La mobilisation contre l’action "linguicide" du Ministère de l’Education Nationale à l’encontre les langues régionales va se concrétiser samedi 30 novembre par une chaîne humaine qui « encerclera » les bâtiments du Ministère à Paris. La mobilisation monte, les cars se remplissent, la détermination est là. Par i>ch’elle càmpinu e nostre lingue !
Le timing a été resserré et efficace, signe que le problème est ressenti comme particulièrement grave. La rentrée a eu lieu début septembre et dès le 12 septembre la réunion que j’ai provoquée à Paris avec Paul Molac a permis de mesurer le désarroi et la colère des acteurs des langues régionales face à la dégradation des conditions réservées à leur enseignement.
Déjà, l’offre d’enseignement faite jusque là par l’Education Nationale n’était pas grand chose ; mais avec Jean-Michel Blanquer, on est en train de passer à la relégation définitive de cette offre d’enseignement, à une marginalité totale, et bientôt à son éradication dans les programmes de collège et de lycée.
La suppression de l’option, certes facultative, mais jusque là reconnue comme « pourvoyeuse de points » au moment de passer l’examen principal de toute scolarité, le baccalauréat, vient décimer les effectifs de l’école publique. Désormais, son coefficient au bac est ridiculement abaissé, et la langue régionale n’est plus proposée qu’en concurrence d’une autre matière principale dont la compétence sera ensuite requise lors des études supérieures dans les cursus de formation de chaque étudiant. Bien évidemment, elle ne pourra qu’être abandonnée par le plus grand nombre et réservée à quelques « derniers des mohicans ».
Cette option n’était bien sûr pas suffisante. Mais au moins avait-elle l’avantage de signifier à l’enfant étudiant sur un territoire, et à ses parents, qu’il existait une langue et une culture attachées à ce territoire. Aux yeux des jacobins, cette simple expression d’une diversité était insupportable. Avec méthode et mauvaise foi, ils l’ont sans cesse combattue, et ils viennent de porter ce qui sera le coup de grâce si la mobilisation en cours ne débouchait pas.
Dans le même temps, les autres vecteurs de l’éducation, filière de l’enseignement catholique comme filières associatives, sont attaqués. L’enseignement catholique, qui dans certaines régions scolarise plus d’un enfant sur deux, est tenu par les mêmes programmes, et ne peut s’écarter vraiment des cadres définis par le Ministère. Il sera obligé de « rentrer dans le rang ».
Les filières associatives se caractérisent par le fait qu’elles enseignent non pas seulement la langue, mais dans la langue. Ce statut de la langue incluse dans l’enseignement fait échapper à la nécessité d’horaires dédiés en sus de ceux des matières principales. Aussi Jean-Michel Blanquer a prévu la parade et annoncé au Sénat le 21 mai dernier que « l’enseignement par immersion était anti-constitutionnel ». Comme ces filières associatives, Diwan en Bretagne, Calendreta en Occitanie, Seaska au Pays Basque, Bresolla en Catalogne, ont besoin de contrats avec l’Etat pour assurer le salaire de leurs enseignants, on ne peut qu’être inquiets pour leur survie.
C’est tout cet édifice fragile qui a maintenu jusque là en survie un réseau d’enseignants, parents, élus, élèves et accompagnants, qui sont la base indispensable à tout espoir de renouveau pour l’enseignement de ces langues et leur réappropriation par les territoires dont elles sont la marque identitaire. Par exemple, les enfants passés par les lycées Diwan ou Seaska formeront le « carré actif » de ceux dont les compétences en langue bretonne ou basque seront indispensables pour animer les radios et télévisions, pour pourvoir les postes d’enseignants du futur, y compris dans l’Education nationale, pour assurer la formation des adultes, pour revitaliser la vie culturelle, etc…
Le combat pour les langues régionales dans l’Education, c’est le combat emblématique pour la diversité culturelle et linguistique, pour faire échec à l’uniformisation jacobine.
La lutte continue ! Ce communiqué est paru sur Le blog de François Alfonsi