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Manifestation cirés jaunes
- Chronique -
De l'écotaxe à la desserte des îles
La première revendication des Bonnets Rouges est la gratuité des routes. Derrière cette revendication simple se profile une autre, plus complexe, mais vitale : l'équilibre des territoires et l'aménagement de
Par Jean-Pierre Le Mat pour JPLM le 17/11/14 11:10

La première revendication des Bonnets Rouges est la gratuité des routes. Derrière cette revendication simple se profile une autre, plus complexe, mais vitale : l'équilibre des territoires et l'aménagement de la Bretagne. Dans un univers mondialisé, la question des transports est stratégique, surtout pour les zones dites "périphériques". Choisir les modes, l'intensité et les coûts des transports est devenu un vrai choix de société.

Nous avons gagné la bataille de l'écotaxe. Mais aurions-nous oublié les routes maritimes, ferroviaires et aériennes ?

La question des voies ferroviaires a été abordée lors de la bataille de l'écotaxe. Le but affiché de la taxe était de favoriser les transports alternatifs, et en premier lieu l'articulation rail-route, appelée "ferroutage". Mais cette justification de l'écotaxe était mensongère.

L'activité fret de la SNCF est en dégringolade. En 1950, les deux-tiers des marchandises transportées en France passaient par le rail. En 2012, c'est seulement 10%. En 2000, le rail transportait 55 milliards de tonnes-kilomètres. En 2012, ce chiffre est passé à 21 milliards, soit une baisse de 62%. Il est difficile de croire qu'une telle chute, pour un opérateur historique en situation de quasi-monopole, ne soit pas liée à une volonté de désengagement.

D'autre part, la SNCF a cherché par tous les moyens à empêcher le ferroutage en Bretagne. D'abord en ne faisant rien. Ensuite en empêchant la concurrence de le faire. Les coopératives bretonnes ont organisé le ferroutage dans le cadre de Combiwest, tout comme elles avaient organisé le transport maritime vers l'Angleterre dans le cadre de Brittany Ferries. La SNCF n'a guère été loyale : achat de "sillons" pour empêcher Combiwest de les utiliser ; décrochage de wagons en gare de Rennes ; procès à RFF.

Le transport aérien doit être abordé, lui aussi, en termes d'aménagement du territoire et non en termes de rentabilité de chaque aéroport. La pertinence des implantations aéroportuaires est liée à l'activité économique des territoires, à leur position géographique et à l'existence de moyens de transport de substitution. L'équilibre de notre écosystème aéroportuaire pose à la fois la question du maintien de l'aéroport de Lannion et celle de la construction de celui de Notre Dame des Landes. Il faut remarquer que le transport aérien a une spécificité. Contrairement aux autres modes de transports, il est pour l'instant limité à une seule forme d'énergie, non renouvelable : le pétrole.

Les routes maritimes ne posent pas les mêmes problèmes que les routes terrestres. Sur terre, c'est l'infrastructure qui est déterminante. Elle est gérée par une institution publique ou par un délégataire dans le cas des autoroutes. Les moyens de transport terrestre sont encadrés par la loi, mais chaque entreprise choisit ses camions, ses destinations, ses horaires.

L'entretien des routes maritimes ne se pose pas de la même façon que l'entretien des routes terrestres. C'est le moyen de transport qui porte les contraintes : horaires, quais de départ et d'arrivée, gestion des lignes par une institution publique ou un délégataire.

L'équilibre des territoires et l'aménagement de la Bretagne passent aussi par nos routes maritimes. Les îliens sont mobilisés, avec cirés jaunes et bonnets rouges. Que pouvons-nous faire ? Je vois quelques pistes possibles.

1- Renforcer la présence bretonne au niveau européen. Une intervention auprès de la Commission Européenne des Iles est demandée par les îliens. D'autre part, il faudrait que les îles bretonnes soient présentes au sein d'ESIN, association des petites îles de l'UE.

2- Obtenir des aides gouvernementales ou retenir une partie de nos impôts pour les transports maritimes bretons. En Corse, le budget de l'État est largement mis à contribution pour assurer la continuité territoriale ; Pas en Bretagne. Les Bretons contribuent par leurs impôts à financer la RATP. Pour 1,70 ¤, on peut faire le tour de Paris. Il en faut dix fois plus pour aller sur nos îles.

3- Négocier des avantages locaux avec les entreprises qui obtiennent des droits sur le domaine public. C'est le cas, dans certains endroits, pour les champs d'éoliennes ou d'algues.

4- Mettre en place, pour le transport maritime, des solutions participatives, de type covoiturage, comme il en existe pour le transport terrestre.

5- Créer un substitut aux modèles économiques actuels. Les coûts de transport sont calculés sur l'amortissement d'un bateau neuf. Pour le fret, quelle serait la faisabilité et le coût de revient d'une barge ?

6- Favoriser l'émergence d'un champion régional. Aujourd'hui, la desserte des îles est assurée par un "champion national", Veolia. L'objectif, lors de la création de ces champions nationaux, était la conquête de marchés internationaux, afin de rapporter des devises en France. Cet objectif a été abandonné au profit d'un autre, plus paresseux et plus lucratif : vivre au crochet des administrés en occupant le créneau des dépenses obligatoires : énergie, logement, transport, assurances. La reconquête de ces créneaux doit être faite au niveau régional, afin d'être plus proche des populations.

Jean Pierre LE MAT

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