Yoann Barbereau, André Markowicz et Françoise Morvan à Douarnenez CC-BY-SA-NC
Yoann Barbereau, André Markowicz et Françoise Morvan à Douarnenez CC-BY-SA-NC © CC-BY-SA ABP

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Les trois écrivains spécialistes de la littérature russe se sont retrouvés place de l’Enfer à Douarnenez devant une centaine de personnes au 4e Salon du livre et de la poésie de Douarnenez.

Les trois spécialistes de la littérature russe se sont retrouvés place de l’Enfer à Douarnenez devant une centaine de personnes au 4e Salon du livre et de la poésie . Le thème ? Un livre qu’ André Markowicz et Françoise Morvan viennent de retraduire. Il s’agit du chef-d’oeuvre de Mikhaïl Boulgakov Le Maître et Marguerite écrit entre 1927 et 1939. Boulgakov était contre le régime soviétique et ce livre ne paraîtra en URSS dans sa version non censurée qu’en 1973.

André Markowicz, né en 1960 d’une mère russe dont la mère avait été envoyée au Goulag en Sibérie et d’un père français, a traduit tous les romans et nouvelles de Dostoïevski, le théâtre de Pouchkine, de Gogol et de Tchekhov, souvent en collaboration avec Françoise Morvan. Il est aussi poète et éditeur.

Françoise Morvan, née en 1958 à Rostrenen mais élevée à Paris, est une éditrice, traductrice, essayiste et dramaturge bretonne. Elle est surtout connue pour avoir écrit un livre contre le nationalisme breton Le monde comme si. L’objet du livre est de montrer une continuité entre la collaboration de certains nationalistes bretons avec l’occupant allemand pendant la guerre et la renaissance du mouvement breton depuis les années 70. C’est bien sûr du pur délire mais la presse nationale a sauté sur l’occasion pour casser du breton et mettre en avant ce livre. Françoise Morvan a d’ailleurs depuis, mais ça reste occasionnel, accès aux colonnes du Monde et de Ouest-France.

L’enfer que décrit Boulgakov dans le Maître et Marguerite c’est la vie dans les années 1920 à Moscou dans des appartements communautaires volés aux « riches ». Oui, les appartements bourgeois de Moscou avaient été transformés dans des sortes de Kolkhoses ! Une famille par chambre. La propriété privée n’existait plus. Elle avait été abolie par les soviets.

Que d’anciens Trotskystes, courant lambertiste, comme Markowicz ou sa compagne Françoise Morvan défendent la propriété privée a quelque chose de cocasse – surtout quand on sait qu’ils continuent à considérer, comme tout bon marxiste, que toute forme de nationalisme est une activité « petite bourgeoise » contraire aux « intérêts des travailleurs » –.

Françoise Morvan, au-delà d’une présentation intéressante du livre de Boulgakov et des subtilités exigées par une bonne traduction, n’a pas pu s’empêcher d’ironiser sur la Bretagne des militants de la cause bretonne. Elle a lâché quelques bribes de sarcasmes qui n’avaient aucun rapport avec le thème de la table ronde. Le public qui n’était pas venu pour ça n’y a rien compris d’ailleurs. Les blagues sur l’identité bretonne, ça ne fait plus rire personne.

On pensait que Mme Morvan avait tourné la page, mais non. Cette vieille querelle avec les militants de la cause bretonne lui colle à la peau. Elle en est marquée au fer rouge à vie. Dommage, car on aurait pu attendre d’elle bien plus si son esprit avait pu trouver un peu de sérénité. La vérité est qu’elle ne peut pas « tourner la page »... d’un livre controversé mais qui continue à être réédité. Les paroles passent mais les écrits restent.

Un exposé intéressant mais le public a regretté que le Nantais Yoann Barbereau n’ait pas pu nous en dire plus sur ses mésaventures en Russie. Non pas celle de Lénine ou de Staline, mais celle de Poutine. En 2011, alors qu’il vivait en Sibérie et était directeur de l’Alliance Française à Irkoutsk, il fut arrêté brutalement par des agents du FSB (la police d’état qui a succédé au KGB) sous les yeux de sa fille et de son épouse russe.

Accusé d'avoir commis des actes pédocriminels, il est torturé et jeté en prison. Plus tard, il sera interné en hôpital psychiatrique, puis assigné à résidence sous contrôle d’un bracelet électronique. Il a réussi à s’échapper et à rejoindre la France. Dans son sac, le livre de Mikhaïl Boulgakov Le Maître et Marguerite qu’il avait lu en prison et qu’il a ramené avec lui. Lui-même a écrit Dans les geôles de Sibérie sorti chez Gallimard en 2020.