Chronique
Nucléaire, luttes bretonnes et débats
Où sont les jeunes ?
Plomelin/Ploveilh.- Suite du journal de campagne de J.C. Perazzi.
Le hasard du calendrier fait que vous pouvez vous retrouver deux soirs de suite dans des salles bien remplie, à co-animer un débat précédé de la projection d'un film. Cette fois il s'agissait de « Des pierres contre des fusils » , l'impressionnant documentaire de Félix et Nicole Le Garrec sur la lutte de Plogoff contre le nucléaire au début de l'année 80. Et de « Hentoù 70 » ( « Routes 70 » ), remarquable documentaire, aussi, de Roland Michon retraçant les luttes qui ont secoué la Bretagne de 1970 à 1980.
La qualité du silence qui accompagne la projection d'un film et celle des applaudissements qui suivent sa projection disent combien le public a apprécié. Très apprécié, même. Ce fut le cas pour ces deux films. Viennent ensuite les débats, les témoignages.
Mais peut-on parler de débats ? Trente ans après la bagarre de Plogoff, tout le monde s'accorde à peu près sur tous les points. Le nucléaire ce n'est vraiment pas la solution pour fournir l'énergie de demain. Le coût de l'énergie produite sera infiniment plus élevé que celui annoncé en 80. Le danger d'une technologie dite de pointe est évident. Les catastrophe qui se sont produites en Ukraine, au Japon et celle qui a failli se produire (avant Plogoff) en Pennsylvanie le prouvent… En attendant la prochaine. La manière d'éliminer des déchets radioactifs (à contrôler par les générations à venir !), est loin d'être trouvée. Les réserves d'uranium, comme celles du pétrole, finiront par s'épuiser. Sans compter qu'elles se trouvent souvent dans des pays à risques (le Niger, par exemple). Et pas question de venir en chercher dans les petits gisements du sous-sol breton : les compagnies qui l'on tenté il y a quelques années s'y sont cassé les dents. La réaction des populations locales et de leurs élus fut particulièrement vive et rapide. Y compris celle d'un certain commandant Bing, maire de Bubry… et qui commandait les gendarmes mobiles à Plogoff.
Tous ces arguments développés, et bien d'autres lors de la première soirée, seront aussi accompagnés de propositions et témoignages multiples des intervenants (souvenirs, souvenirs…) En très grande majorité des adultes et même, comme on les appelle aujourd'hui, des seniors.
Et les jeunes, principaux intéressés par un tel sujet ? On les comptera sur les doigts de la main.
La série incroyable de manifestations et d'événements ou faits qualifiés parfois de divers dans les gazettes qui ont secoué la Bretagne - Loire-Atlantique comprise - de 70 à 80 (mais aussi avant et après), laissera sans voix le public quand les lumières se rallumeront.
Roland Michon et son compère assistant, Herry Mathieu, pour donner plus de force et de vérité à leur documentaire l'ont entrelardé d'interventions de militants du milieu ouvrier, paysan, culturel, d'écologistes, d'artistes, de politiques, etc. De tous âges, de toutes convictions, de toutes opinions. Et le résultat sera au bout de leurs luttes. Insatisfaisant, certes, mais néanmoins prometteur pour l'avenir. A l'évidence il est possible de vivre, travailler, produire au pays si l'on en a la volonté.
Cette fois encore chacun y va de son commentaire, ses souvenirs, ses propositions.
Positif. Sympathique. Émouvant.
Mais les jeunes, cette fois encore, sont très minoritaires dans la salle. Alors, le constat fait, les uns et les autres avancent des hypothèses pour tenter d'expliquer cette absence.
Ils font partie de la catégorie d'âge la plus touchée par le chômage et ont d'autre soucis. Ils n'ont pas le goût de la lutte que « nous » avions. Ils sont plus individualistes que ceux des générations précédentes. Le monde qu'elles leur préparent ne les incite pas à exprimer trop d'empathie à l'égard de leurs aînés. Ils s'intéressent à d'autres cultures, d'autres musiques, d'autres manières d'être et de vivre que nous. Etc.
Il faut bien le dire, si elle s'avère réelle, générale, cette rupture entre générations a quelque chose d'inquiétant.
Jean-Charles Perazzi