La manifestation géante du 27 septembre 2014, à Nantes, était très attendue, très soigneusement préparée, et très politique.
Le schéma est désormais assez classique :
. prises de parole, relevant des domaines politique, économique, associatif
. long défilé – sous un soleil éclatant – dans le c½ur de ville (Commerce, Graslin, 50 otages, Cathédrale, château des Ducs de Bretagne) qui effectue une grande boucle.
. fin d'après-midi festive en plein-air
Les photos présentées ici, ont été prises en tête de défilé (le plus souvent). Et aussi au plus près des artistes, lors du final.
Dans une manifestation d'une telle ampleur ( « ur mor a dud » ou encore « une marée humaine » ont pensé beaucoup, avec justesse), on ne peut être partout à la fois, il faut donc choisir ses points d'observation.
On trouvera, en début de série, une sélection de pancartes. Celles-ci, à travers des formulations variées, donnent le ton d'une revendication simple, forte et unanime: "Ici c'est LA BRETAGNE".
Avec une coloration politique évidente "Réunification, je décolonise mon âme" ou économique "BRETAGNE Réunifiée = Développement Economique". Parfois une idée de mise-en-oeuvre, très novatrice: "Une assemblée bretonne avec le pays nantais! Oui!". Chacun comprendra en lisant cela à quel point la plus grande partie de nos politiciens sont à des kilomètres en arrière de la réalité et des attentes.
On notera la présence d'assez nombreuses pancartes en anglais. Ce qui montre bien la préoccupation de communiquer au loin, via l'internet (à travers des photos précisément).
Certaines, derrière un petit côté malicieux, sont très efficaces. Par exemple: "I want my Naoned back (Marc'harid T.)" ou encore "Democracy UK : 1 France : 0".
Tout d'abord, il faut savoir qu'en plusieurs endroits (par exemple, à Carhaix-Karaez, dans le Finistère) de nombreuses personnes, venues en dernière minute, n'ont pu trouver place dans les autocars. Les chiffres diffusés sont donc minimalistes.
D'autre part, en France et très habituellement, les chiffres fournis par la police et ceux fournis par les organisateurs varient dans un rapport de 1 à 3.
Ce 27 septembre, la police annonce 13.000 personnes. Faites l'opération 13.000 x 3 = 39.000. On comprend donc qu'en annonçant 35.000 les organisateurs ont vu juste. Cela correspond aussi à la sensation visuelle sur le terrain.
Dans tous les cas de figure, c'est un record et une très belle réussite.
Au printemps dernier, lors de la précédente manifestation nantaise, les politiciens et journalistes ne comprenaient pas ce qui se passait. Surtout vu depuis Paris. Depuis lors, les choses ont évolué.
Bien des journalistes ont repéré qu'il se passe à Nantes quelque chose de spécifique en rapport avec la réforme territoriale prévue.
Surtout, ils ont commencé à comprendre la nature du problème : la Bretagne est tronçonnée administrativement. Du coup, c'est tout le grand quart Nord-Ouest de la France qui est déstabilisé et bancal. Il faut donc envisager un agencement territorial logique (géographie, histoire), cohérent (avec les futures régions voisines) et dynamisant (volonté des populations, dynamique économique). On en est loin.
Pour la Bretagne, le seul projet qui vaille , c'est 5/5. C'est-à-dire la Réunification. C'est-à-dire cinq départements péninsulaires (Finistère, Morbihan, Côtes d'Armor, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique). Ceci conduit bien évidemment à la mise en place d'un futur Val de Loire (qui reprend une large partie des anciens Pays-de-Loire, lesquels ne sont qu'un patchwork mou et artificiel).
Un boutiquier bien placé pour l'observer me signalait que la ville de Nantes souffre d'un problème d'identité. Cela peut ne pas apparaître immédiatement à l'½il du visiteur pressé, mais au quotidien et au fil du temps cela se révèle avec acuité. Les Nantais, trop souvent, ont du mal à se situer en tant que tels parce que Nantes refuse de se situer. C'est aussi mon avis.
Cette demande de réunification bretonne, cette exigence, sont insistantes, récurrentes, et vont s'amplifiant au fil des décennies (depuis les années soixante, au moins).
On ne peut prétendre réformer, moderniser, et remettre la France sur les chemins de l'économie, en saccageant la réforme territoriale. Une Bretagne péninsulaire (aujourd'hui cinq départements), comme ce fut le cas depuis des temps immémoriaux, voilà l'objectif. Et il est incontournable, sauf à perdre toute crédibilité politique, pour le pouvoir en place, quel qu'il soit. Voilà pourquoi, sans doute, l'on a entendu évoquer une « troisième voie bretonne » , sur le podium.
Nulle part ailleurs en France, on ne peut observer de revendication aussi charpentée, aussi déterminée et tenace, aussi ouverte sur l'avenir. La Bretagne, de Nantes à Brest, tient un discours stable et fort.
Nulle part ailleurs en France, on ne peut voir une manifestation de ce type : prises de parole de responsables en poste, défilé populaire et associatif, fête finale. La Bretagne, à Nantes, invente une nouvelle façon de faire vivre la démocratie.
Or, au final, l'appareil politique, en Europe, repose sur un soubassement démocratique. La Bretagne contribue à inventer l'Europe.
L'avenir est à la Bretagne. Ainsi que le proclame le pin's de la manifestation, la Bretagne c'est 5/5 ! Pemp diwar pemp!