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Lettre ouverte d'un catalan au policier espagnol qui l'a matraqué et à Felipe VI
De vous, je connais la force que vous développez lorsque vous donnez des coups de matraque sur le corps d'une personne sans défense. Vous vous y êtes pris à maintes reprises. Vous l'avez fait bien, avec précision : j'ai le dos, les fesses, mon bras pleins de bleus et une blessure ouverte sur mon omoplate
Par Antoni Vives pour Invité le 7/10/17 21:08

Lettre ouverte d'un électeur catalan au policier espagnol qui l'a matraqué:

Lettre au n° 8U53 (et à Felip VI)

Cher 8U53,

Je ne sais pas comment vous vous appelez, et je ne sais pas d'où vous venez. Je ne sais pas si vous avez une femme, si vous avez un partenaire, si vous avez des enfants, des parents, des frères. Je ne sais pas dans quel environnement vous avez grandi ou vécu. De vous, je connais très peu de choses, mais certaines profondes : la couleur de vos yeux, d'un brun tendre, couleur chêne clair : nous nous sommes regardés dans les yeux pendant un long moment. Cela m'a paru très long.

Et vous ? Mêmes impressions ? Vous avez souri et vous m'avez insulté à voix basse, comme vous l'avez fait avant avec ma fille, lorsque vous l'avez traînée sur le sol, la tirant par les cheveux. Votre sourire doit être le même lorsque vous avez l'habitude d'embrasser le front de votre mère, les lèvres de votre partenaire. De vous, je connais la force que vous développez lorsque vous donnez des coups de matraque sur le corps d'une personne sans défense. Vous vous y êtes pris à maintes reprises. Vous l'avez fait bien, avec précision : j'ai le dos, les fesses, mon bras pleins de bleus et une blessure ouverte sur mon omoplate. Vous m’avait griffé avec quelque chose de pointu dans votre main lorsque je voulais me protéger. Vous l'avez fait bien méticuleusement, jouissant de votre travail. Vous me l’avez dit, vous souvenez-vous?

Je vous ai demandé si vous avez aimé frapper des personnes sans défense et vous m'avez dit que vous le feriez mille fois. Derrière vous, un officier de votre unité auquel nous avons demandé de nous montrer le mandat de la justice, il nous a dit oui, tout en donnant l’ordre de nous charger. Derrière vous, ce courageux officier nous a défié, tout souriant, que nous pouvions venir pour le trouver....

Pendant ce temps, ma femme, à qui vous avez également fait mal, essayait de relever du sol ma fille: elle n’avait plus ses lunettes, vous les lui aviez arrachées du visage. Vous l’avez traitée de salope, de chienne ... ma fille a vingt ans, elle joue au basket, elle est bénévole dans des associations, et étudie les relations internationales. Et votre fille, qu'est-ce qu’elle fait?

Vous faites bien votre travail et vous l'aimez. Vous êtes allés au bureau de vote de l'école Dolors Monserdà et vous en êtes sortis avec trois urnes. Vous vous êtes félicités. Certains des policiers nous ont montré le doigt du milieu. Ils ont très bien fait leur travail. D'autres, très professionnellement, ont toujours eu le temps de matraquer en sortant d'autres personnes, sûrement une façon de protéger la coexistence pacifique.

Pendant ce temps, vous m'avez regardé, et je vous ai regardé. Je me suis approché de vous. Presque nez à nez. Vous avez ressorti votre matraque pour enrouler l’anse autour de votre poignée et vous avez dit dégagez. Ensuite, les officiers ont donné l'ordre de retrait. Vous avez cessé de sourire. C’est vrai, j’ai ressenti du dédain envers vous. Et j’en suis désolé. Vous m’avez blessé, vous avez blessé ma famille comme mes amis alors que nous faisions une file d’attente sur un trottoir à Barcelone, devant une école. Pouvez-vous imaginer que cela vous soit arrivé ?

Mais maintenant, je comprends beaucoup de choses, matricule 8U53 et je dois être juste : j'ai entendu le message du roi Felip. Il a, comme vous, un regard profond et froid. De lui, nous connaissons sa vie publique, et un peu de sa vie privée. Nous savons qu'il a été formé dans les cercles de l'élite de Madrid. Nous savons que vous avez une solide formation militaire. Nous savons qu'il aime faire du sport. Il a une femme et des filles et qu’il a eu de sérieux problèmes chez lui. De temps en temps, il se rend en Catalogne, et il fait l'effort de parler en catalan (quand il parle en anglais, il le fait sans effort). Le roi a été malheureusement injuste pour ceux qui allaient voter pour décider de notre avenir et il a ouvert la porte pour appliquer l'article 155 de la Constitution. Le roi a peur, et il s'est caché derrière vous, comme l'officier qui nous a défiés au bureau de vote.

Lui, à travers son gâchis de père incarne la transition démocratique, l'autre jour il a représenté la pourrissement de son pouvoir : il nous parlait de la Constitution alors qu’au même moment les sites Web ont été fermés, le courrier postal était violé, le droit de réunion était bafoué ; ensuite un ordre de l’ administrateur général a effectivement bloqué l'autonomie financière de la Généralité, plusieurs articles supplémentaires du Statut sur les investissements en Catalogne ont été violés à plusieurs reprises. Les autorités de l'Etat ont fait une lecture restrictive du Statut d’Autonomie et même plus restrictives que pour les autres Autonomies. Déclarer l'immersion linguistique inconstitutionnelle, pilier, oui, de notre modèle de coexistence, est infâme.

Votre haine envers moi, envers nous tous, 8U53, vient d'en haut. C'est pourquoi je vous pardonne. Vous êtes manipulés. Je l’ai compris voyant Alfonso Guerra parler des Catalans. De la petite école à l'école de police ; depuis vos officiers jusqu’au roi Felip lui-même : tout vous conduit à nous haïr. À tel point que, à la fin, vous finissez par traîner par les cheveux ma fille en montrant au monde cette Espagne à laquelle le roi voudrait que nous restions attachés. Je vous plains et je vous pardonne 8U53. Le jour de votre choix, je vous invite à déjeuner. Salut.

Maintenant, c'est à nous, les Catalans, de bien mesurer chaque étape. Nous allons gagner et il suffit de lire ce que le monde dit. Que la (im)prudence ne fasse pas de nous des traîtres.

Antoni Vives

Voir aussi :
Vos 1 commentaires
Sort J-M Le Dimanche 8 octobre 2017 10:09
J'ai lu une interview très intéressante de Jordi Savall, grand musicien classique catalan, sur le monde.fr (désolé, ce n'est pas ma lecture habituelle mais on m'y avait re-dirigé...)
Pour une fois qu'un article du monde est intéressant il serait dommage de s'en priver..
(0) 
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