C'est la question que s'est posée la Chambre Régionale d'Agriculture de Bretagne lors d'une conférence de presse à la Maison de l'Agriculture aujourd'hui à Rennes.
Avec 1/3 des emplois et 1/3 des revenus en région Bretagne, les agriculteurs et le secteur agro-alimentaire de la région sont inquiets. La part de la Bretagne des 10 milliards de la PAC alloués à la France se réduit au fil des ans.
Dès 1992, l'Europe a renoncé à réguler les marchés agricoles et suit les directives de l'OMC. Entre 1992 et 2003, les prix agricoles ont suivi les cours mondiaux avec des compensations sur certains produits. Depuis 2003, cette politique agricole commune, ou PAC, a été découplée : c'est-à-dire qu'il n'y a plus de liens entre les productions et les aides. En 2008 le découplage s'est accentué et la distribution a été renégociée. La suppression des quotas laitiers est prévue pour 2015. La PAC est en perte de vitesse.
Les revenus agricoles en France sont de 20 milliards d'euros et l'aide de la PAC de 10 milliards. Les revenus agricoles de la région économique Bretagne sont de 450 millions et l'aide est de 570 millions d'euros. L'aide dépasse les revenus. On le voit, la Bretagne est ancrée dans le système européen à un niveau souvent mal connu ou même ignoré. Les enjeux sont énormes car l'agriculture bretonne est basée sur de très petites entreprises familiales dont les revenus sont les plus bas de France sauf pour la Corse (environ 11 000 euros de revenus par an).
D'après Olivier ALLAIN qui préside la commission économique de la chambre régionale d'agriculture et qui est aussi président de la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor, et Gilles GUILLOMON président de la commission économique de la Chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine, les négociations sur l'évolution de la PAC en novembre 2008 seraient défavorables à la Bretagne et entraîneraient une perte de 160 millions d'euros — soit presque 1/3 des 570 millions d'aide. Cette perte serait due à une ponction de 10 % sur ces aides pour, en particulier, aider le développement durable. Le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier, a déjà laissé entendre sa préférence. Il propose de prendre aux céréaliers, qui se taillent aujourd'hui la part du lion, pour venir au secours des secteurs menacés : agriculture de montagne, élevage ovin.
Anticipant les décisions du ministère en février 2009, la Chambre d'agriculture de Bretagne propose des révisions de la nouvelle distribution, applicables en 2010 : un système de franchises. Rien ne serait prélevé sur les premiers 50 hectares. Ce qui protègerait les agriculteurs les plus pauvres dont 85 % des revenus viennent de la PAC. La chambre propose aussi que le maïs soit reclassé comme fourrage pour bénéficier de certaines aides.
Philippe Argouarch