- Lettre ouverte -
Le Vignoble Nantais dilué dans le Val de Loire, c'est un Vignoble qu'on assassine
Ce qui a fait la richesse des Vignerons nantais et de ses Maisons de Négoce est cette capacité à exporter vers la Grande-Bretagne, l'Irlande, les Pays-Bas, la Belgique et les Pays Scandinaves. L'estime de ces pays pour nos vins était autant liée à l'image positive de la Bretagne, pays celte qu'à son identité de vin marin lié à l'Océan.
Par Alan Coraud pour Coraud le 5/08/09 13:05

Alan Coraud Domaine Viticole Moulin de Sainte Catherine

44430 La Remaudière

Groupe Rennes cedex 2

Réf

Le 5 08 2009

Madame,

Interloire par l’intermédiaire de votre société de recouvrement exige de ma part le règlement de cotisations.

La stratégie mise en place par cet organisme est dans la continuité d’une action globale engagée il y a 15 ans et qui progressivement retire au Vignoble Nantais, à ses vins et principalement à ses Muscadet, toute son identité qui s’est forgée au long des générations et qui s’appuie sur 1200 ans d’Histoire. Notre appartenance en tant que Nantais à la Bretagne depuis 12 siècles représente un cas à part en Europe par cette très longue stabilité géopolitique.

Ce qui a fait la richesse des Vignerons nantais et de ses Maisons de Négoce est cette capacité à exporter vers la Grande-Bretagne, l'Irlande, les Pays-Bas, la Belgique et les Pays Scandinaves. L'estime de ces pays pour nos vins était autant liée à l'image positive de la Bretagne, pays celte qu'à son identité de vin marin lié à l'Océan.

The Celtic wine of Brittany (Vin celte de Bretagne) par delà l'Europe, cible un marché potentiel de 140 millions de Celtes dans le Monde. Je ne peux développer davantage ces arguments dans ce courrier mais toute étude sérieuse montrerait que l'acte d'achat lié à un sentiment d'appartenance est très fort et que l'image bretonne et celte a contribué à notre réussite.

Les effets de ce déracinement identitaire sont dramatiques. Le Val de Loire, berceau des rois de France a une Histoire et une délimitation géographique bien définies et il est pertinent que les Vignobles concernés jouent cette carte en s'appuyant sur la reconnaissance par l'Unesco de ce « patrimoine de l'Humanité » .

Il en est tout autrement pour le Vignoble nantais, qui fait partie du Pays nantais, une des 9 régions de Bretagne comme les 9 bandes noires et blanches du drapeau breton.


Le Bourgogne accepterait-il de devenir « Vin du Centre » , l'Alsace « Vins du Rhin » ? Certes pas, on ne casse pas une image et une identité liées à des siècles d'Histoire. En Vignoble Nantais il faudra bien qu'un jour les responsables de cet immense gâchis rendent des comptes. Cette stratégie nous a conduit tour à tour à des campagnes de pub suicidaires sur le vin de guinguette, le canotier d'une culture musette étrangère à notre région, nous a entrainés dans les bas fonds du plus bas de gamme imaginable, nous a déraciné nos Vignobles d'Atlantique pour en faire des Vignobles continentaux d'une région étrangère et non moins respectable, mais n'ayant absolument rien à voir ni avec le Massif Armoricain, ni avec le climat océanique iodé, ni avec le sol acidulé composé de gneiss, granit, mica-schiste et encore moins avec une Bretagne millénaire, une des plus fortes identités d'Europe avec l’Écosse, l'Alsace, le Pays Basque, la Catalogne…

Quel gâchis impardonnable quand on voit l'affligeant spectacle de ces belles propriétés viticoles en grande difficulté, ces belles maisons de négoce disparues, ces Vignerons Nantais passionnés créant des vins d'exception obligés de se reconvertir…

La collusion entre des responsables professionnels et politiques qui ont cassé, « tué » tout ce qui est breton voire même nantais en Loire-Atlantique a comme résultat cette « morne plaine de désolation » comme le titrait une entreprise belge.

La réussite de « Produit en Bretagne", ses 210 entreprises et ses 100.000 emplois devrait éclairer l'esprit rendu confus de beaucoup trop de gens de ce Pays.. Il est temps que l'on cesse de nous mentir et cela depuis l'école sur qui nous sommes. Si nous ne savons plus d'où l'on vient, on ne saura pas où l'on va. Nous subissons une véritable lobotomie et comme des zombis certains acceptent de se ridiculiser dans une identité de substitution, ligériens, pourquoi pas bonariens, ouestitis ou centre-atlantiquais comme de sombres esprits avaient voulu nous en affubler il y a quelques temps en voulant créer un espace géographique Centre Atlantique ? Tout et n'importe quoi, n'est-ce pas, pourvu que « vous oubliez d'être Bretons » ?

Interloire est donc impliqué dans cette stratégie globale de négation de notre bretonitude mais comme les anciens esclaves de la négritude nous relevons fièrement la tête et à l'image d'Aimé Césaire, nous disons que l'Homme, comme toutes les espèces végétales et animales du Monde, doit être respecté. La violence qui nous est faite est de la responsabilité politique de l’État. Si celui-ci cautionne ces atteintes à la démocratie il aura à en assumer les conséquences. Si une Bretagne divisée dans son territoire, affaiblie, est dans sa volonté, qu'il ait le courage de le reconnaître. Quant à nous, habitants du Pays Nantais, ayons conscience que notre déracinement est préjudiciable à notre économie. D'autres que moi ont démontré la corrélation positive entre identité et économie.


Vous comprendrez donc que je vous présente un refus ferme à ces règlements. Je refuse de cautionner cette stratégie de mort comme il y a 15 ans déjà lorsque j'écrivais au sujet de « la faillite programmée du Muscadet » en dénonçant les agissements de certains qui sabotaient des décennies de réussite.

Comme disait Monsieur Verlynde, ancien maire de La Haye-Fouassière, l'Anjou et le Muscadet sont tous deux de très bons vins mais ils ne se boivent pas dans le même verre. Belle image qui voulait dire : ils sont trop différents pour être réunis.

Je vous remercie de transmettre ce courrier à votre client InterLoire et vous prie d'agréer, Madame, mes meilleures salutations.


Alan CORAUD

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