La semaine diplomatique a été marquée par la rencontre entre le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, et le Haut Représentant de l’Union Européenne aux Affaires Extérieures, Josep Borrell, qui est un catalan, mais totalement rallié aux thèses espagnolistes à la manière d’un Charles Pasqua. L’Europe voulait brandir son soutien à l’opposant russe Navalny, victime d’une tentative de meurtre par empoisonnement par les services secrets, puis embastillé par la dictature de Vladimir Poutine. La Russie a pu lui répliquer en dénonçant le sort fait par l’Espagne aux Catalans : juste retour des choses, et illustration de l’affaiblissement de l’autorité diplomatique européenne en raison de la dérive anti-démocratique de l’Etat espagnol en Catalogne.
La scène s’est déroulée en direct lors de la conférence de presse officielle organisée à l’issue de la rencontre. Devant les journalistes russes et européens, Josep Borrell a rappelé la condamnation européenne de la tentative d’assassinat et de l’emprisonnement de l’opposant russe le plus emblématique. Sergueï Lavrov lui a alors répondu « en blâmant l’emprisonnement des prisonniers politiques catalans par l’Espagne » . Le ministre russe a déclaré que la Belgique et l'Allemagne avaient contredit les tribunaux espagnols dans l'affaire du 1er octobre 2017 : « Vous remettez en question les décisions de notre système judiciaire", a pointé Lavrov lors de la conférence de presse conjointe avec Borrell, "alors que vous appliquez au sein de l’UE deux poids deux mesures » , en jetant l’opprobre sur la Hongrie et la Pologne et en tolérant l’Espagne.
Cette passe d’armes diplomatique n’enlève rien aux atteintes intolérables de la Russie aux principes démocratiques et aux droits de l’Homme, ni au soutien que l’Europe doit à Alexei Navalny. Mais elle en dit long sur le boulet qu’est devenue l’Espagne pour la crédibilité de la diplomatie européenne !
Mais il n’y a pas qu’en Russie que l’affaire catalane est montrée du doigt. Mardi 2 février, au Parlement belge, le Premier ministre, le libéral Alexander De Croo, a comparé l'Espagne pour la première fois à la Hongrie et à la Pologne en réponse au député Sander Loones qui l'avait interrogé sur les décisions de justice belges qui refusaient les euro-ordres de l’État espagnol contre les exilés au motif qu’un procès équitable n'est pas possible en Espagne si l’on était un militant indépendantiste. « Notre gouvernement croit en une forte application de l'État de droit dans tous les États membres, tant en Pologne qu'en Hongrie et en Espagne. Chacun doit respecter les valeurs européennes fondamentales en tant qu'État de droit » , a-t-il déclaré. C’est la première fois qu’un premier ministre en activité affronte l’omerta des États européens face à la crise catalane.
Dans le dossier catalan l’Europe joue le jeu de l’Espagne, malgré l’opposition de plusieurs institutions démocratiques qui ont contredit ce choix. Ainsi, l’entrée de Carles Puigdemont au sein du Parlement Européen grâce à la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne a démenti le bien-fondé de l’acharnement judiciaire espagnol contre des hommes et femmes politiques au comportement démocratique irréprochable. Mais cette « omerta » européenne au profit de l’Etat espagnol, voulue et appliquée à la demande du Conseil, relayée au Parlement Européen par « l’Union sacrée » de la plupart des députés espagnols, commence à se fissurer sérieusement. Car elle affaiblit l’Union Européenne dans ce qui est sa principale force : sa crédibilité démocratique.
Pour les Catalans, qui éliront dimanche leurs députés à la Generalitat, la donne politique est en train d’évoluer à la lumière de ces évolutions politiques et diplomatiques européennes. Mais la victoire électorale devra être au rendez-vous des urnes. Ce n’est qu’en reconduisant une majorité indépendantiste parmi les députés que l’indépendantisme catalan consolidera sa crédibilité comme représentant légitime du peuple catalan. Et il faut maintenir ouverte la table de négociation malgré tout actée par le gouvernement Sanchez, « indispensable pour ouvrir les portes de la négociation internationale » , comme l’explique très bien Oriol Junqueras dans une interview au quotidien El Punt/Avui dont Arritti publie les principaux extraits.
C’est le seul chemin pour l’avenir : tenir bon dans le combat démocratique, progresser dans les urnes, internationaliser les soutiens, et tendre la main au dialogue.
Ce qui vaut pour la Catalogne vaut aussi pour la Corse !
>Ce communiqué est paru sur Le blog de François Alfonsi