Hevrin Khalaf,
J’ai mal au ventre, ce soir, en voyant la photographie de ton beau visage.
Je n’en peux plus de voir ton sourire grave,
tes traits qui disent toute la force des opprimés,
Je n’arrive pas à penser ta mort, ton corps criblé de balles, torturé, broyé par les miliciens.
Trop dur à penser, aussi je n’écris qu’au présent,
Je me dis qu’une femme aussi belle et forte que toi ne peut mourir comme ça !
Parce que le chef d’une superpuissance ne sait rien à la puissance,
et n’écoute même pas ses généraux,
Parce qu’il retire ses troupes sur un coup de tête parce que nul Kurde des montagnes ne débarqua en Normandie,
Parce que les Européens sont si pressés d’ user du sang des Kurdes pour terrasser l’hydre islamiste,
Que ces vieilles puissances qui n’en sont plus, ne songent qu’au prisonniers islamistes, pour que les touristes chinois dépensent librement sur les champs
Parce que le turc a la frayeur de perdre le pouvoir,
que la haine suinte d’Istanbul, comme au vieux temps des chrétiens empalés sur les pieux, décapités à coups de sabre.
Parce que la presse d’Istanbul encense ta mort effroyable, nous sommes dans les ténèbres,
J’en suis sûr aujourd’hui.
Mais ton visage est lumière qui ne s’éteint pas.
Il nous rappelle que l’humanité existe encore,
Il est donc aussi un peu le nôtre,
Il nous rassure, même s’il fait si mal au ventre.