La chanteuse Nolwenn Leroy, avec son album Bretonne vendu à 500.000 exemplaires, a atteint la plus grosse vente bretonne depuis Olympia d'Alan Stivell en 1970. Apparemment cela ne plaît pas à tout le monde. Non seulement il y a en France cette vieille tradition fourchue et séculaire qui dit que celui qui réussit est vendu au Capital mais cette tradition est d'autant plus tenace quand elle s'applique aux indigènes non franciliens. Oui bien sûr on honore Aimé Césaire... mais après sa mort, et, de plus, il écrivait du bon français, pas du "baragouin" de Spezet ou même du créole, ce "français bâtard"...
De toute évidence il reste, au coeur de cette culture française, un groupe d'activistes comprenant des académiciens, des politiques et des journalistes, que l'on pourrait caractériser de "suprémacistes". Leur credo depuis Michelet se résume à ceci : "Tout ce qui n'est pas de culture et de langue françaises est mauvais et doit être détruit".
Le journaliste Fabrice Pliskin du Nouvel Observateur n'a pu s'empêcher de pondre un ramassis de niaiseries où se mêlent caricatures anti-bretonnes, procès d'intentions et attaques personnelles contre Nolwenn Leroy. Les diffamations portent même sur des choses dont elle a hérité, son prénom "avec son prénom de sainte décapitée" et son patronyme "cette Finistérienne au nom si peu républicain "...On croirait un réquisitoire du comité du Salut Public de la ville de Paris en 1793.
Plus insidieux, mais montrant que c'est la Bretagne qui est visée à travers Nolwenn Leroy, Pliskin a cherché sur google quelques citations malheureuses d'Ernest Renan, histoire de se couvrir – c'est pas moi qui le dis mais un des vôtres ! S'il cherche des citations plus franchouillardes, ABP lui recommande son bêtisier auquel nous venons d'y ajouter les siennes. (voir le site)
Il faudra bien commencer à admettre qu'il existe à Paris un anticeltisme ouvert aussi puissant qu'un antisémitisme rampant. Il sévit impunément, presque de bon ton, alors que toute autre communauté, quand elle est attaquée, attire la foudre de la Ligue des droits de l'homme ou de la LICRA.
Dans votre numéro 2418 principalement consacré à Marine Le Pen et à la montée en puissance sur la scène politique française du Front National, la rubrique "Art-Spectacle" page 188, a pour sujet mon dernier album intitulé "Bretonne".
Or, loin de se limiter à critiquer cet album, ce que tout journaliste est naturellement en droit de faire, l'auteur de cette page établit insidieusement une corrélation entre le succès de cet album et la montée dans les sondages du front national.
Il m'est clairement imputé d'avoir opportunément pris le parti du régionalisme au moment où la majorité des Français redoutent la mondialisation.
À titre d'exemple, l'auteur de l'article prétend que si mon album a pour pochette une photo me représentant à l'âge de cinq ans en Bigouden, c'est pour garantir au public la réalité de mes origines... et immédiatement, ce journaliste oppose ma coiffe Bretonne au voile de la chanteuse Diam's.
Il n'hésite pas non plus à en faire une affaire de couleur en m'opposant des artistes comme Yannick Noah et Booba.
Je suis extrêmement choquée par ce procès d'intention que je trouve indigne.
Comme j'estime douteux et déplacé l'emploi pour me décrire des termes :
– " preuve génétique de sa Bretonnante traçabilité "
– " droite dans ses sabots, ivre de cadastre, d'ancrage et de toponymie "
– " affichant un pedigree de la vieille roche "
– " premier robot de fabrication 100 % Bretonne "
J'ai choisi de réaliser cet album sans aucune arrière pensée.
Mon attachement pour la Bretagne, sa culture et ceux qui y vivent est réel et sincère.
Il serait aisé, en parcourant certaines interviews que j'ai pu accorder par le passé, de le vérifier.
Prétendre également que sous couvert d'une démarche artistique, j'aurais imaginé cet album comme un "coup financier" :
– "Nolwenn Leroy spécule, Bolloré, Pinault et Leclerc".
Cela relève clairement de l'intention de me nuire d'autant que je ne suis l'égérie d'aucune marque appartenant à ces groupes financiers.
Mon album est diffusé chez Leclerc comme celui de n'importe quel autre artiste et je n'ai rien à voir, ni de près ni de loin, avec les noms précités.
Mon projet n'a jamais été de mettre en avant mes origines et de m'inscrire ainsi dans une mouvance protectionniste où seuls sont encensés ceux qui peuvent se targuer d'un droit du sol.
Affirmer qu'il en serait ainsi relève de la malveillance.
Je tenais à faire savoir à quel point cet article m'a choquée et mise en colère d'autant qu'il touche également ma famille dont il donne une image qui ne reflète en rien la réalité en usant d'un jeu de mot pour le moins usé... On peut s'appeler "Leroy" et ne pas être issue de la haute noblesse de Bretagne ou d'ailleurs...
– " cette Finistérienne au nom si peu républicain "
– " garantie née coiffée "
– " la nouvelle Duchesse de Bretagne "
Il paraît évident que pour l'auteur de cet article, la notion de généalogie a une importance certaine.
Je tiens donc à sa disposition mon "pedigree" : famille d'ouvriers et d'instituteurs, socialistes et athées, dans la droite ligne de Ferry et Jaurès.
Cet article m'a également surprise par son ton d'incitation à la haine alors que nous vivons une époque où plus que jamais il est nécessaire de faire des différences un enrichissement.
Que penser en effet d'un propos qui sous-tend sans équivoque que les Bretons seraient un peuple conservateur et fanatique alors qu'il en va dans la réalité du contraire, l'immense majorité d'entre eux étant tolérants, ouverts au monde extérieur, un peuple de marins, de voyageurs...
Il est utile de souligner que la phrase citée dans l'article "Qui voit Ouessant voit son sang" a été écrite par Christophe Miossec qui n'est pas particulièrement connu pour professer des idées fascistes, bien au contraire...
Je ne m'attendais pas à trouver pareille déloyauté intellectuelle et perfidie gratuite dans les pages du Nouvel Observateur.
__Nolwenn Leroy
Philippe Argouarch