Gilles Martin-Chauffier, romancier et rédacteur en chef de Paris-Match, jette un pavé dans la mare de l’Éducation nationale et de l’Histoire de France qui compose son menu à la carte en puisant dans un carton d'images d'Épinal.
La vérité est tout autre : la Bretagne indépendante et celle d'avant Louis XIV ne fut jamais une Bretagne miséreuse telle que les gens se l'imaginent aujourd'hui. Elle était même riche, aussi riche que les Flandres. Le Roi de France ne l'appelait-elle pas "notre Pérou" ?
L'histoire de France a choisi en Bretagne les personnages comme Du Guesclin ou Anne de Bretagne. Elle a choisi ceux qui ont servi la France. La vérité est que les armées de Charlemagne ont massacré les Bretons et l'Empereur franc ne fut certainement pas l'Empereur des Bretons comme Saint Louis n'a jamais régné sur la Bretagne et Louis XI en fut son ennemi acharné. Il faut "dénationaliser l'histoire de Bretagne", affirme Gilles Martin-Chauffier.
Les conclusions de Martin-Chauffier ébranlent les tabous républicains martelés, elles remettent en cause le totalitarisme de Sieyès et Saint-Just. L'État-nation est mort. Il est devenu vassal de Bruxelles et Bruxelles ira irrémédiablement vers "une Europe des régions", nous dit Martin-Chauffier.
La Bretagne retrouvera son indépendance, de la même façon qu'elle l'a perdue, sans lutte. "J'en ai la conviction : on est sorti de l'histoire en 1488, sans s'en rendre compte et sans lutter vraiment, on y rentrera de la même façon", a déclaré Martin-Chauffier à ABP.
Le génie de Martin-Chauffier consiste à ne pas se mettre sur le plan politique. Il est inattaquable car il se place sur le plan de l'histoire et du sens de l'histoire. Il parle de ses convictions, pas de ses engagements. Il parle de choses qu'il pense inévitables, sincèrement, tout simplement et candidement. Courageux ? Le courage est naturel pour les esprits indépendants.
Pour le parcours de Gilles Martin-Chauffier [TV195]
Le livre n'explique pas l'histoire, il la raconte. Martin-Chauffier raconte l'Histoire de Bretagne comme Walter Scott raconta l'Histoire de l'Écosse. Avec style et humour, brio et réalisme mais sans romantisme et sans romancer. De l'épopée des Vénètes à celle de Cadoudal. Des épopées qui sont aussi des tragédies grecques. Martin-Chauffier ne montre aucune complaisance : un traître est un traître, un monstre est un monstre, et un héros est un héros. L'auteur ne mâche pas ses mots, ils tombent comme des couperets au milieu d'un foisonnement d'images et de formules qui sonnent comme des triades druidiques ou des dictons populaires. C'est cette puissance verbale qui a fait la force des littératures celtiques, et qui rendent le livre agréable à lire.
Martin-Chauffier nous livre 16 chapitres d'un passé que tous les Bretons doivent connaître s'ils veulent avoir un futur.
Philippe Argouarch