Cet article est une reprise et mise à jour d'un article paru sur ABP en mars 2016. Il répondait alors aux amalgames souvent opérés par les médias parisiens mais aussi par des médias dits "régionaux". Un de ces amalgames, apparu durant les dernières élections régionales en 2015, fut de mettre tout le monde dans le sac "régionalistes", un autre plus malicieux consistait à désigner par "identitaires" les nationalistes ou indépendantistes .
Un régionaliste est une personne qui demande plus de pouvoirs pour sa région administrative, et donc, qui s'oppose à l'idéologie dominante centraliste dite "jacobine". Lors des dernières élections régionales, tous les candidats en Bretagne se disaient "régionalistes" sauf ceux du Front National (aujourd'hui Rassemblement National) ou du Front de Gauche (aujourd'hui la France Insoumise). Les régionalistes sont strictement républicains même si certains demandent une 6e république fédérale. Il y a des régionalistes de droite et des régionalistes de gauche. La grande majorité des Bretons est régionaliste : 56% des Bretons veulent plus de pouvoir pour la région selon le sondage CRAPE/ESF de 2009 ( voir notre article ) . 70% des Bretons des cinq départements veulent la réunification selon l'association Bretagne Réunie et il est tout à fait acceptable de considérer qu'un pro-réunification est au minimum un régionaliste.
Les autonomistes veulent aller plus loin que les régionalistes. Ils demandent des changements institutionnels donnant non seulement plus de pouvoirs à la région mais aussi le droit de lever des impôts conséquents, un pouvoir réglementaire territorial au moins comme en Corse ou comme dans les länder allemands qui sont aussi dotés chacun d'un gouvernement et de ministères comme chacun sait. Les autonomistes comme les régionalistes votent le plus souvent PS ou Les Républicains ou autre parti hexagonal au second tour des élections.
Le premier parti autonomiste breton (PAB) fut créé en 1927. L'Union démocratique bretonne créée en 1964 est un parti autonomiste qui se revendique à gauche. Passé d’un discours assez radical, proche du PCF, à sa création, il présente aujourd'hui un programme plus modéré. L'Union démocratique bretonne est le premier parti en France à avoir participé à un exécutif régional. Principale formation autonomiste en Bretagne, l'UDB est présente dans les collectivités territoriales depuis ses débuts (avec un premier élu dès 1965 au Guilvinec, 78 élus municipaux revendiqués en 2008). Elle a disposé d’un groupe au Conseil régional de Bretagne de 2004 à 2015 et est représentée par un député à l'Assemblée nationale depuis 2012 : Paul Molac. Souvent prônant le vote PS aux seconds tours des élections dans le passé, elle s'associe aujourd'hui le plus souvent à Europe-Ecologie-les-Verts (sauf à Nantes) et présente des listes communes avec eux aux élections européennes. L'UDB fait partie du groupe de parlement européen Alliance libre Européenne (ALE) qui rassemble beaucoup de partis issus des minorités nationales européennes. Le parti Breizh Europa créé en 2013 est aussi un parti autonomiste mais situé centre droit.
Selon Wikipédia, le fédéralisme est un système d’organisation, d’administration et de gouvernement dans lequel l’État est organisé en fédération et partage avec les États fédérés les diverses compétences constitutionnelles. Selon Jean-Jacques Urvoas, ancien Garde des sceaux, la France est déjà un État fédéral de par les statuts des territoires d'Outre-mer et même de la Corse.
En France, les fédéralistes n'existaient plus depuis le décret de la convention du 10 mai 1793 qui déclare "l’unité et l’indivisibilité de la République". Les fédéralistes sont proscrits durant la révolution et certains ont été guillotinés, le parti fédéraliste a été interdit. Ils réapparaissent en Bretagne 150 ans plus tard avec Le Mouvement fédéraliste de Bretagne (MFB) créé en 1930 qui est réapparu en 2004 lors des élections régionales avec l'Alliance Fédéraliste Bretonne-Emglev Kevredel Breizh (AFB-EKB). La branche bretonne du Parti Fédéraliste Européen (PFE-BZH) a été créé en mars 2015.
On précise "bretons" car il y a des nationalistes français en Bretagne, bretons ou pas bretons. On ne peut pas être nationaliste de deux nations différentes car si on peut être citoyen de plusieurs états, on ne peut appartenir qu'à une seule nation. Un nationaliste breton aujourd'hui est quelqu'un qui estime que les Bretons forment un peuple distinct, que ce peuple a constitué une nation souveraine, et que cette nation doit retrouver sa souveraineté dans le cadre européen.
Le premier parti nationaliste breton est le Parti Nationaliste Breton (PNB) qui a existé de 1911 à 1914. Le Parti national breton (en breton : Strollad Broadel Breizh) (abrégé en PNB) est un parti politique nationaliste qui a existé de 1931 à 1944. Aujourd'hui, les nationalistes bretons se définissent souvent eux-mêmes par comparaison avec les nationalistes écossais du SNP ou aux Catalanistes en Catalogne. Ils affirment s'inscrire comme une composante d'un vaste mouvement européen vers le retour aux peuples fondateurs comme l'avait envisagé Yann Fouéré dans son livre L'Europe aux cent drapeaux. Le Parti Breton créé en 2000 est un parti nationaliste de centre droit.
Historiquement les indépendantistes ont toujours existé en Bretagne, même sous l'ancien régime après le rattachement du duché au royaume de France en 1532. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, des indépendantistes se sont alliés avec l'Allemagne en pensant malencontreusement qu'elle gagnerait la guerre et rendrait son indépendance à la Bretagne.
Le Strollad Pobl Vreizh, le parti républicain breton (1977-1982), (SPV) est le premier parti politique breton d'après-guerre à se dire ouvertement indépendantiste. En parrallèle, dans les années 60, quelques dizaines d'indépendantistes rejoignent la clandestinité et forment le Front de libération de la Bretagne (FLB), une organisation indépendantiste active de 1966 jusqu'à l'amnistie de ses détenus en 1981.
Le parti d'extrême gauche breton Emgann (1983-2009) fut une tentative de récupération de l'indépendantisme breton par l'extrême gauche française. La même chose s'était produite avant la guerre avec le PCF qui soutenait les autonomistes bretons. De l'autre côté, le parti politique indépendantiste breton ADSAV, classé extrême droite, créé en 2000, et qui avait présenté des candidats en 2008 ne représente plus rien politiquement. Le Parti breton est un parti indépendantiste.
En mars 2020 est apparu le mouvement Douar ha Frankiz - Pour une Bretagne Libre, un groupe de jeune militants qui entend constituer un nouveau parti indépendantiste, mais qui, comme les partis autonomistes UDB et Breizh Europa refuse d'ignorer les problèmes de sociétés dans ses propositions.
Il y a très peu de différences entre un nationaliste breton et un indépendantiste. Celui qui veut l'indépendance reconnaît une nation bretonne et est donc nationaliste. La plupart des nationalistes veulent l'indépendance, le seul moyen pour eux de préserver une nation dans le contexte géopolitique actuel du monde. Une infime minorité de nationalistes croit que la France pourrait être un état multi-national, les autres sont indépendantistes. Un sondage paru dans la première version du magazine Bretons de février 2013 révèle qu'il y a 18% d'indépendantistes en Bretagne. Pour le sondage de 2009 du CRAPE, seulement 4,6%. Pour celui du CSA-Le Télégramme réalisé en 2000, la somme des "très favorables" et "plutôt favorables", s'élevait à 23% sur les 5 départements. Il semblerait que les réponses varient selon les moments et selon la nature de la question. Les nationalistes comme les indépendantistes s'abstiennent le plus souvent de voter aux seconds tours des élections nationales ou régionales.
Les nationalistes bretons sont parfois appelés "identitaires" par la presse parisienne--ce qui est malencontreux car le mot "identitaire" désigne une tendance politique en France et qui n'est pas du tout spécifique à la Bretagne. Elle est située à l'extrême droite de l'échiquier politique, très proche du Rassemblement National. Pour rappel, le RN est un parti politique français opposé à toutes les identités qui ne seraient pas l'identité française. Il prône l'assimilation aussi bien des Berbères, que des Alsaciens ou des Bretons. Même s'il prétend défendre les intérêts bretons, un identitaire est une personne plus concernée par l'arrivée de Musulmans en Bretagne que par la francisation de la Bretagne en marche depuis quatre siècles et la disparition progressive de tout ce qui est breton (langues, culture propre, façon de penser propre etc). Un identitaire breton est une personne qui vote Rassemblement National au second tour des élections ou dès le premier tour.
Aucun sondage n'a été fait en Bretagne sur les raisons du refus d'aller voter. Il y a bien sûr de nombreuses raisons de ne pas aller voter d'autant plus que le vote blanc n'est pas pris en compte dans les analyses des résultats-- sans parler du système à deux tours qui pousse les électeurs à voter pour des gens avec qui ils sont en désaccord profond. Par contre, il est certain qu'une partie de ces abstentionnistes ne vote pas aux élections "nationales" tout simplement parce qu'en tant que Bretons, ils n'en reconnaissent pas la légitimité.