Qui a fondé la ville de Dakar ?
Dakar, capitale de la République du Sénégal, est aujourd'hui une des grandes ville d'Afrique et sa population continue d'augmenter très vite : 600 000 habitants vers 1980 et plus de 2 500 000 aujourd'hui. Mais ce n'est pas une ville très ancienne puisqu'elle fêtera seulement son 150e anniversaire l'an prochain.
La date officielle retenue par les historiens pour sa fondation est le 25 mai 1857. Le Sénégal fêtera naturellement cet anniversaire l'an prochain, mais aussi la France car cette fondation a été une initiative française réalisée à l'époque de la colonisation.
L'anniversaire de cette fondation risque de susciter des remous en Bretagne car, dans le volume annuel publié il y a quelques mois par la Délégation aux célébrations nationales, délégation qui dépend du Ministère de la Culture et de la Communication, le mérite en a été attribué au général Louis Léon César Faid'herbe (Lille, 1818 - Paris, 1889) et non pas au véritable fondateur le Breton Auguste Léopold Protet, né à Saint-Servan le 20 avril 1808 (il y aura 200 ans en 2008 !) et mort au combat devant Nekio, en Chine, le 17 mai 1862.
Il est indiscutable que Faid'herbe a joué un rôle très important dans la pénétration française au Sénégal et aussi dans l'organisation de la colonie, mais il faut tout de même rappeler qu'il était basé à Saint-Louis tout au nord du pays et qu'il n'est venu lui-même pour la première fois à Dakar que de nombreux mois après sa fondation effective. Il serait tout à fait injuste de lui attribuer le mérite de cette fondation au détriment de Protet. En fait, pour être œcuménique, on pourrait considérer que trois hommes se partagent l’honneur d’avoir fondé le petit établissement de Dakar. Ce sont Émile Pinet-Laprade (Mirepoix, Ariège, 1822 - Dakar, 1869), Louis Faid'herbe et surtout Auguste Léopold Protet. Tous trois ont été gouverneurs du Sénégal et donc basés à Saint-Louis, qui fut la capitale de la colonie jusqu’en 1957 : - Auguste Léopold Protet a été gouverneur du 11 octobre 1850 au 16 décembre 1854
C’est la coexistence du pouvoir de la Marine et de celui de l’administration coloniale (civile, mais assurée de fait par des militaires, souvent officiers de la Marine) qui explique la confusion qui entoure parfois cette création.
Pour y mettre fin, donnons la parole à Maurice Delafosse, ancien gouverneur des colonies qui a raconté l'événement dans l'Histoire des colonies françaises (Plon, 1931, tomr IV, pp. 145-146) : "... L'occupation, réclamée par le capitaine de vaisseau de Monléon dès 1855, avait été autorisée, par une lettre du 21 juillet 1855 de l'amiral Hamelin, ministre de la Marine et des Colonies. Monléon avait alors chargé le capitaine Pinet-Laprade, chef du génie à Gorée, de faire un lever topographique de la presqu'île et d'établir un plan des forts et de la ville à construire. Remplacé en 1856, comme chef de la division navale et commandant supérieur de Gorée et dépendances, par le capitaine de vaisseau Protet, celui-ci insista auprès du ministre pour que suite fût donnée aux propositions de son prédécesseur. après quelques hésitations, l'amiral Hamelin finit par inviter Protet, à la date du 29 janvier 1857, à installer un poste militaire sur le Cap Vert et à procéder ensuite, s'il l'estimait convenable, à l'exécution des projets établis par le capitaine Pinet-Laprade.
Protet n'avait pas attendu l'arrivée de la dépêche ministérielle. Fort de l'autorisation donnée à son prédécesseur, il avait, dès la fin de 1856, fait commencer sur le Cap Vert, la construction dune forteresse, dont il avait acheté l'emplacement à un colon nommé Boyer pour la somme de 3 118 francs. Le capitaine de frégate d'Alteyrac, commandant particulier de Gorée, avait été chargé de cette construction, qui fut terminée en avril 1857. Le 25 mai, à l'occasion de la fête terminant le jeûne du ramadan, Protet fit débarquer sur la presqu'île les marins du Jeanne d'Arc et prit possession au nom de la France, du territoire de Dakar. L'amiral Hamelin devait l'approuver, quelque temps après, par une lettre du 21 juillet 1857."
ABP /BLN
Philippe Argouarch