C'est le dimanche de la Trinité que se déroule le pardon de Saint Egarec à Lesneven.
Cette année, il eut donc lieu en prolongement de la fête du Bro Gozh, terminée en apothéose, pour 2010, par le concert des chorales bretonnes la veille, dans l'église de Lesneven.
La plus jeune chapelle de Bretagne
Ne croyez pas qu'elle date de ces dernières années... Elle a été construite avant-guerre, et en granit massif, non en béton, comme certains le regrettent pour tant d'églises de l'après-guerre.
La chapelle Saint Egarec, non loin du bourg, sur la route de Brignogan, est « la plus jeune chapelle de Bretagne » selon Adrien Abernot, originaire du Drennec, président de l'Association « Les Amis de Saint Egarec » créée en 1977 pour restaurer la chapelle, alors en piteux état. L'association ne comprend qu'une quinzaine de membres et Adrien Abernot aimerait bien la voir s'étoffer. Appel est lancé...
Construite en 1936 grâce au chanoine Hervé Calvez (1), inaugurée l'année suivante, la chapelle remplaça l'ancien oratoire de Saint Egarec dont il ne restait pratiquement rien – un toit de chaume en ruines et la statue de Saint Egarec en bois polychrome, maintenant au dessus du choeur.
« Les travaux commencèrent en 1977 » raconte Adrien Abernot. « Les vitraux étaient détruits, les chenaux de même, la chapelle prenait eau de toutes parts. Ce furent de gros travaux pris en charge par la municipalité. Les statues avaient été données à la commune en 1936, celle de Saint Egarec, de l'ancien oratoire, les autres provenant de l'ancienne église Saint Louis de Brest, mises ainsi providentiellement à l'abri avant les bombardements. Les vitraux ont été restaurés par l'atelier Le Bihan de Kemper. En 2010 nous devrions voir la fin des travaux» (2).
La messe
Ce jour-là, pas de messe à l'église de Lesneven. On rapporta que quelques personnes attendaient dépitées, devant l'église fermée... La messe, dite par Christophe Prigent, curé de l'ensemble paroissial Lesneven-Le Folgoët, eut lieu dans deux tentes installées sur l'herbe du placître de la chapelle, dans son prolongement, car, non seulement elle est la plus jeune de Bretagne, mais aussi une des plus petites (environ 25 m sur 10), trop petite pour l'assistance de ce jour de pardon – un pardon à l'échelle humaine, comme le précisa à ABP Claude Le Menn adjoint à la Culture de Lesneven, présent au pardon comme Yann Jestin, adjoint au maire de Lesneven et président d'Askol, l'association des Élus bretons pour la Démocratie. Un stand de loterie, une buvette, une tente pour le café complètent l'installation du pardon. Pas de crêpes car pas d'électricité pour les pilligs... Un fil trop long depuis la chapelle, occasionnerait des pertes en ligne...
Saint Egarec est invoqué pour les maladies des oreilles et la surdité, comme le précisa M. le curé au cours de son sermon. Il déclara aussi « Nous connaissons la devise de la Bretagne “Plutôt la mort que la souillure”, la devise de la France “Liberté, Égalité, Fraternité”, mais connaissions-nous celle de l'Europe ? “L'Unité dans la diversité”. C'est une belle devise qui peut nous aider à entrer sur un chemin privilégié. Nous fêterons cette année les 65 ans depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Les SS avaient, gravée sur leurs ceinturons la devise “Gott mit Uns”. Ils croyaient en Dieu, mais un dieu qu'ils s'étaient fabriqué... »
Deux sonneurs du Bagad Bro Even, Gilbert Balcou à la cornemuse et Luc Le Menn à la bombarde, soulignèrent la messe de notes bretonnes et celtiques, avec Amazing Grace, puis un cantique, et à la sortie le Bro Gozh Ma Zadoù qu'ils jouèrent ensuite de nouveau, avec plaisir et bonne volonté devant le camion-buvette, à la demande des clients.
Les échanges avec une famille bretonnante de Lesneven
Beaucoup de bretonnants et bretonnantes au pardon, qui rassembla presque 150 personnes. Un couple de Lesneven (3), qui a l'habitude d'héberger des stagiaires pour des stages de breton (4) organisés localement par Hervé Lossec (5), Ploudanielien de Lesneven, raconte avec un plaisir évident, en offrant café et gâteaux à ABP, comment il contribue activement aux stages, par exemple en recherchant, pour la visite en breton de leur jardin, le nom breton de leurs fleurs et légumes... Il apprécie énormément toutes les pièces de Strollad ar Vro Bagan, admire Goulc'han Kervella, son créateur, fondateur en outre du musée des goémoniers de Plougerne. Bientôt ils durent partir pour être à temps à la présentation par Goulc'han Kervella, au Folgoët, du prochain spectacle de sa troupe. ABP devant rentrer à Nantes, a dû décliner l'offre de déjeuner chez eux. L'accueil tout au long des trois derniers jours de la fête du Bro Gozh a été magnifique et généreux. Ce dernier contact si riche et chaleureux avec des gens de Lesneven en est la preuve.
Il y a une vraie fierté de la langue bretonne et une grande solidarité pour la transmettre, dans ce coin du Léon.
(1) Le chanoine Hervé Calvez, auteur de Les Grands saints bretons. Grenoble, Arthaud, 1936, fut le curé et historien de Lesneven.
(2) Les vitraux : 6 paires, signés Mauméjean Frères – Paris – Hendaye. L'atelier Jean-Pierre Le Bihan de Kemper est une entreprise artisanale fondée en 1791 : (voir le site)
(3) Lesneven a signé la charte Ya d'ar brezhoneg en 2007. La même année, 20,4 % des enfants de la commune étaient inscrits dans les classes primaires bilingues. Il y a une filière bilingue de la sixième à la terminale au Collège-Lycée Saint-François - Notre-Dame de la ville. Elle est jumelée avec Carmarthen au Pays de Galles depuis 1982.
(4) Chaque printemps et chaque été depuis 2004, Ti ar Vro Bro Leon organise un stage de breton B & B : « Bevañ e Brezhoneg », Vivre en breton – mais également, jeu de mot sur « Bod ha Boued », Bed and Breakfast – en immersion dans des familles bretonnantes du pays.
(5) Hervé Lossec, président de Ti Ar Vro Bro Leon (voir le site) en breton et (voir le site) en français, est bien connu du côté de Lesneven pour l’animation des veillées en breton. Il a signé plusieurs articles sur les bretonismes dans la revue Ar Men. Il est aussi écrivain, tant en langue bretonne qu’en français. Les éditions Emgleo Breiz de Brest le publient en breton, dans leur orthographe non unifiée, qui n'est pas celle de l'enseignement contemporain du breton, mais comme nous l'a fait remarquer Hervé Lossec dans un commentaire ci-dessous : « Je n'écris qu'en breton “peurunvan” » .
Maryvonne Cadiou. Naoned/Nantes