De Mme Guelin correspondante au tribunal de Paris du Comité de soutien à Jérôme Kerviel. L'axe de la défense décortiqué par un expert de la finance : l'hypothèse d'une machination - audience du 21 juin. Parmi les témoins cités par la défense qui se sont présentés devant la Cour au cours de la 3e semaine, il en est un qui se détache parce que son témoignage est au cœur de la stratégie adoptée par Maître Koubbi pour ce procès en appel : Jacques Werren, 49...
De Mme Guelin correspondante du Comité de soutien à Jérôme Kerviel L'axe de la défense décortiqué par un expert de la finance : l'hypothèse d'une machination - audience du 21 juin.Parmi les témoins cités par la défense qui se sont présentés devant la Cour au cours de la 3e semaine, il en est un qui se détache parce que son témoignage est au cœur de la stratégie adoptée par Maître Koubbi pour ce procès en appel : Jacques Werren (JW), 49 ans, est consultant financier pour des établissements bancaires. Il a effectué la totalité de sa carrière dans la finance, dont une grande partie au Matif (Marché à Terme des Instruments Financiers, aujourd'hui disparu), dont il était le directeur général adjoint. JW a contacté récemment la défense, emboîtant les pas de Philippe Houbé (cf. Compte rendu de la 2e semaine d'audience), parce qu'il ne supporte pas la version de l'" affaire Kerviel " donnée par la Société générale (SG). Et ce jeudi 21 juin, il est venu faire part à la Cour de sa propre opinion. Gage de son intégrité et de sa rigueur, il refusera de répondre aux questions qui sortent de sa compétence – y compris lorsqu'elles lui sont posées par la défense. JW a conçu une hypothèse - la seule, selon lui, qui permette de rendre cohérent tout le déroulement de l'affaire. Cette hypothèse tient en 3 points : – 1) la banque ne pouvait pas ne pas savoir : selon Jacques Werren, elle a menti Dans le milieu des marchés financiers, lorsque l'affaire éclate en janvier 2008, la version de la SG selon laquelle la banque n'aurait rien vu des agissements de son trader, soulève une totale incrédulité, et ce point de vue de la profession est alors largement relayé par la presse. Le fonctionnement des marchés à terme organisés, que JW connaît bien, dont les règles sont particulièrement rigoureuses (il les explique à la Cour), exclut définitivement qu'un opérateur isolé puisse prendre des positions énormes sur un marché à terme sans que la moindre alerte interne ne se déclenche, et sans que son employeur ne soit au courant. - Une telle affirmation vient corroborer le témoignage de Philippe Houbé. Mais pourquoi la SG aurait-elle menti ? – 2) la déclaration par la SG de la totalité des pertes liées aux subprimes aurait provoqué un séisme M. Werren rappelle le contexte de l'époque : une crise financière majeure vient de se nouer : la crise des subprimes, ces crédits immobiliers américains qui se retrouvent en tant qu'actifs toxiques dans le portefeuille de différentes banques. La SG en détient en quantité ; ils ne seront pas remboursés ; la perte s'annonce colossale : plusieurs milliards d'euros. La déclaration d'une telle perte déclencherait un “tsunami” et le risque serait grand que la panique se propage à d'autres banques par effet domino. La SG se contente alors de déclarer 200 millions de pertes liées aux subprimes, somme qui sera rectifiée en janvier 2008, portée à 2 milliards d'euros. – 3) afin de dissimuler la plus grande partie de ses pertes-subprimes, la banque a élaboré un plan Se plaçant dans la situation de la SG, JW a imaginé un plan conçu par la banque afin de protéger ses intérêts : c'est l'hypothèse de la machination. Afin de dissimuler l'essentiel des pertes liées aux subprimes, la hiérarchie de la SG, au plus haut niveau, aurait pris la décision, dès le printemps 2007, de couvrir les opérations de Jérôme Kerviel (JK) en prenant des positions symétriques inverses, et d'attendre une perte, qui n'arrivera qu'en janvier 2008. La banque " siffle alors la fin du jeu " : on révèle l'affaire, on liquide toutes les opérations : celles de JK (le débouclage creusera un trou de 5 milliards d'euros, qui s'ajouteront aux 2 milliards de pertes-subprimes précédemment déclarées officiellement par la banque), et celles qui ont été initiées par la hiérarchie de la banque en 2007. La SG a pris une décision raisonnable, affirme JW : on a changé l'étiquette des pertes, en attribuant à JK les pertes liées aux subprimes. Reconnaître que la SG a été victime d'un opérateur isolé qui a échappé pendant plusieurs mois aux services de contrôle de la banque n'est certes pas glorieux, mais cela est nettement moins dommageable que d'annoncer 7 milliards d'euros de pertes sur les subprimes ! Au passage, JW signale que, paradoxalement, il n'y a pas eu de pertes-JK en réalité – puisque les positions qu'il prenait étaient couvertes par la banque. Tout a bien fonctionné, souligne M. Werren. Tous les services da la banque ont bien travaillé (Back Office, direction des risques, commissaire aux comptes…). Et il faut féliciter la SG d'avoir pris une telle décision : elle a ainsi évité une catastrophe considérable. Elle n'a pas seulement défendu ses propres intérêts, elle a rendu un énorme service à la place financière de Paris. Cependant, 4 années plus tard, elle s'honorerait, estime M. Werren, en dévoilant comment elle a géré la crise des subprimes à son niveau… " pour la bonne cause ". Cela, toutefois, ne s'est pas fait sans dégât humain, reconnaît enfin l'expert : JK, utilisé comme fusible, a payé, et paye encore cher la décision de la banque. JW suggère qu'il sera peut-être possible de compenser ? Et c'est bien la seule remarque un peu décalée qu'aura faite M. Werren au cours de sa prestation. De l'argent ? Contre ce séisme personnel, toute cette épreuve qui n'en finit pas, tant d'années gâchées, pour des erreurs qui auraient dû se solder par un licenciement ?! De l'argent, bien sûr, on ne peut plus rien faire d'autre à présent.
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