne pour les héros ou les chefs d’État étrangers… pas pour des individus dont le seul fait de gloire est d’avoir tiré dans le dos d’un préfet de la République. Pour calmer la colère, Emmanuel Macron a missionné Gérald Darmanin qui n’a rien trouvé de mieux que de comparer Yvan Colonna à Samuel Paty. Dans le même temps, Jean Rottner, président du Grand Est, ayant eu le mauvais goût de soutenir Valérie Pécresse à la présidentielle, faisait fuiter après le passage du Premier ministre à Strasbourg son souhait de faire de l’Alsace une collectivité à statut particulier hors de la région. Cette gestion au cas par cas, quasi féodale de la décentralisation a un nom ; le droit à la différenciation. Nouveau mantra des gouvernements depuis 2017, le Président de la République a déjà tenté de l’inscrire dans la Constitution en 2018. Alexandre Benalla a involontairement condamné cette belle idée en jouant des poings place de la Contrescarpe. Hommage soit rendu à ce bon citoyen, car à l’époque bien peu sur l’échiquier politique, notamment à gauche, s’étaient opposés à un principe visant essentiellement à donner au prince la possibilité d’accorder des privilèges aux grands élus le soutenant ou pouvant adopter une attitude plus coopérative. Retour aux privilèges locaux que la nuit du 4 août 1789 avait abolis. Si le principe n’a fait que peu débat alors qu’il remet en cause deux cents ans de tradition républicaine c’est parce qu’il s’appuie sur une idée simple : les territoires sont différents. Ce constat simpliste révèle surtout le décalage entre des parisiens parlant de « territoire » et qui découvrent en 2023 qu’ils ne sont pas pareils. On n’a pas attendu cette révélation pour y adapter les politiques publiques et même les normes quand cela se justifiait, et ce depuis le XIXe siècle. Ce qui se joue derrière cette découverte c’est un changement de paradigme ; une rupture de l’unité nationale et de l’égalité des citoyens par des apprentis sorciers qui, pour ceux conscients de ne pas avoir inventé la lune, ont compris tout l’intérêt politique qu’ils pouvaient en tirer. C’est ce que l’auteur de ces lignes tente de démontrer dans un ouvrage récent, paru aux éditions du Cerf, « La France en miettes ; régionalismes, l’autre séparatisme ».
Derrière la nouvelle logique féodale prônée par le gouvernement et qui devrait se retrouver dans les projets de réforme constitutionnelle envisagés par l’exécutif pour faire oublier les tensions inhérentes à la réforme des retraites se cache une boîte de Pandore identitaire qu’il sera bien difficile à refermer. En effet, derrière les petites stratégies politiques, les gouvernements, depuis la réforme constitutionnelle de 2003, ont ouvert la voie à une course à l’échalote identitaire entre régions. Pendant que Gilles Siméoni mettait en berne les drapeaux en faveur d’Ivan Colonna, le Conseil régional de Bretagne, dominé par la gauche, adoptait une résolution demandant l’autonomie à l’image des nationalistes corses. Il faut dire que la même majorité avait déjà adopté comme hymne régional un chant composé par un barde violemment antisémite des années 30[1]. Au Pays basque les régionalistes assument l’héritage d’Arana, auteur fondateur du nationalisme basque moderne prônant l’interdiction des mariages entre basques et non basques au nom de la pureté de la race. Ces quelques faits témoignent de notre relative indifférence, voire de notre tolérance, pour des faits qui partout ailleurs, nous choqueraient et nous révulseraient. Sur ces combats, non seulement la gauche est absente, mais elle est souvent complice. Et lorsque Emmanuel Macron joue les vendeurs à la découpe de la République, il est applaudi à tout rompre au nom du droit à la différence. Or les régionalismes politiques s’appuient sur une reconstruction militante de l’histoire et des cultures à dessein de les rendre antagonistes avec la nation. Ainsi la culture locale est en réalité peu mise en avant, au profit d’une version reconstruite et souvent enrichie de stéréotype ou d’éléments décoratifs issus de cultures étrangères vue comme proches. Appuyés par les fabricants de goodies, le folklore traditionnel que promeuvent ses militants est souvent fabriqué en Chine selon des concepts venus du Pays-de-Galles, d’Italie ou d’Allemagne. L’histoire est également réécrite de façon téléologique pour en faire un récit univoque et épique de lutte contre la France. Ainsi on efface les petites patries au nom d’un Disneyland identitaire. Les petites patries sont en effet un composé de diversités, intégrant à la fois une culture commune et des cultures locales, voire hyperlocales, propres. La question de la langue est encore plus grave. Prenons l’exemple de la Bretagne. On n’a pas, depuis le haut Moyen Âge, parlé breton à Rennes ou à Nantes. On n’y parlait pas non plus français, mais gallo. Or, dans ces villes, c’est essentiellement en breton que l’on impose la signalisation. C’est essentiellement en breton que s’y fait l’enseignement des langues régionales. Un breton par ailleurs purgé des apports du français et reconstruit par les militants, que ne comprennent pas les locuteurs natifs. En 2018, le Conseil régional de Bretagne accordait 7,5 millions d’euros au breton, 300 000 euros au gallo. Perçue comme trop proche du français, cette langue n’est pas jugée légitime et se meurt. Aujourd’hui, on invente même en zone gallo des noms de villes en breton qui n’ont jamais existé, justement à dessein d’effacer ces petites patries qui gênent le récit militant. D’ailleurs, si ces milieux ethno-régionalistes accolent le terme « jacobin » à tous leurs contradicteurs pour les décrédibiliser, ils en reprennent l’esprit centralisateur. D’abord, la collectivité doit être unique ; il faut donc un seul département alsacien, une assemblée unique de Bretagne, une assemblée de Corse… Ensuite, il faut que la culture soit unifiée, de même que la langue.
Mais au-delà d’une vision biaisée et très urbaine et déconnectée de la gauche sur ces sujets, c’est aussi la méconnaissance des enjeux alors que deux cents ans de centralisation ne nous ont pas immunisés, mais désensibilisés. Si l’on regarde les analyses statistiques, on constate que les phénomènes qui se sont produits chez nos voisins espagnols ou anglais se manifestent chez nous avec un retard de quelques décennies. Mais plutôt que de nous instruire, nous nous gargarisons de notre exceptionnalité et faisons exactement les mêmes erreurs. La Corse est la région européenne où le total des scores des partis régionalistes est le plus élevé, loin devant la Catalogne, la Flandre ou l’Écosse. En 2021, ils réunirent 57,70 % des voix aux régionales, et jusqu’à 67,98 % au second tour. En 2010, les listes nationalistes n’avaient obtenu que 27,76 % au premier tour et 35,74 % au second. Le taux de Bretons se déclarant Bretons avant d’être Français est passé de 19,2 % en 1990 à 30,7 % en 2000 et 38 % en 2019. De même, après la devolution, le taux d’Écossais se considérant écossais, mais pas britanniques grimpe de 19,2 % en 1992 à 31,5 % en 1997 puis 36,9 % en 2000. La Bretagne a donc vingt ans de retard sur l’Écosse. Si les partis régionalistes ne montent pas dans les scrutins, c’est souvent uniquement, car leur programme est pillé. Le programme des socialistes ou des républicains bretons est aujourd’hui à peu près aligné sur celui de l’Union démocratique bretonne des années 1980. Le Gouvernement joue aujourd’hui un jeu très dangereux en mettant en avant ce que l’on appelle la différenciation territoriale. On promet un statut ad hoc à des régions au regard de leur identité entraînant à la fois un jeu de mimétisme et de surenchère. C’est exactement ce qui a conduit à la crise en Grande-Bretagne. Les Gallois frustrés de ne pas être aussi reconnus que les Écossais ont obtenu un statut similaire, ce qui a conduit les Écossais à demander un nouveau statut pour ne pas être traités comme les Gallois. En France, la Nouvelle-Calédonie rêve d’indépendance, la Corse de Nouvelle-Calédonie, L’Alsace du statut de la Corse et les candidats bretons aux dernières régionales faisaient des voyages d’études à Strasbourg. À chaque fois, que l’on cède à l’un, on avance la machine d’un cran.
Derrière ce petit jeu identitaire se cache un égoïsme territorial qui devrait nous alerter. En effet, si la situation a en la matière évoluée dans un sens aussi radicale partout en Europe, c’est souvent aussi parce que les régions les plus riches se sont trouvées bien aises d’assumer une identité leur donnant le sentiment de ne pas partager un commun destin avec les plus pauvres. Certains comme la Padanie italienne ont même construit une identité presque ex nihilo pour justifier cette rupture de solidarité. La différenciation des normes qui souhaite introduire le gouvernement a permis par ailleurs d’appliquer une logique de concurrence néolibérale féroce aux modèles territoriaux dans d’autres États européens. En jouant de sa capacité à changer ses normes et prélèvement, une collectivité riche peut ainsi gagner en attractivité. C’est ainsi que le Pays basque espagnol est aujourd’hui un modèle de collectivité prédatrice, étant parvenu à vider le tissu industriel de ses voisins en jouant sur les marges de manœuvre législatives et fiscales que son discours identitaire lui avait permis d’arracher à Madrid. Riche et non solidaire, elle a alors pu se lancer dans une course à la compétitivité que les autres collectivités, tenues à la solidarité nationale, ne pouvaient gagner. En Italie, c’est la rupture du lien fiscal à travers l’abolition des fonds de péréquation et du fédéralisme fiscal qui a rompu le lien de solidarité entre Nord et Sud. En France, déjà, Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace, prônant la sortie de l’Alsace du Grand Est, développait l’argument d’un impôt alsacien utilisé pour le bien de l’Alsace. En Bretagne et en Corse, c’est la question du statut du résident qui se pose. Certes, des problèmes de logement existent dans ces deux régions. Toutefois, la plupart de ceux qui possèdent des maisons sur la côte bretonne viennent non de Paris, mais de Nantes ou de Rennes. En Corse, la volonté de réserver les logements aux Corses vivant sur l’île ou ayant une ascendance corse impliquerait d’évaluer un degré de « corsité » dont on comprend qu’il induit une typologisation ethnique de la population. Par ailleurs, si ces problèmes existent bien entendu, la réalité est qu’ils sont nationaux. Le logement est l’un des grands facteurs d’inégalité en France. Le fait d’en faire un sujet ethnicoculturel montre combien, y compris à gauche pour l’exemple breton, les lunettes identitaires ont fini par obscurcir le combat social et enterrer l’esprit républicain. »
Il est fait mention de la réforme constitutionnelle de 2003, celle-là même qui permettrait au CD 44 de consulter ses électeurs sur la Réunification. Si ceux-ci ne sont pas consultés, ce n'est donc pas la faute de l'Etat. Les régionalistes soutiennent donc un CD 44 qui refuse d'organiser ce vote.
L'État agi, dès notre enfance, par l'école de la République, aidé des médias parisiens qui servent sa propagande.
Donc, c'est bien de la faute de l'État français qui n'organise pas le pays suivant le respecte des territoires historiques, des peuples (non reconnus) et qui fait pression par l'intermédiaire des préfets sur toutes initiatives "vraiment" régionales : argent pour écoles linguistiques, pour cultures locales, demandes sérieuses pour rectification régionale ...
C'est bien l'État français qui est condamné, par 2 fois, pour la pollution des eaux et rivières en Bretagne.
Les bretons n'auraient-ils pas enfanté le monstre qui les opprime?
En quelques mois, tout à disparu :
- Plus de Parlement (septembre 1789)
- Plus de Bretagne divisée en 5 départements (début 1790)
- Plus de réformateurs bretons à Paris soit ils ont fuit soit ils ont été guillotiné !
- Remplacé par des extrémistes français qui ont tués les autres courants politiques : Girondins, monarchistes, fédéralistes ...
Nous vivons, depuis cette Révolution, dans le seule et même courant de pensée Jacobin qui fini par détruire la France elle-même ce qui a donné l'échec total des x réformes régionales et coûté un "pognon de dingue" que nous devons rembourser.
Il me semble que Bretagne Réunie a assigné le CD44 devant :
-le Tribunal administratif de Nantes qui l'a déboutée
-la Cour Administrative d'appel de Nantes qui l'a déboutée
-le Conseil d'Etat qui n'a pas traité la requête, et, au travers des conclusions du rapporteur public, considéré que le
sujet n'était pas de la compétence du CD44.
-la CEDH qui ne pourrait éventuellement que taper sur les doigts de l'Etat pour non prise en compte de la pétition
mais en aucun cas, obliger le CD44 a exécuter les désidérata de Bretagne Réunie.
Ca fait un peu de pression quand même.
Grosvalet a-t-il assisté au forum fédéraliste organisé au Sénat ? En effet, pour le remercier d'avoir écarté la pétition, les élus du 44 l'avaient élu sénateur.
Le problème, c'est que les habitants de la Loire-Atlantique, en général, ne sont pas considérés comme Bretons. A lire le Télégramme, il n'y aurait pas de Bretons en Loire-Atlantique. Ce journal devrait tenir compte de la Charte culturelle de 1977 reconnue par l'Etat.
Du fait de cette Charte, on ne peut pas dire qu'il y a rupture systématique d'égalité entre les cinq départements bretons dans le domaine culturel. Comme les caisses sont vides, la région PDL ne veut plus mettre un sou dans la Culture. Cette région est tout de même obligée de financer l'office public de la langue bretonne.
Le Parlement européen invite les Etats à "favoriser la plus large corrélation possible entre régions culturelles et structures géographiques des pouvoirs locaux". Or la Bretagne n'a pas d'unité culturelle, entre Bretagne bretonnante et Bretagne gallèse (ce qui ne veut pas dire que la langue bretonne soit une langue totalement étrangère en pays gallo). La Bretagne a en revanche une unité historique : ce fut un Etat aux frontières remarquablement stables. Evidemment, on peut considérer que l'Histoire fait partie de l'identité culturelle.
Arrêtons d'élire sans réfléchir des politiciens qui ne veulent pas de la Réunification. Les conventions internationales ne peuvent servir que si déjà, à la base, les élus bretons souhaitent la Réunification.
Si la CEDH donnait raison à Bretagne Réunie, cela contredirait les verdicts de la justice administrative française. Bretagne Réunie pourrait mettre en demeure le Conseil départemental de la Loire-Atlantique d'inscrire l'objet exact de la pétition à l'ordre du jour. Mais voilà, la pétition sera obsolète au mois de février prochain ! Il faudra alors tout recommencer. Mais sur de meilleures bases.