La Bretagne a sa propre littérature en langue française comme les Irlandais ont une littérature exceptionnelle en langue anglaise. Notre génération a ainsi produit une flopée d'écrivains remarquables, auteurs de romans historiques exceptionnels et souvent récompensés : Irène Frain, Mireille Le Sage, Patrick Mahé, Gilles Martin-Chauffier, Angèle Jacq ou Roger Faligot pour ne citer que les contemporains. Le roman historique, comme le polar, est un genre bien établi en Bretagne.
Dans cette pure tradition, Roger Faligot, un fin connaisseur de l'Irlande, vient de publier chez Plon, "L'Irlandais de Bonaparte". Ce roman historique est aussi un livre d'histoire. Il conte une histoire vraie. Il suit les aventures d'un Irlandais au service du Roi, puis de la Révolution et enfin de Bonaparte : Charlie Kilmaine, de son vrai nom Charles Édouard Jennings de Kilmaine.
Les chapitres se suivent au fil des campagnes : Sénégal, campagne d'Amérique avec la bataille décisive de Yorktown, Valmy, Jemapes, Toulon, Vérone, Venise, car, notre Irlandais est de toutes les batailles. Son ennemi est avant tout l'Angleterre qui oppresse l'Irlande. Il veut libérer son pays et favorisera trois expéditions pour libérer la verte Erin avant que Napoléon ne se désintéresse du projet.
Le plus cocasse est sans aucun doute le chapitre sur la terreur jacobine de 1793-1794 où le héros de Valmy et de Jemapes est emprisonné au Luxembourg avec tous les Anglais et les étrangers qu'on a pu attraper. Suite à la tentative de coup d'État du général Dumouriez, le paranoïaque Robespierre et les Jacobins ont décidé que tous les étrangers et en particulier les Anglais sont des espions. L'Irlande faisant partie de l'empire britannique, les Irlandais qui s'étaient mis au service de la Révolution dans l'espoir qu'elle puisse libérer l'Irlande de la domination anglaise, seront mis dans le même sac.
L'Américain Thomas Paine, qui est né en Grande-Bretagne, se retrouve aussi à la prison du Luxembourg comme Kilmaine, ce qui est ironique pour l'auteur du livre fondateur, "Les Droits de l'Homme, 1791-1792", paru en 1792.
Bertrand Barère, ami de Robespierre, qui s'en était déjà pris aux Bretons et aux Basques, demande l'arrestation de tous les étrangers en France, y compris des généraux aussi prestigieux que Kilmaine.
Faligot ne nous épargne rien sur cette triste période de l'histoire de France, très peu glorieuse et même perverse. L'administrateur de police et directeur de la prison du Luxembourg, Jean-Baptiste Marino, ancien proxénète devenu complice de la Terreur et responsable de la police des moeurs, fait enlever de simples femmes dans la rue pour les violer et ensuite les envoyer à l'échafaud. Il viole aussi les veuves et les filles de ceux que l'on guillotine par pleines "charretées". On ne parle pas encore de "fournées", mais le principe est le même. On tue des gens pour leur nationalité d'origine ou pour leur religion.
C'est aussi cela l'Histoire de France et merci à Roger Faligot de nous la conter sans ménagements.
Roger Faligot a débuté dans le journalisme en Irlande en 1973 avant de travailler comme reporter d'investigation en free-lance pour des journaux et magazines bretons, parisiens ou étrangers (Irlande, Angleterre, Japon).
Pendant sept ans, dans les années 1990, il a été correspondant spécial de l'hebdomadaire The European, basé à Londres.
De 1993 à 2000, il a présidé l'Association des journalistes bretons et des pays celtiques. Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages.
Le livre est partiellement en ligne sur Googlebooks : (voir le site)