Les associations bretonnes ont, le 18 juin dernier, manifesté devant l'Hôtel de région des Pays de la Loire. ( voir notre article ) et ( voir notre article )
Lors du passage du cortège devant l'Hôtel de région, l'association Bretagne Réunie avait déposé un courrier à l'attention du président de région Jacques Auxiette.
Vous trouverez, ci-dessous et en pièces jointes, la réponse du président de la région Pays de la Loire, puis la lettre ouverte de Bretagne Réunie en date du 15 septembre.
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Région Pays de la Loire
Le Président
[à] Paul Loret
Bretagne réunie
BP 49032
44090 Nantes cedex 1
Nantes le 20 juin 2011
Monsieur le Président
Samedi 18 juin, avec d'autres associations et divers mouvements politiques, vous avez organisé à Nantes une manifestation en faveur du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. À cette occasion, vous m'avez fait remettre un courrier reprochant vivement aux élus régionaux des Pays de la Loire, pêle-mêle, de « falsifier l'histoire » , de « détourner [vos] impôts et taxes » , de « violer la liberté de conscience et de pensée de [vos] enfants » , de mettre en oeuvre une « politique d'assimilation forcée » ; rien que cela.
Comme quelques autres partisans du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, vous ne résistez pas à la tentation de faire l'amalgame sordide qui fait d'une institution républicaine récente (le conseil régional des Pays de la Loire est une collectivité locale de plein droit avec des élus du suffrage universel depuis 1986), la « survivance d'une des périodes les plus troubles et sales de l'Histoire de France » .
Permettez-moi tout d'abord de m'étonner du ton de votre courrier. Si je ne partage pas la cause qui est celle de « Bretagne Réunie » , j'ai toujours considéré que votre association, de manière récente ou précédemment quels que furent vos prédécesseurs à sa présidence, était une association responsable et mesurée, en un mot : éloignée des petits groupes radicaux qui décrédibilisent votre cause.
A cet égard, je déplore les débordements et les incidents qui ont émaillé votre manifestation du18 juin. Je m'étonne, comme d'ailleurs beaucoup de manifestants venus en famille dans une ambiance festive et conviviale, que les groupes les plus radicaux aient pu ouvrir votre cortège, au risque de créer des incidents graves. Au risque aussi de discréditer votre mouvement, ce qui en revanche a, une nouvelle fois, été probablement le cas.
En tant qu'organisateur de la manifestation, vous êtes responsable des dégradations intervenues. Comme systématiquement, le Conseil régional des Pays de la Loire déposera une plainte pour obtenir le remboursement des frais de nettoyage et de réparation que les contribuables locaux n'ont pas à payer.
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Venons-en au fond.
Je considère pour ma part que la question de la place de la culture bretonne en Loire-Atlantique est importante. Elle renvoie à des pratiques culturelles et à des réalités incontestables. Elle est à ce titre totalement prise en compte par le Conseil régional des Pays de la Loire depuis 2006, de deux manières.
100.000 euros par an sont consacrés au développement et à la promotion de la culture bretonne en Loire-Atlantique, comme élément culturel constitutif de la diversité culturelle des Pays de la Loire. La région des Pays de la Loire est membre fondateur de l'Office de la Langue bretonne, qui s'est réuni en ses murs il y a quelques semaines ; elle finance l'lnstitut culturel breton et l'Agence culturelle bretonne (qui appelaient à manifester avec vous le 18 juin), parmi beaucoup d'autres. Toutes ces associations reconnaissent, par convention, l'action de la région des Pays de la Loire en faveur de la culture bretonne en 44. Si vous trouvez que cette situation vous impose de « quémander » quelques subventions, iI est simple d'y remédier…
Les coopérations culturelles entre la région Bretagne et la Loire-Atlantique sont soutenues. En accord avec le Conseil régional, au sein de la « commission mixte » , les coopérations culturelles, mais aussi sportives ou touristiques, ont été renforcées entre la Bretagne et le département.
Ces politiques, engagées depuis 2006 dans le cadre de coopérations renforcées avec la région Bretagne, ont été confirmées en mars 2010 dans la plateforme électorale des élections régionales. Ce point a d'ailleurs contribué au soutien de l'UDB et la liste que je conduisais au second tour des élections régionales, faut-il le rappeler ?
Forts d'une réalité culturelle que personne ne conteste, les partisans d'un rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne voient leur opinion respectée. Ils doivent aussi respecter l'opinion de celles et ceux qui ne partagent ce dessein et croient dans le développement de la région des Pays de la Loire autour de sa capitale Nantes.
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Vous placez le débat, et la polémique, sur le terrain de l'histoire. Je ne peux que vous inciter à la prudence. La question historique est délicate. Pas plus ici qu'ailleurs, elle ne peut souffrir, pour un traitement sérieux, les raccourcis et les amalgames.
Faire des actuels élus de la région des Pays de la Loire les héritiers de Pétain est indigne politiquement, inacceptable idéologiquement, et intolérable sur le plan démocratique.
Alain Croix, historien reconnu et qui affirme que « Nantais, il se sent breton » , a produit une étude remarquable dans la revue Place Publique (juillet-septembre 2008), tentant de répondre à la question : « Nantes est-elle bretonne ? » . « M'insupportent », dit-il, « les donneurs de leçon qui avancent leurs certitudes irréfutables fondées sur l'histoire. L'histoire aide à réfléchir, mais n'apporte jamais de certitude ». Reprenant les faits connus depuis la mort de Nominoé en 851, il raconte l'histoire de la cité ducale, une cité ducale parmi d'autres, pour affirmer qu'au sens moderne du terme « Nantes n'a jamais été la capitale de la Bretagne » . II explique aussi l'histoire du Château des Ducs de Bretagne, l'un des châteaux des ducs, devenu château royal, puis redevenu « des ducs de Bretagne » au 20e siècle.
De nombreux autres éléments, culturels notamment, à défaut de pouvoir être Iinguistiques, plaident en revanche pour une reconnaissance forte du caractère breton de la Ville de Nantes. Les choses sont complexes, qui en douterait.
Mais « est-ce Pétain qui a séparé Nantes de la Bretagne ? » La réponse est sans appel. « Un argument de pure polémique, fondé sur la mauvaise foi et / ou l'ignorance : iI s'agit d'associer l'idée du découpage actuel à un homme, ou un régime, qu'à peu près personne ne défend aujourd'hui, et de bénéficier ainsi de l'effet d'opprobre» . Les faits illustrent le propos : l'évêque de Rennes ignore Nantes en 1859, les régions administratives et économiques de l'entre-deux guerre font une Bretagne à 3 (1919) puis à 4 départements (1938),…
Très concrètement, « l'actuel découpage régional, mis en place en 1956 (... ) et consacré en 1972 est donc l'héritier d'un processus historique long, complexe, et ne peut se réduire à un simple choix du régime de Vichy » .
II est donc souhaitable d'éviter la polémique historique et les amalgames douteux. Les républicains et les démocrates, partisans respectables et respectés d'un rattachement de la Loire-Atlantique, doivent le dire publiquement pour être crédibles, et pour espérer être entendus.
Les amalgames entre les Pays de la Loire et le régime vichyste ne sont pas plus acceptables que ceux entre les associations actuelles que vous représentez et les dérives avérées de certains groupuscules autonomistes durant la seconde guerre mondiale, ou pas plus que le rappel systématique des polémiques nées des noms de certaines écoles Diwan débaptisées aujourd'hui.
Reste la question du débat institutionnel. Habilement – tout ce qui peut affaiblir les régions françaises très majoritairement dirigées pas des élus socialistes est bon à prendre –, Nicolas Sarkozy s'amuse du débat qui nous oppose. Soyons lucides ensemble : la réforme territoriale de 2010 ne permet absolument pas d'apporter une réponse à la question des contours des régions. Pas plus ici qu'ailleurs.
En renvoyant la question à un éventuel référendum régional, le Président de la République a jeté dans la mare un pavé que nous aurions tort de vouloir saisir. Sondage après sondage, il y a eu parfois débat sur l'opinion réelle des citoyens bretons et de Loire-Atlantique face à la perspective du rattachement départemental que vous appelez de vos voeux. En revanche, iI est certain qu'une grande majorité des habitants des Pays de la Loire sont opposés à ce redécoupage territorial.
Renvoyer aux élus locaux la responsabilité de l'organisation d'un référendum est une pirouette dont le chef de l'État a le secret : il ne règle rien, fait semblant de s'occuper des problèmes, et invente un dispositif qui dresse les français [sic] les uns contre les autres. L'hypocrisie de son conseiller, Franck Louvrier, qui siège sur les bancs du Conseil régional, est à cet égard éclairante.
II y a une revendication forte de votre mouvement qui dépend du seul bon vouloir du Gouvernement : la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui impose notamment le « respect de l'aire géographique » de chaque langue, et concerne donc la Loire-Atlantique. L'action du Conseil régional des Pays de la Loire auprès et au sein de l'Office de la langue bretonne, dont les modalités ont été définies en étroite association avec le Conseil régional de Bretagne, mérite sans doute d'être saluée, tout comme l'action gouvernementale peut sans doute être villipendée.
Enfin, et pour revenir à l'opinion, il est une autre évidence, attestée au fil des études : le sujet du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne n'est pas une priorité pour nos concitoyens. II passe loin derrière les préoccupations d'emploi, de santé, d'éducation, de pouvoir d'achat... ou même de coopération inter-régionale renforcée (recherche, enseignement supérieur...).
Conscient de la réalité profonde de nos désaccords concernant l'avenir de nos territoires, je veux, en guise de conclusion, insister sur la nécessité de prolonger nos débats dans un cadre démocratique clair, respectueux des valeurs d'ouverture et des traditions républicaines de l'Ouest de la France.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de mes salutations distinguées.
Jacques Auxiette
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Nantes, le 15 septembre 2011
Monsieur le Président,
Nous vous remercions, Monsieur Jacques Auxiette, président en exercice de la région dite « des Pays de la Loire », pour votre réponse à l'association Bretagne Réunie qui vous interpellait sur les pratiques attentatoires aux libertés induites par l'existence même de votre construction territoriale artificielle.
Votre missive offre l'avantage d'en fixer à jamais les fondations autour du triptyque suivant :
1. Falsification
– De l'Histoire évidemment, puisque nous apprenons une nouvelle fois que l'appartenance bretonne de Nantes serait sujette à caution. Comment rayer mille ans d'histoire et une remarquable continuité humaine, sinon en recourant à l'historien de service qui se fera un devoir de complaire pour affirmer qu'effectivement, il y a toujours matière à douter. Sert-il de vous rappeler que la Bretagne repose sur l'alliance de la Basse-Bretagne (à l'ouest de la Vilaine) et de la Haute-Bretagne (jusqu'à l'est de Nantes). Le département de Loire-Atlantique ne saurait se résumer à Nantes, qui, si elle ne peut être considérée comme la capitale historique de la Bretagne, en fut assurément l'une d'entre elles. Eh oui, la Bretagne a toujours fait dans le multiple, et il y a fort à parier que celle de demain connaîtra deux capitales. Si l'on peut toujours douter de ce qui existe – parfois même au risque de déraper, en assimilant, comme vous l'avez fait en 2009 (1), les Bretons soucieux de voir réunifier leur territoire à de vulgaires colonisateurs de celui-ci – il est bien plus difficile de certifier de l'inexistant !
– Votre région, née de décisions arbitraires, ne repose sur rien, sinon le vent. Et si d'aucuns évoquent l'ascendance vichyste, ils pourraient même remonter un peu plus loin, jusqu'au découpage retenu pour les Kommandanturen allemandes, le fameux décret de Vichy ne faisant jamais que le reprendre…
– Enfin votre région, construction purement administrative, sans lien avec ses habitants (leur histoire et leur identité), sans lien avec son économie (le port du Mans n'est pas Saint-Nazaire mais bien Le Havre...) sans lien avec ses projets de développement (voir l'échec des projets calqués sur les limites administratives des Pays de la Loire pour bénéficier des 35 milliards d'euros du grand emprunt) présente le symbole lissé mais encore vivant des idéologies totalitaires du XXe siècle : construire de nouveaux territoires et de nouvelles identités, afin de créer l'Homme Nouveau. Dans votre région, l'Homme Nouveau serait-il « le Ligérien » tant de fois cité par vos services ?
2. Corruption
Bien sûr. Une région qui ne représente rien ne repose que sur le besoin ou la répartition des prébendes. Les subventions que l'on concède pour se donner l'illusion d'exister et celles que l'on reçoit pour préserver sa culture, au risque de légitimer la région fondée sur la négation de celle-ci. « Maintenir de force ce qui n'est pas en rapport avec le temps déprave le cœur humain au lieu de l'améliorer » soulignait Mme de Staël.
Rassurons-nous ! Ceux qui reçoivent quelques subsides ne vous doivent rien. Ils ne recouvrent jamais que le produit de leurs impôts, jetant leur mouchoir opaque sur l'autorité qui les restitue et dont ils n'ignorent rien de la dimension attentatoire à leurs droits culturels et surtout au premier d'entre eux, celui qui consiste à être respecté dans son identité (2).
3. Le syndrome chinois
Pour rejeter l'aspiration maintes fois exprimée par les habitants de Loire-Atlantique de retrouver l'unité bretonne, vous ne trouvez rien de mieux à dire que « une grande majorité des habitants des Pays de la Loire sont opposés à ce découpage territorial ». Faut-il rappeler à l'éminent sinologue que vous êtes qu'il s'agit du même argument chinois consistant à subordonner les droits des Tibétains au bon vouloir de la majorité des Chinois qui considèrent que le Tibet leur appartient pour l'éternité. Avec le postulat de l'appropriation de populations et des territoires par l'ensemble englobant, c'est sur l'universalisme des droits de l'Homme que vous vous asseyez, Monsieur le Président, et lourdement. Les Bretons, et plus largement tous les démocrates, ne peuvent plus ignorer que des responsables éminents du Parti socialiste – alors qu'une élite a su, par le passé, rompre avec le jacobinisme – s'affichent désormais clairement du côté de l'oppression culturelle et identitaire.
Les Bretons sauront s'en souvenir lors des prochaines échéances électorales…
Enfin l'expression « (…) et croient dans le développement de la région des Pays de la Loire autour de sa capitale Nantes » démontre bien une fois de plus votre idéologie dépassée, jacobine et centralisatrice, avec la construction déséquilibrée d'un territoire autour d'une capitale et non une construction basée sur la coopération et des projets communs de développement. Qu'en pensent les Angevins, les Mayennais, les Sarthois et les Vendéens ?
Il y aurait tellement d'autres choses à dire : qu'une administration régionale protégée par les CRS contre sa propre population, qui la conteste dans son existence même, est dénuée d'avenir ; que ceux qui manifestent se montrent au contraire soucieux des deniers publics, cherchant à se défaire d'une collectivité publique qui dépense sans compter pour affermir dans les esprits une « identité ligérienne » qui ne rime à rien…
Mais fermons-là le ban !
Soyez assurés, Monsieur le Président, de notre ferme et constante volonté de dénoncer sans relâche et de résister à l'aliénation identitaire et culturelle qu'incarne votre belle région, au nom d'une certaine idée de l'Homme et jusqu'à la réunification de notre territoire historique.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, mes salutations bretonnes, françaises et européennes.
Le président de Bretagne Réunie, Paul LORET
1 – Citation de vos propos : « Il s'agit d'une annexion des temps modernes, voire d'une certaine forme de colonisation que je ne peux accepter ».
2 – Les 100.000 € de subventions que vous accordez pour la culture bretonne sont à mettre en rapport :
– avec les 5 millions d'euros que vous avouez en budget de communication – et que votre opposition évalue à 25 millions d'euros en 2009. Cette communication intensive étant faite pour pallier l'absence d'identité de votre région et d'essayer de créer un sentiment d'appartenance régional en gommant les identités locales.
– avec les 2,5 millions d'euros par département que la région Bretagne attribue (soit 10 M € au total), alors que la densité des associations bretonnes est la plus forte en Loire-Atlantique. Les habitants de Loire-Atlantique, du fait de l'amputation de la Bretagne, subissent donc clairement une discrimination par rapport aux autres Bretons dans la prise en compte de leur diversité culturelle.
Cette gabegie financière pour créer « l'Homme Nouveau » nous semble des plus irresponsables aujourd'hui, du fait que beaucoup de nos concitoyens sombrent dans la précarité, la pauvreté et la marginalisation.
L'urgence devrait nous obliger à être pragmatiques – d'autant plus que, selon le sondage de mars 2009 réalisé à l'attention du gouvernement, 68 % de la population de Loire-Atlantique est favorable à la Réunification et que, par conséquent, vos diverses propagandes sont vaines : les habitants de Loire-Atlantique se sentent toujours Bretons !
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De Bretagne Réunie : Après le révisionnisme historique, le mensonge ?
Toujours dans l’esprit de transparence nous vous livrons le message que nous a transmis monsieur Damien Perrotin, candidat UDB au premier tour de l’élection régionale de 2010 (voir PDF 3) a écrit à Bretagne Réunie au sujet de l’affirmation de Jacques Auxiette en caractères gras dans sa lettre du 20 juin (dans la partie 2) :
« Ces politiques, engagées depuis 2006 dans Ie cadre de coopérations renforcées avec la région Bretagne, ont été confirmées en mars 2010 dans la plateforme électorale des élections régionales. Ce point a d'ailleurs contribué au soutien de I’UDB à la liste que je conduisais au second tour des élections régionales, faut-il le rappeler ?
Mensonge ? Tromperie ? Manipulation ? À chacun son qualificatif.
Mais quelle crédibilité peut-on donner dorénavant aux écrits du président de la région des Pays de la Loire ?
Pour Bretagne Réunie, Paul Loret