Plomelin/Ploveilh - Suite du journal de campagne de Jean-Charles Perazzi.
Alan Stivell, Dan Ar Bras, Nolwenn Leroy ont donc mis le feu à l'Olympia l'autre jour. Pour la plus grande joie des Bretons et… des Bretonnes (vous l'aurez remarqué, en période électorale, le féminin refait systématiquement surface pour ratisser plus large).
Comment dit-on « cocorico » en breton et en gallo ? Un « cocorico » d'autant plus tonitruant qu'ils reviennent de loin ces Bretons et ces Bretonnes. Vous en doutez ?
Comme promis dans la précédente chronique (17 février 2012), des tonnes d'âneries - on peut employer un terme plus cru si l'on veut - ont été balancées durant deux ou trois siècles sur la Bretagne et ses habitants. Et, ne soyons pas naïfs, même si cela nous est souvent reproché, ce n'est pas un nouveau triomphe de la musique bretonne qui arrêtera demain le torrent de boue que jugent bon de faire couler sur nos têtes hommes politiques de tous poils, écrivains, philosophes, artistes, administrateurs, enseignants, décideurs… J'en passe.
(la majuscule s'impose, vous allez comprendre pourquoi).
– Mirabeau monte à la tribune de l'Assemblée Constituante le 9 janvier 1790. Il n'y va pas avec le dos de la bombarde : " Êtes-vous Bretons ? Les Français commandent ".
– Ministre de la Police, Joseph Fouché, dans ses Instructions aux administrations de Bretagne, en rajoute une couche neuf ans plus tard : " Il ne s'agit pas de faire le triage entre des bons et des méchants ; dans ce pays maudit, il ne peut y avoir que des coupables ".
– Au siècle suivant, un certain Auguste Romieu, sous-préfet de Quimperlé, pense avoir trouvé la bonne solution pour calmer les ploucs de l'ouest européen : " Créons, pour l'amélioration de la race bretonne (sic), quelques-unes de ces primes que nous réservons aux chevaux et faisons que le clergé nous seconde en n'accordant la première communion qu'aux seuls enfants parlant le français ".
– Et voilà que le Grand Mérimée (allusion à ses talents de nouvelliste), alors Grand Fonctionnaire (allusion à son importante fonction), y va aussi de son commentaire, à l'occasion d'une tournée d'inspection… des monuments historiques dans les départements bretons en 1835 : " C'est une langue que le diable a inventée qu'on parle là-bas et qui n'a pas moins de quatre dialectes différents ". Bien vu, Prosper !
– Même Victor Hugo, l'immense Victor pour lequel nous pouvons avoir les uns ou les autres une certaine admiration, une certaine affection en rajoutera une couche dans « Lettre à sa femme » (1835) : " Le fait est que les Bretons ne comprennent rien à la Bretagne. Quelle perle et quels pourceaux ! " Merci Victor.
– Enfin (il faut en garder un peu sous le coude pour rigoler « avant que le ciel nous tombe sur la tête » ), un certain Jules Janin, journaliste et écrivain dont le dictionnaire Le Robert nous dit qu'il témoignait dans ses feuilletons " d'un esprit souvent plus brillant que profond ", n'a pas dû connaître les travaux d'Hersart de La Villemarqué. Et, par la suite, et pour cause, de tous les bardes qui, depuis 1844 – date de son ouvrage La Bretagne – chantent haut et fort, avec le talent que l'on sait, la musique celtique et bretonne. Dans son livre, il s'étonne en effet : " A peine si de tous ces dialectes de Bretagne est sortie par hasard une chanson populaire ; et, parmi toutes ces chansons, à peine si l'on en cite une ou deux qui soient restées fidèlement dans la mémoire ".
Gast ha gast ! comme dit souvent l'ami Nono.
Jean-Charles Perazzi