« Les langues régionales pourraient appartenir au patrimoine de la République. » C'est plus en ces termes qu'il convient d'interpréter l'amendement voté ce jeudi 22 mai à l'Assemblée nationale. Cet amendement devra avoir l'assentiment du sénat avant d'être validé par le congrès ou il devra obtenir les trois cinquièmes des voix. Les langues dites régionales resteront confinées dans le patrimoine et l'article 2 qui proclame le français langue de la République demeurera en l'état. Cet amendement, qui n'est pas à négliger, doit donc nous inciter à un optimisme mesuré mais aussi et surtout à de la prudence.
Nous sommes aujourd'hui au début d'un processus dont la conclusion demeure encore très incertaine. Car pratiquement qu'est ce qui changera immédiatement ? Rien ! Sûrement pas la ratification de la Charte européenne des langues régionales. Il faudra attendre le départ de Nicolas Sarkozy et de son équipe !
Madame Albanel ne déclarait–elle pas lors de son discours à l'Assemblée le 7 mai 2008 « cette ratification engagerait notre noyau dur constitutionnel, qui interdit de conférer des droits particuliers à des groupes spécifiques, et qui plus est sur des territoires déterminés. D'ailleurs, l'expression de minorité linguistique, qui tend à faire penser à des minorités opprimées, me paraît contraire à la philosophie et à la réalité de notre République. »
Le président Sarkozy déclarait lui même le 13 mars 2007 à Besançon « Si je suis élu, je ne serai pas favorable à la Charte européenne des langues régionales. Je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différente de la nôtre, décide qu'une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le Français. Car au-delà de la lettre des textes il y a la dynamique des interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. J'ai la conviction qu'en France, terre de liberté, aucune minorité n'est opprimée et qu'il n'est donc pas nécessaire de donner à des juges européens le droit de se prononcer sur un sujet qui est consubstantiel à notre identité nationale et n'a absolument rien à voir avec la construction de l'Europe. »
En ce qui concerne l'enseignement du Breton la route sera encore longue. L'amendement de l'article 1 de la Constitution ne peut pas nous laisser envisager d'évolution positive dans l'immédiat. Il faudra remplacer la loi Toubon (4 août 1994) qui pose pour règle que "la langue de l'enseignement est le français", loi qui est reprise par l'article L. 121-3 du code de l'éducation.
Pourtant la survie de la langue bretonne passe par son enseignement. Pendant que nous nous enthousiasmions depuis l'annonce du vote de cet amendement, 20 locuteurs bretons disparaissaient sans être remplacés.
Appartenir au patrimoine de la République est certes une avancée surtout symbolique. "Méfions nous, une partie non négligeable du patrimoine finit bien dans les musées."
Pour la LBDH M. Herjean