2008 : année de toutes les peurs à dépasser
La peur a toujours été utilisée par le pouvoir, tant pour naître que pour se maintenir. Elle valide l'État. La nation abrite sous un même toit toutes ces peurs partagées, amplifiées. Les gens ont peur de tout : celui qui a un emploi a peur de le perdre, celui qui a des privilèges les sent menacés, celui qui a une petite boutique craint la libéralisation de la concurrence, celui qui s'attache au mythe de la bonne nature craint pour son environnement...
Il faut nommer la peur, la personnifier, lui assigner un responsable, un auteur. Ce sera l'autre. L'employé a peur du travailleur étranger ; le privilégié craint la populace ; le petit commerçant a peur des grands groupes de distribution ; l'écologiste dénonce les prolétaires irresponsables, indigènes comme étrangers, qui achètent des petites voitures et des produits discount. Chevènement a peur des sauvageons, Sarkozy de la racaille...
La démonisation de l'autre porte ses fruits amers. Pour dissiper la menace, le faible aura besoin d'un fort. Il se choisira un chef. Et c'est de cette façon que la démocratie pervertie conduit au stalinisme.
Cette superstition parlementaire et ce fétichisme du vote, bien que présentés comme tels, ne peuvent tenir lieu de démocratie.
La démocratie d'émancipation se moque des grandes soirées électorales qui n'ont pour objectif que de valider un système de conservation d'une esclavocratie bien réelle : aux esclaves de se choisir un maître, mais surtout pas de s'affranchir.
À cette politique-fiction, nous entendons opposer la politique réelle, faite du quotidien de la décision citoyenne.
Dans les sociétés qui nous ont précédés la figure du chef était déjà contestée. Il est ainsi des sociétés huronnes et iroquoises. Le pouvoir était structuré et limité par des surveillants de chefs, conseils de village et assemblées générales investis d'un pouvoir exécutif. Le chef est soumis au contrôle social. Jean-Marie Therrien, dans Parole et pouvoir. Figure du chef amérindien en Nouvelle-France, éditions de l'Hexagone, 1986, indique que les discours que le chef prononce doivent toujours représenter la société ou les individus menacés, puisque la société amérindienne utilise l'éloquence de ses chefs, elle situe hors d'eux l'objet de leur discours.
Nos élus auraient beaucoup à apprendre de la sagesse de ces sociétés et y gagneraient en humilité. À l'évidence, ils ne souhaiteraient plus être élus, ce qu'ils recherchent étant ailleurs.
Certes, la liberté, beaucoup d'hommes n'en veulent pas. Il est tellement plus facile de se mettre sous l'ombre d'un chef que de construire péniblement et difficilement sa propre vie. Il est plus simple de déposer un vote de démission dans une urne, après avoir écouté un hâbleur en costume trois-pièces qui a dit qu'il s'occupera de tout.
Les fédéralistes ne sont sans doute pas plus nombreux que les résistants qui se sont opposés à l'occupation allemande. Mais demain on dira que les Français ont changé de régime comme aujourd'hui on fait l'amalgame entre les serviteurs peureux de l'occupant et la toute petite minorité qui a fait changer le cours des choses.
L'impossible d'aujourd'hui sera la norme de demain
Car nul doute qu'il va falloir abandonner nos peurs et construire nos unions et associations, imaginer des corps intermédiaires, conjuguer nos libertés et nous émanciper en dehors du vote dont on sait définitivement qu'il ne faut plus rien en espérer.
Entrons en 2008 en sortant de Louxor sans regret ni amertume : « Plus un gouvernement est injuste et plus les grands sont insolents et fastueux ; ils se vengent sur le pauvre des avanies qu'ils essuient souvent eux-mêmes ; ils masquent leur esclavage et leur petitesse réelle sous le vain appareil de la magnificence. Une cour brillante annonce toujours une nation misérable et des grands qui se ruinent pour ne le point paraître » . Holbach.
Le 26 décembre 2007
Jean-Yves QUIGUER
Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne