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L'identité française sur timbre-poste.  Marianne en 1937
L'identité française sur timbre-poste. Marianne en 1937
- Tribune -
Nationalité, citoyenneté et identité nationale

"Chacun a le droit d'exprimer librement son appartenance à un peuple ou à une communauté nationale …" (Article

Jean-Pierre Le Mat pour Contreculture le 16/12/09 8:16

"Chacun a le droit d'exprimer librement son appartenance à un peuple ou à une communauté nationale …" (Article 61 de la Constitution slovène) "Nous assumons le défi historique de construire collectivement l'État Unitaire, Social, de Droit, Plurinational, Communautaire …" ( Préambule de la Constitution bolivienne) "Nous, peuple multinational de la fédération de Russie… " (Préambule de la Constitution russe) "Dans le combat pour la sauvegarde de l'union des ethnies, il faut s'opposer au chauvinisme de la grande ethnie…" (Préambule de la Constitution chinoise)

L'administration me considère comme un citoyen français de nationalité française.

Pourquoi n'est-il pas possible d'être un citoyen français de nationalité bretonne ? La différence entre citoyenneté et nationalité est admise un peu partout en Europe. Les citoyens britanniques peuvent être de nationalité écossaise ou galloise, et personne ne leur conteste cette double identité. Outre-manche, la différence existe entre folk, qui se réfère à une nationalité ou à une culture, et people, qui se réfère à la citoyenneté. Les Français n'ont qu'un seul mot, peuple ; d'où leur handicap pour penser l'identité.

La pesanteur de l'identité française vient de cette surcharge. Les Boliviens, les Chinois, les Finlandais, les Hongrois, les Polonais, les Roumains, les Russes, les Slovènes, les Vietnamiens ont inscrit dans leur Constitution la différence entre citoyenneté et nationalité. Les Français se réfugient dans leur pauvreté de langage pour refuser une réalité qui est pourtant constitutive de l'Europe ancienne et nouvelle. Certes, leur conception de la démocratie en est simplifiée. Mais l'alignement citoyen, est-ce encore de la démocratie ?

La différence entre citoyenneté et nationalité n'est pas nouvelle. Elle existait avant l'émergence de ces chimères androgynes et paranoïaques que l'on nomme les états-nations. Au temps de Charlemagne, les lois civiles étaient liées à la nationalité. Le juge demandait au plaignant "Quo jure vivis ?". Sous quelle loi vis-tu ? Il appliquait alors les coutumes ou les codes correspondant. Cela n'empêchait pas l'empereur de maintenir l'ordre, de prélever un tribut et d'enrôler des troupes.

Avec la construction européenne, cette distinction revient à l'ordre du jour. Dans le cadre français, la Bretagne possède un statut de région administrative, ce qui correspond à un aménagement de la citoyenneté française. La structure régionale permet au peuple (people) breton de s'exprimer politiquement, même si cette expression est pour l'instant partielle et tronquée. Dans le cadre européen, le statut de minorité nationale est celui qui convient le mieux au peuple (folk) breton. Il finira par l'obtenir. Il a le soutien de députés bavarois, flamands, catalans ou écossais. Il récupère le soutien de tous les nouveaux adhérents, qui constituent la majorité des Etats membres. Comme condition à leur adhésion, l'Europe ne leur a-t-elle pas demandé de reconnaître les minorités nationales ?

La nationalité inspire une vision de la vie, et donc des comportements. La citoyenneté produit des normes. La France républicaine court après des normes comportementales. Elle confond "être ensemble" et "percevoir la même chose". Elle croit en une démarche citoyenne, qui serait un comportement correct, unique et contraignant. La France laïque, avec ses inquisiteurs, est bien la fille aînée d'une église monothéiste.

L'identité, individuelle ou collective, est en réalité une mosaïque en évolution. Ce n'est ni un lingot d'or pur, ni une âme immortelle, ni un destin écrit d'avance. La prise en compte de la diversité, qu'elle soit culturelle, linguistique, religieuse ou autre, rendrait la citoyenneté plus légère. Certains en concluent qu'elle en serait altérée. J'en conclus pour ma part qu'elle en deviendrait supportable.

L'identité nationale à droite et l'identité politique à gauche ont le charme d'une saga aux parfums surannés. Que ces récits sont beaux ! Que ces mythes sont généreux ! Mais ni le roman national français, ni l'épopée ouvrière ne font plus vibrer les jeunes générations. Ceux que l'on appelle les digital natives ont pris l'habitude d'inventer l'histoire dont ils sont les héros. Ils ne comprennent pas le monde d'avant l'internet, dans lequel la nation, la classe sociale ou la religion ordonnaient les solidarités, et où l'industrie produisait des marchandises standardisées. Ils sont post-industriels. Ils sont multimédias, polymorphes, interconnectés, changeants, impatients. Ils égrènent leurs identités multiples au fil des alias et des avatars.

Pourquoi l'identité bretonne est-elle aujourd'hui plus attrayante que l'identité française ? La Bretagne est trop exiguë pour que l'on puisse s'y replier, ce qui n'est pas le cas de la France. Même si la Bretagne est pour nous essentielle, même si elle donne un sens à l'ensemble, elle n'est que l'une des pièces de notre puzzle identitaire. Notre pays conjugue la singularité, la liberté et la diversité, qui sont les valeurs des digital natives. Incapable de constituer un état-nation, mais excellente dans son rôle de communauté tribale, la Bretagne est à son aise dans l'univers du 21ème siècle.

A priori, je veux bien reconnaître ma part d'identité française. Mais si, pour cela, il me faut confondre nationalité et citoyenneté, me soumettre à des normes comportementales, déprécier mes autres liens et mes autres cultures, alors cette solidarité ressemble à un collier étrangleur. La nécessité et le plaisir d'évoluer est incompatible avec cette étouffante conception de l'identité.

Demain, je serai un citoyen européen de nationalité bretonne.

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Cet article a fait l'objet de 4073 lectures.
Vos 8 commentaires
  Jean-Loup LE CUFF
  le Mardi 31 août 2010 23:27
Bien vu Jean-Pierre! Personnellement, je me dis Être Humain de Nationalité bretonne, bien qu'administrativement français (par la force des choses et le poids de l'histoire... non achevée), Européen par nature et conviction, et éventuellement citoyen du Monde, si le Monde reconnait ma Nation. bretonne...
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  P. Argouarch
  le Mardi 31 août 2010 23:27
"La citoyenneté produit des normes." pour préciser elle donne des droits comme celui de voter --avec les devoirs qui vont avec comme payer des impôts... La citoyenneté est une construction politique: France, Europe, etc.. On peut en avoir plusieurs. J'en ai trois. Tous les citoyens français sont aussi citoyens européens -- ce qui fait deux citoyennetés.
La nationalité, elle, est un sentiment d'appartenance à une communauté. Elle est liée à l'identité, alors que la citoyenneté ne l'est pas effectivement. Que ca soit un héritage, un choix, ou une découverte comme nous l'expliquait Morvan Lebesque, ca n'en reste pas moins un droit fondamental protégé par de nombreuses conventions internationales.
Quand Eric Besson dit : «Les dérives du nationalisme, le développement de nouvelles formes de communautarisme et de régionalisme, la construction progressive d'une identité européenne, la mondialisation des échanges apparaissent à certains comme susceptibles de remettre en cause l'idée même de Nation », il est incomplet. Ce qui est remis en cause, c'est pas la nation en général, mais le concept français de la nation, disons celui mis en place par les "Montagnards" en 1793 et qui se définissait par l'aire, à géométrie variable, où régnaient les lois de la république. Des Italiens, des Allemands et même pour un court moment, tout le Pays Basque, ont d'ailleurs fait partie de la "nation française", sans parler des colonies qui suivirent.
Le concept français de la nation, soi-disant basé sur la définition d' Ernest Renan (mais bien plus tard, après le crime commis), est une supercherie intellectuelle, une idéologie en fait. Un ensemble de citoyens ne forment pas naturellement UNE nation, d'où la nécessité des "normes" dont vous parlez. La normalisation n'est autre que la nationalisation des citoyens. On l'appelle aussi assimilation (assimilation == rendre similaire, rendre pareil).
Il y a bien une citoyenneté européenne mais il n'y a pas de nation européenne. La république française est aussi composées de plusieurs nations et minorités nationales. Il faudra un jour le reconnaitre même si pour certaines la destruction a été quasi totale. Pourquoi ? parce que le monde a changé et que les nouveaux citoyens comme les nouvelles générations ne sont plus prêts, comme le furent les Bretons ou les Catalans, a sacrifier leur identité pour un bien être de plus en plus aléatoire dans un monde de plus en plus acculturé et mondialisé.
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  Michel VERNET
  le Mardi 31 août 2010 23:27
>La structure régionale permet au peuple (people) breton de s'exprimer politiquement, (...).
Le peuple breton n'existe pas. Les Bretons sont tous aussi français et francophones que les autres Français.
>Demain, je serai un citoyen européen de nationalité bretonne.
Ridicule. L'Europe n'est pas un espace de citoyenneté. Ce n'est qu'une machine à servir les intérêts des États les plus peuplés, la France et l'Allemagne en tête, avec les votes à la majorité qualifiée. Quant à la nationalité bretonne, elle est complètement utopique. Pourquoi pas une nationalité franc-comtoise ou aquitaine, tant qu'on y est ?
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  Jean Pierre LE MAT
  le Mardi 31 août 2010 23:27
La citoyenneté européenne a été instaurée il y a 17 ans par le Traité de Maastricht. Elle n'est donc pas ridicule. La majorité des pays de l'Union Européenne ont été contraints, lors de leur adhésion, de reconnaître les minorités nationales et de se conformer aux directives les concernant. Qu'ils obligent en retour ceux qui ont fixé les règles (dont la France) à s'y conformer est de pure logique. Je rappelle la définition du Parlement européen de "minorité nationale", et qui peut facilement s'appliquer à la Bretagne : « L'expression minorité nationale désigne un groupe de personnes dans un État qui : - résident sur le territoire de cet État et en sont citoyens ; - entretiennent des liens anciens, solides et durables avec cet État ; - présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques ; - sont suffisamment représentatives, tout en étant moins nombreuses que le reste de la population de cet État ou d'une région de cet État ; - sont animées de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue. »
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  P. Argouarch
  le Mardi 31 août 2010 23:27
A propos de constitution, il faudrait citer la nouvelle constitution de la Pologne (1997).

[1. La République de Pologne garantit aux citoyens polonais appartenant à des minorités nationales et ethniques la liberté de conserver et de développer leur propre langue, de conserver les coutumes et les traditions et de développer leur propre culture.
2. Les minorités nationales et ethniques ont le droit de créer leurs propres institutions d'éducation, des institutions culturelles et des institutions servant la protection de leur identité religieuse et la participation à la prise de décisions dans le domaine de leur identité culturelle. ]

Les minorités nationales (et les autres minorités permanentes y compris religieuses) étant par définition des minorités politiques, il est nécessaire de les protéger dans une constitution. La république française reste un des rares états à refuser de le faire. Elle est suivie sur ce modèle par la Turquie, qui, sur ces bases uniquement, ne pourra jamais faire partie de l'Europe.
A méditer :
"La démocratie n'est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité"__Albert Camus.
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  Marcel Texier
  le Mardi 31 août 2010 23:27
Monsieur Michel Vernet décrète qu'il n'y a pas de peuple breton, comme on avait décrété naguère qu'il n'y avait que "des Français à part entière de Dunquerque à Tamanrasset". Monsieur Vernet connaît la suite ?
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  Marcel Texier
  le Mardi 31 août 2010 23:27
D'accord à 99%. Ma réserve porte sur l'idée que les Bretons seraient incapables congénitalement de se constituer en Etat. Tu es bien placé, Jean-Pierre, pour savoir que les Bretons ont eu leur Etat et un Etat qui ne fonctionnait pas mal du tout au moment où a eu lieu l'invasion française. Auraient-ils subi dans la suite une mutation génétique qui les empêcherait à tout jamais de faire aussi bien que les Estoniens, les Lettons, les Lituaniens, les Slovènes dans le cadre de l'Union Européenne ? Cette idée ne tient pas la route. C'est dommage, le reste est super !
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  Le Goarnig Kozh
  le Mardi 31 août 2010 23:27
Nous devons remercier l'historien Jean Pierre le Mat pour le débat qu'il vient d'instaurer sur la « Citoyenneté Européenne de Nationalité bretonne ».
Question fondamentale, essentielle pour un peuple totalement spolié, occulté, obligé même de se battre pour sa langue, sa culture, son identité et pour récupérer sa capitale historique ! Incroyable et incompréhensible dans un monde « civilisé » !?
Ce débat aurait dû avoir lieu il y a trente trois ans, aux lendemains du dépôt de ce statut national à la Cour International de la Haye et au Conseil de l'Europe, à Strasbourg, pour l'existence des six derniers enfants Le Goarnig, sans état civil ( les six premiers enregistrés à l'Etat civil du service des étrangers ) et sans droits sociaux.
Citoyens européens, les Bretons l'étaient déjà, il y a plus de deux cent ans, lors d'une déclaration solennelle ; de nationalité bretonne, c'est incontestablement leur statut, jamais abrogé, dont ils sont toujours ressortissants sur le plan international, quel que soit leur asservissement physique ou intellectuel et l'occupation de leur territoire par des totalitaires qui sont allés serrer la main à Hitler et dont des collabos aujourd'hui se réclament impunément.
Toute cette arrogance, ce racisme négationniste d'Etat ne doit pas nous impressionner ; soyons sûrs que toutes nos légitimes réclamations retrouveront leur place dans le concert des nations. La Liberté et le Respect n'ont pas de prix.
Quant à l'identité française dont on nous rebat les oreilles, c'est une chape de plomb de domination, d'accaparement, d'exploitation sans scrupules, de spoliations, de vols et de crimes de toutes natures.
Que des gens, dans ces conditions, osent nous parler de la grandeur de la France et naturellement de ses « valeurs », on peut leur demander s'ils étaient de ceux qui ont coupé des humains avec des scies à teck, largué d'avions des êtres vivants à Madagascar, exterminé des willayas entières en Algérie, comme les nazis. Ces Jacobins sont ils responsables des massacres d'Ouvea ou d'Outreau ? Avons-nous le droit de ne pas être de cette nationalité et de condamner ces pratiques intolérables. Ne parlons pas de ce qu'ils ont fait en Bretagne et en Vendée ! Je n'oublie pas non plus que ce sont ces Jacobins qui ont capté le Club breton grâce auquel ils ont pu polluer l'Europe et le monde entier, après avoir stoppé dans un flot de sang, l'espoir que nous avons fait naître dans toutes les minorités « françaises », en attente aujourd'hui d'une reconnaissnce urgente. Nous revenons avec elles à la case départ
Nous autres, Bretons, pourrions tout pardonner, après des réparations effectives à toutes les minorités et une coopération loyale, sauf l'arrogance criminelle et les ricanements imbéciles. Est-ce compatible ?
Quoi qu'il en soit, nous ne devons plus tolérer un seul mensonge, un seul négationnisme, mandaté ou non. Les responsabilités devront être retenues et l'on ne devra jamais oublier que le rappel officiel de ce statut de « Citoyen Européen de Nationalité Bretonne » a contraint Giscard d'Estaing, Chirac et Papon à nommer un médiateur à reconnaître la culture bretonne, à créer l'Institut Culturel de Bretagne, le Conseil Culturel de Bretagne,etc, non pas pour les Bretons mais pour reprendre la main perdue, après deux mille articles dans la presse mondiale, traitant tous les jours avec radios et télévision, du Droit des enfants, des prénoms bretons et de la citoyenneté quasiment européenne des Bretons et de leur nationalité bretonne.
Merci à Jean Pierre le Mat ! car trente trois ans, c'était un tiers de siècle de perdu.
Le Goarnig Kozh
Président de l'Association des Etats de Bretagne
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