Interventions D'Alain Monnier (représentant ICB-SUAV et KSB-CCB) au CESR (Conseil Economique et social Regional) lundi 30 janvier
1) Intervention sur les programmes Formation
Monsieur le Président, Cher(e)s Collègues,
J'interviens au nom de Kuzul Sevenadurel Breizh et Skol-Uhel Ar Vro sur diverses missions afférentes à la formation. Le mouvement culturel associatif breton est conscient des responsabilités incombant à la Région et des efforts que celle-ci entreprend, malgré l'insuffisance des moyens dont elle dispose. Comme le souligne un document qui vient d'être publié par le Collectif breton pour la Démocratie et les Droits de l'Homme (Appel de Carhaix), la langue bretonne reste en grand danger de disparition, et, avec elle, comme avec d'autres cultures menacées, le principe même de la diversité culturelle. D'où cet appel à l'Europe, où le responsable à l'éducation, la formation, la culture et le multilinguisme, Ján Figel, vient de publier un rapport sur le multilinguisme en plaçant en exergue un proverbe slovaque : " Plus tu connais de langues, plus tu es humain ".
Mais à l'heure actuelle, ce ne sont plus seulement les langues qui semblent menacées, c'est également la mémoire des peuples, si l'on en juge par la récente décision du Préfet du Finistère d'arracher des pages à une histoire de Bretagne qui, pourtant, n'est pas non plus valorisée, je veux bien sûr parler des pages concernant Sebastian ar Balp et les luttes menées contre l'absolutisme monarchique.
Idiome unique, pensée unique, lecture univoque ou réécriture de l'Histoire, cela ne nous semble pas aller dans le sens de l'éveil à l'esprit critique que nous souhaitons pour les jeunes en Bretagne et ailleurs. Nous savons que l'Histoire de Bretagne possède, comme la plupart des autres, ses zones d'ombre : nous n'entendons ni les taire ni les cacher (cf. le programme des colloques 2006) et pas non plus leur trouver des alibis en décrétant l'existence d' "aspects positifs". Pour autant, non seulement nous n'avons pas à rougir de notre culture, de notre Histoire ou de nos langues, mais il nous appartient en commun d'entretenir et d'adapter ces points de repère indispensables aux jeunes d'ici et d'ailleurs, jeunes dans lesquels nous voulons voir autre chose qu'un "marché". Les propositions concrètes faites par Ti an Istor, la Maison de l'Histoire de Bretagne pour valoriser les lieux d'histoire, peuvent simultanément avoir des retombées dans le domaine de l'éducation et dans celui du temps libre.
C'est pour faire le point sur ces questions et ces chantiers que le mouvement associatif culturel breton tiendra ses Assises les 6 et 7 mai prochains à Carhaix sur le thème démocratie et territoire.
C'est aussi dans cette perspective que le mouvement culturel souhaiterait que la Région s'engageât dans une politique de partenariat plus large avec les acteurs éducatifs, partenariat qui ne se limiterait pas aux seuls lycées mais inclurait également les écoles et collèges, partenariat avec le Rectorat en particulier qui tiendrait compte des spécificités régionales comme cela était le cas, il n'y a pas si longtemps, à l'époque du recteur Lhostis. Les Bretonnes et les Bretons paient des impôts, ils veulent croire que le rôle de l'Etat ne se limite pas à la répression et comporte un aspect positif d'initiative et d'encouragement.
Tous les jeunes de Bretagne, qu'ils y soient nés ou non, ont droit à cette offre de connaissances et de services destinée à les rendre toujours "plus humains".
2) Intervention sur les programmes Culture
Monsieur le Président, Cher(e)s Collègues,
Je souhaite revenir au nom de Kuzul Sevenadurel Breizh et Skol-Uhel Ar Vro sur les documents concernant les missions II, VII et VIII. Concernant le programme 225, le mouvement culturel associatif est sensible aux efforts déployés par le Conseil régional pour conforter, compenser ou développer les emplois associatifs sur lesquels pèsent aujourdet#8217;hui de réelles menaces. Il y a à peine un mois, la presse spécialisée évoquait une " hémorragie "
Pour les jeunes, il est en effet important de pouvoir envisager dans le domaine associatif culturel de véritables parcours professionnels. Il ne s'agit pas là de favoriser des "plans de carrière" mais il importe de rompre avec une précarité qui stérilise et condamne à terme toutes les initiatives tant personnelles qu'associatives.
Pour le tissu sociétal, s'il est parfois difficile de chiffrer de manière positive et à court terme le poids des diverses réussites reposant sur le monde associatif, les effets négatifs se révèlent de plus en plus patents là où le réseau associatif ne peut assurer ce que l'on peut appeler sérieusement ses missions.
Concernant les programmes 711 à 741, et dans le droit fil de ce qui vient d'être rappelé, il est indispensable de ne pas découpler la politique culturelle au bénéfice des milieux professionnels de l'indispensable prise en compte de l'activité et des projets des dizaines de milliers de pratiquants amateurs qu'il s'agisse de musique, de danse, de jeux traditionnels, de théâtre, d'audiovisuel, sans oublier toutes les associations d'apprentissage et de pratique de la langue bretonne et du gallo, et tous les organismes à vocation fédérative ou transversale ou encore les opportunités périodiques que représentent les festivals et autres fêtes. Si ces structures, en ce qui concerne les différentes composantes de la culture bretonne, attendent une reconnaissance budgétaire du Conseil régional, celui-ci sait en revanche qu'il peut compter sur leurs compétences et la générosité d'un engagement le plus souvent bénévole. S'il s'agit bien d'une politique de projets et non de guichets dont nous sommes à présent partenaires, le milieu associatif culturel est prêt à assumer les missions qui seront définies en concertation avec l'exécutif régional et les services.
Un domaine nous semble mériter une attention particulière, celui du livre. La transversalité prônée aujourd'hui ne nous semble pas suffisamment mise en oeuvre puisque l'aide au livre ne relèvera pas des mêmes chapitres selon qu'il s'agira d'un projet en langue française ou d'un projet en langue bretonne. Disons-le sans détours, il nous semblerait préjudiciable à la culture en général et à la culture bretonne en particulier que la nouvelle majorité consacrât une telle fragmentation, avalisant de fait une étanchéité des responsables et des services, étanchéité dans laquelle nous ne reconnaîtrions plus le programme de toute une équipe. De plus, les nouvelles modalités d'aide au livre semblent exclure à présent l'édition d'ouvrages par les associations : s'agit-il d'un oubli ? d'un recul ? Enfin, n'est pas suffisamment soulignée la diffusion, maillon faible de la chaîne du livre. Or, des initiatives du Conseil régional se révèleraient ici faciles à mettre en oeuvre, limitées dans leur coût, indispensables à la vie du livre.
Le rapport évoque d'autres initiatives peu coûteuses concernant cette fois la langue : identification et la signalétique même du Conseil régional. La diffusion du logo en langue bretonne, voire en version bilingue, l'installation d'un panneau "Kuzul ar Rannvro" devrait aider cette lisibilité et l'adéquation entre les réalisations effectives et les déclarations votées plus tôt dans cette salle même.
Concernant la Mission VIII, "Pour une Bretagne solidaire", je tiens à réaffirmer ici l'attachement du mouvement associatif culturel à cette dimension indispensable de l'identité. Parce que nous sommes attachés à la notion de respect des droits, nous nous sentons directement interpellés par la problématique de l'altérité, de la solidarité et de l'exclusion. Vous le savez, nous sommes solidaires dans le temps, des générations passées come des générations à venir, nous sommes solidaires dans l'espace de toutes les cultures, spécialement des cultures menacées.
3) Enfin je tiens à réaffirmer que les Collègues CGT du CESR ont relayé le communiqué de l'UD 29, très explicite, et se sont clairement démarqués du dérapage de quelques adhérents de Carhaix.
Alain Monnier