Objet : Mobilisation contre le projet de réforme territoriale
Madame, Monsieur le Maire,
De nombreux élus locaux estiment que notre système institutionnel est trop complexe, peu lisible pour le citoyen et qu'il est très centralisé au regard de celui en vigueur dans les autres démocraties européennes. Depuis 1964, l'Union démocratique bretonne (UDB) milite pour une évolution institutionnelle qui permette aux Bretons de prendre part plus largement à la construction du projet de société de leur région.
Nicolas Sarkozy a engagé un projet de réforme territoriale qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale le 8 juin dernier. De notre point de vue, ce projet est une régression de la démocratie, il ne simplifie en rien le « mille-feuilles », mais remet en cause l'idée même de décentralisation. Le texte n'a d'ailleurs recueilli que 276 voix contre 240, plus de 30 députés de l'UMP ayant refusé de voter, traduisant ainsi un réel malaise.
Cette réforme prévoit la suppression de la clause de compétence générale pour les conseils régionaux et généraux au risque de transformer les nouvelles assemblées en chambres d'enregistrement de décisions prises à Paris. Les 191 conseillers territoriaux de Bretagne administrative bretons prévus (pour lesquels il faudra construire un nouvel hémicycle!), élus sur une base cantonale – ce qui contredit la notion même de région, au scrutin uninominal (donc au détriment de la représentation féminine), n'auront guère de poids face à un État qui veut tout contrôler mais dont on sait qu'il n'exerce plus ses missions de redistribution des richesses et d'accès pour tous aux services publics. De plus, l'évolution de la taxe professionnelle augmente fortement la dépendance financière de la Région Bretagne vis-à-vis des dotations de l'État. L'autonomie fiscale de la Région, aujourd'hui proche de 50 %, sera réduite à 10 %.
Les communes sont évidemment aussi concernées. Si le projet de loi prévoit de leur laisser la clause de compétence générale, elles pourront moins compter sur les cofinancements pour leurs investissements locaux du fait de la fragilité budgétaire des conseils régionaux et généraux qui, déjà, sont contraints de réduire leurs aides.
Par ailleurs, l'un des aspects les plus inquiétants de la réforme est la création de métropoles. En guise de simplification, on crée un échelon supplémentaire et des « enclaves » au sein des régions. Ces métropoles disposeront de compétences élargies et de budgets renforcés réduisant ou annihilant le rôle régulateur et redistributeur des conseils régionaux. En Bretagne, le risque est grand de voir Nantes et Rennes concentrer encore plus le développement au détriment des petites et moyennes communes, accentuant ainsi la fracture territoriale entre l'est et l'ouest, l'armor et l'argoat, le continent et les îles. Il faut en effet rappeler que le budget de la Région Bretagne (1,1 milliard d'euros), toujours amputée de la Loire-Atlantique, dépasse à peine les budgets cumulés de la Ville de Rennes et de sa communauté d'agglomération.
Pour l'UDB, la « métropolisation » est un réel danger pour le polycentrisme breton, ce maillage de villes moyennes et organisation en pays. C'est en ce sens qu'une de nos élues s'est opposée au vœu de Rennes métropole visant à élargir le périmètre de l'agglomération pour franchir le seuil des 450.000 habitants permettant de prétendre à ce nouveau statut.
De même, alors que la carte de l'intercommunalité est pratiquement achevée en Bretagne, l'UDB refuse que les limites administratives soient modifiées arbitrairement sans l'avis des populations concernées et sans projet cohérent pour les territoires.
C'est pourquoi nous proposons un projet alternatif appelé « autonomie régionale » dans le cadre d'une République rénovée et régionalisée. À titre d'exemple, l'Écosse, qui dispose d'un tel statut et d'un budget de 32 milliards d'euros, est devenue en quelques années, le leader mondial des énergies marines.
Cette réforme territoriale qui pourrait être adoptée dans les prochaines semaines (l'examen en seconde lecture au Sénat doit commencer le 28 juin) est dénoncée très au-delà du clivage droite-gauche. Nous savons que les questions institutionnelles sont difficiles à appréhender pour les citoyens, mais cette réforme des collectivités territoriales risque d'avoir des conséquences désastreuses sur leur quotidien. Face à la menace sur les libertés locales que représente ce projet, l'union de tous les élus défenseurs de la démocratie locale, soucieux du développement équilibré du territoire breton, est nécessaire.
Nous espérons donc, Madame, Monsieur le Maire pouvoir compter sur votre implication dans cette lutte pour la « démocratie d'en-bas » en interpellant les parlementaires.
Recevez nos salutations bretonnes les plus sincères.
Pour l'Union démocratique bretonne, la porte-parole, Mona Bras
(voir le site) de l'UDB pour consulter le courrier