QUI VEUT LA PEAU DE LA LANGUE BRETONNE ?
Qui veut la peau de la langue bretonne ? Ce titre pourrait paraître
provocateur. Il ne l'est pas. Il correspond à la réalité du moment.
La langue bretonne est menacée de disparition et certains semblent
s'ingénier à accélérer le mouvement.
Il y a eu l'épisode des cours de breton en visioconférence dans les
collèges et lycées. Il y a aujourd'hui celui de la carte scolaire.
Jusqu'au jour d'aujourd'hui, les classes bilingues de l'enseignement
public, au même titre que les classes d'intégration (CLIS), n'étaient
pas soumises à la carte scolaire. Les communes d'origine des élèves
de ces classes ne pouvaient leur refuser leur « bon de sortie » et
les communes d'accueil étaient tenues d'accepter leur inscription.
Ceci, « dans un souci de promouvoir les langues régionales » (réponse
du Ministre de l'Intérieur à Pierre Yvon Trémel en avril 2000).
Changement de ton en octobre 2003. Répondant à un député du Haut-
Rhin, le Ministre de l'Education Nationale refuse de prendre en
compte à titre dérogatoire « les enseignements particuliers tels que
l'enseignement bilingue ». Dès lors, la répartition des charges entre
les communes concernées ne pourraient plus être réglées « que par
accord entre les communes concernées » par cet enseignement. Réponse
identique du Ministère de l'Intérieur en décembre 2003 : «
L'enseignement des langues régionales est exclu des cas dérogatoires
imposant aux communes de résidence le paiement des frais de
fonctionnement »… Pourtant le Guide de l'Elu diffusé par ce même
Ministère indique exactement le contraire.
Il y a donc un vide réglementaire, un flou juridique, dans lequel se
sont engouffrées certaines communes du Trégor et du Goëlo. Que
constate-t-on ?
- d'un côté, des communes « centre » - Paimpol, Lannion, mais
aussi Pabu - qui mettent en place ou modifient unilatéralement les
règles de la carte scolaire ;
- de l'autre, des communes « périphériques » - de plus en
plus nombreuses – qui profitent de cette nouvelle interprétation des
textes pour refuser les « bons de sortie ». Elles ne veulent plus
payer, pour les enfants inscrits en classe bilingue, les frais de
fonctionnement que leur imposaient les dispositions jusque là en
vigueur ;
Qui fait les frais de cette partie de ping-pong ? Tout d'abord les
enfants et les familles concernées, bien entendu. Ensuite le service
public d'enseignement, qui ne permettrait plus, dès lors, l'accès de
tous les élèves, notamment ceux des petites communes, à la
spécificité que constituent les classes bilingues. Enfin la langue
bretonne, qui n'a pas besoin de bons sentiments ni de bonnes paroles,
mais bien de mesures rapides et concrètes destinées à assurer son
avenir.
Grâce au volontarisme des parents d'élèves et des enseignants, et à
l'écoute de quelques élus à l'esprit ouvert, un réseau de classes
bilingues a pu se mettre en place dans le public, et s'étendre
lentement mais sûrement. Cet enseignement est aujourd'hui menacé,
pris en tenaille entre cette hostilité latente à l'égard des langues
régionales qui s'exprime dans les ministères parisiens et la logique
strictement comptable et financière de certains élus locaux.
La langue bretonne, sa survie, son avenir, sont – ou devraient être -
l'affaire de tous les Bretons. Nos élus continueront-ils de
manifester à son encontre une totale indifférence ou au contraire
choisiront-ils de se ressaisir et de prendre enfin conscience du
risque réel de disparition de cette richesse ?
Dans l'immédiat, l'UDB du Trégor-Goëlo leur demande de jouer la carte
d'une réelle concertation entre communes d'accueil et communes de
résidence, afin d'assurer la pérennité et le développement de la
filière bilingue. Pour cette rentrée scolaire toute proche, elle leur
demande instamment de faire en sorte que les enfants qui, avec leur
famille, ont fait le choix légitime de l'enseignement bilingue,
puissent poursuivre dans cette voie. Toute autre attitude serait
criminelle, tant vis à vis de nos enfants que de notre langue.
Pierre MORVAN
Fédération UDB du Tregor-Goëlo