Avec Kan ar Yezh (Le chant de la langue), Clarisse Lavanant signe un album profondément ancré dans l’âme bretonne. Ce disque marque un tournant dans sa carrière, car il s’agit de son premier album entièrement en breton. Un hommage vibrant à la richesse et à la musicalité de cette langue qu’elle a apprise et défend avec passion depuis de nombreuses années.
Le titre en résonance avec la Redadeg
Le titre Kan ar Yezh, qui donne son nom à l’album, a été composé pour célébrer le 10e anniversaire de la Redadeg, cette grande course-relais en faveur de la langue bretonne. Dans cette chanson, la chanteuse exprime avec une simplicité poignante la force de la transmission : "Comme la force, comme le courage, la mémoire de nos pères". Des mots simples, mais portés par une voix de velours qui en sublime toute l’émotion.
Un hommage bouleversant à Anjela Duval
L’un des moments les plus forts de cet album est sans doute la reprise de Karantrez Vro (Amour de mon pays), l’un des plus beaux poèmes jamais écrits en breton. Composé par Anjela Duval, cette femme de la terre, poétesse à la sensibilité rare, qui a marqué la littérature bretonne de son empreinte, Karantez Vro a été mis en musique par par Véronique Autret du groupe Gwalarn. Repris par de nombreux artistes, la version de Clarisse est à la hauteur de celle de Nolwenn Leroy.
Avec sa voix douce et profonde, la chanteuse transcende les mots d’Anjela Duval, leur donnant une force universelle. Ce poème, façonné par ce trio d’artistes qui ne se sont jamais rencontrés, devient un véritable chef-d’œuvre intemporel. Clarisse, par sa sensibilité, s’inscrit dans la pure lignée d’Anjela Duval, captant l’essence même de son écriture : une simplicité apparente qui révèle une profondeur bouleversante.
La poésie de l’instant et des mots simples
Clarisse Lavanant a su comprendre que la beauté des mots ne réside pas dans leur complexité, mais dans leur agencement pur et sincère. Elle suit cette voie dans ses propres compositions, à l’image de Setu va bro (Voici mon pays), où chaque vers semble couler avec une évidence lumineuse : "Ha setu bro / Va sonjou, va dazont / Holl livioù va ene" (Et voici le pays / De mes souvenirs, de mes jours à venir / Toutes les couleurs de mon âme.) Ou encore : "Amañ pep stêr / pep mammenn ha pep stank / Ared em gwazennoù" (Ici, chaque rivière, chaque source et chaque étang courent dans mes veines). Une écriture simple, épurée, mais d’une puissance évocatrice rare, sublimée par l’interprétation habitée de l’artiste.
Un hymne à la joie et à l’amour
Avec Son ar Joa, elle revisite le traditionnel Son ar Chistr, une chanson à boire bien connue, même en dehors de la Bretagne, pour en faire un hymne à la joie. Elle transforme ainsi une chanson populaire festive en un message lumineux et universel. Dans Te a garan (Je t’aime), elle se livre à une confidence bouleversante sur le grand amour de sa vie. Loin des artifices, elle chante avec sincérité cette force vitale qui donne un sens à l’existence, une raison de vivre pour beaucoup alors qu'il faut se battre pour tout le reste y compris pour cette Bretagne et cette langue bretonne en train de disparaitre.
Un album qui fait vibrer l’âme bretonne
Avec Kan ar Yezh, Clarisse Lavanant offre un album d’une beauté rare, où chaque note, chaque mot breton, chaque respiration résonne comme un hommage à la langue et à l’identité bretonnes. Elle y déploie toute la douceur et l’intensité qu'on lui connait pour sublimer un répertoire de 18 chansons. Un album à écouter les yeux fermés, pour se laisser porter par la douce poésie de cette langue.
3 | 0 | Tweet |