Jean-Michel Le Boulanger, dans son intervention hier à l'université de Bretagne Sud à Lorient lors du colloque sur l'Interceltisme, a fait remarquer qu'un Breton de Quimper savait plus ce qui se passait dans la bande de Gaza, souvent minute par minute, que ce qui se passait à Landerneau. ABP remplit ce vide. On essaye de faire en sorte qu'un Brestois puisse savoir ce qui se passe à Rennes, qu'un Rennais puisse savoir ce qui se passe à Nantes, et qu'un Nantais puisse savoir ce qui se passe à Brest.
Si l'information, comme l'économie, est devenue planétaire, elle a dans la foulée oublié, non pas la dimension locale mais, du moins en France, son aspect régional, un territoire qui définit une communauté d'intérêts culturels, économiques, un passé et un futur communs, mais au delà de l'intérêt de l'État-nation que le journal papier avait d'ailleurs si bien servi. Nous ne reviendrons pas sur les motivations politiques du pouvoir central qui l'a poussé à volontairement éclipser, voire à enrayer le développement de véritables médias régionaux, on se contentera ici de réaffirmer que l'internet a tout changé et rendu l'Agence Bretagne Presse possible. Rappelons quand même que ni Ouest France, ni Le Télégramme ne sont des quotidiens régionaux. C'est un abus de langage, une supercherie en fait, car ils n'épousent même pas les limites administratives de la région, encore moins, comme le fait ABP, la Bretagne historique. Quant à une télévision régionale, depuis le virage de TV Breizh vers une chaîne généraliste, il n'y a plus aucun espoir sauf au niveau de l'Internet. ABP salue à cette occasion l'effort de Breizhoweb pour devenir une chaîne régionale en breton à part entière et pure player (c'est-à-dire uniquement internet).
Le 13 octobre 2003, il y a 7 ans jour pour jour, je lançais l'ABP après avoir quitté mon job à l'International Herald Tribune à Paris où j'avais eu la chance d'être le responsable technique du site web et donc de commencer à comprendre la mécanique interne des médias. L'Agence Bretagne Presse avait en fait commencé un peu plus tôt comme une rubrique du site web bretons.org qui était le site des Bretons de Californie, une association dont j'étais alors le président (je travaillais alors à l'université de Stanford). La rubrique était alimentée par quelques associations bretonnes qui avaient du mal à se faire entendre, comme la Coordination Anti-Répressive de Bretagne (CARB). Ces gens nous envoyaient des communiqués et on les passait. Il avait fallu nommer la rubrique et j'avais choisi "Agence Bretagne Presse" par dérision envers l'AFP qui elle, ne passait pas ces communiqués.
C'est désormais écrit sur le fronton de notre site mais sans remplacer l'autre slogan que nous avions avant "L'actualité qui compte pour la Bretagne". Les deux vont ensemble car ce qui compte a toujours un coût. Si aujourd'hui tout le monde peut créer son blog, et donc un média, en 5 minutes, l'alimenter de contenus de qualité est une autre paire de manche. Contrairement à ce que j'écrivais il y a sept ans dans le premier article, ( voir notre article ), il y a un coût et il y aura toujours un coût dans la production de l'actualité et de l'information, même si cette production devient de plus en plus participative et citoyenne. Même si sur internet on ne doit pas abattre des arbres pour faire du papier. Sur internet comme pour le papier, le prix du contenu de qualité reste le même. Papier ou pas, on ne peut pas faire une enquête approfondie, l'écrire et la vérifier en 5 minutes, même avec Google. Même si Google a révolutionné la façon d'enquêter en même temps que l'internet a révolutionné la façon dont cette enquête ou ce reportage est diffusé.
Nous dépendons de vous tant que les nouveaux médias n'auront pas de "business model" viable. Quand ABP n'a plus de fonds, il y a moins de contenu intéressant. Quand ABP est à sec, on se contente de l'apport militant et des communiqués des assos. On survit certes, et dans le monde des médias, survivre c'est déjà gagner, mais je suis sûr que les lecteurs se désintéresseraient d'ABP rapidement si ces périodes de téléthon ou de vaches maigres devaient durer ou se répéter trop souvent.
On aurait pu disparaître vu que les lois anti-diffamatoires en France sont les plus strictes de toutes les démocraties occidentales. En 7 ans, nous avons eu un seul procès en diffamation. Les petits médias étant à la merci de ces lois, nous avons été fanatiques au sujet de l'homophobie, de la xénophobie et du sexisme. Désolé, notre survie en tant que média passe avant votre liberté d'expression, même sous forme de commentaires. Ceci étant dit, même si on respecte les lois françaises, nos serveurs sont au Texas, protégés par le premier amendement. On n'est pas à l'abri d'une loi scélérate en France, même si c'est peu probable.
Il y a quelque temps je croisais une équipe de France 3 en tournage avec 3 énormes caméras sur l'épaule. "C'est vrai que ça coûte 15.000 euros pièce ?", demandais-je naïvement. La réponse : "Non 50.000 !". C'est beaucoup quand aujourd'hui on peut faire de la télévision internet avec une caméra à 300 euros. Dès que quelqu'un trouvera le moyen de synchroniser facilement 3 caméras bon marché sans investir 10.000 euros, on pourra aussi faire du montage de qualité avec prises de vue multiples et égaler ce qui se fait sur la télévision traditionnelle. On n'en est pas loin. Le monopole de France télévision et des grandes chaines est en train de s'écrouler et c'est tant mieux.
En 2008 ABP a eu aussi une webtv, une petite soeur, ABP-TV qui regroupe déjà 650 vidéos. ABP-TV, j'en suis persuadé, a un futur radieux, même sans être conventionnée comme vient de l'être Brezhoweb.
Cet été nous avons aussi installé un système de carrousels qui se met en place automatiquement dès que plus de 3 photos sont envoyées avec un article. L'agenda est aussi actualisé chaque jour pour remettre en avant les événements du soir sur la page d'accueil ainsi que dans la newsletter de 19 heures. Le site a été relooké, le rédacteur en chef virtuel fignolé ( voir notre article ), et la distribution de tous les articles passe maintenant sur facebook où le nombre de nos amis ne cesse de croître. Aujourd'hui, beaucoup de Bretons nous découvrent grâce à facebook.
Merci à tous nos lecteurs et à votre soutien et merci à tous nos contributeurs et journalistes !
Philippe Argouarch