Pourquoi les Gaulois ont répondu à Alexandre le Grand qu'ils n'avaient peur que d'une seule chose : «que le ciel leur tombât sur la tête»?
On a si peu de textes contemporains des Gaulois que certains s'empressent de les dépeindre comme des gens un peu baroques.
De grands archéologues français (Christian Goudineau, Jean-Louis Brunaux) protègent à la fois leur pré carré et leur confort intellectuel en prétendant qu'ils ne peuvent pas confirmer que les Gaulois et, même les Celtes, avaient une religion commune et une hiérarchie de dieux comme les Grecs et les Romains.
Ils n'accordent aucune valeur aux travaux des celtologues, comme les époux Guyonvarc'h, et surtout pas à ceux qui ont étudié les mythes indo-européens, à la suite de Georges Dumézil.
Quand ils se mêlent de parler des druides, ils enfilent des perles comme Jean-Louis Brunaux qui croit savoir que le mot a été inventé par des moines gallois, d'après le nom du chêne en brittonique (derv en breton). Comique involontaire? Ils appartiennent à la race des hypercritiques, comme Gaston Pâris qui pensait que Tristan et Iseult étaient une collection d'histoires grecques.
Valéry Raydon, en vrai spécialiste des anciennes mythologies, compare les mythes avec prudence et n'affirme qu'après avoir trouvé des correspondances répétées.
Ainsi, quand il décèle sous la figure d'Ogmios/Oghma-Héraklès/Hercule Varuna, un dieu de l'Inde, à la fois féroce guerrier et maître du langage, il n'oublie pas de signaler que, bien des héros grecs de l'Iliade ont ces qualités, qui ne sont contradictoires qu'en apparence.
Cependant, une pluie de pierres qu'aurait fait pleuvoir Héraklès, dans la Crau, en Provence, peut ne pas être grecque, même si elle est citée par Eschyle (vers 450 avant JC), via le géographe Strabon. Et, si l'on cherche, on trouve : des pluies de pierre, on en trouve à foison dans les mythologies celtiques et nulle part ailleurs.
Les Gaulois liguriens sont les victimes d'Héraklès dans le voisinage de la cité grecque (phocéenne) de Massalia, autrement dit, Marseille. Et comme Eschyle vivait 350 ans avant Poseidonios, Brunaux ne pourra pas l'invoquer pour le réfuter, comme il annule, pour son confort, la totalité des écrits de César sur la religion gauloise.
En résumé, les Celtes avaient bien une religion tout aussi ordonnée que celle de leurs voisins, dont ils partageaient certaines croyances, sans pour autant quelles soient strictement identiques.
Et bravo aux moines irlandais, qui, sans se laisser dévier par leur religion, prirent à coeur de nous faire connaître les récits épiques de leurs ancêtres. Penser que les traditions orales ne peuvent jamais franchir le temps relève de la croyance déguisée en positivisme.
Christian Rogel
Note : L'auteur nous a signalé que saint Cornély à Carnac et saint Herbot ont aussi été décrits comme capables de déclencher des pluies de pierre. L'exploration des légendes locales concernant Gargantua pourrait aussi permettre de détecter d'autres traces du mythe.
Valéry Raydon, Le mythe de la Crau : archéologie d'une pensée religieuse celtique.
Préf. de Marco Garcia Quintela, Université de Saint-Jacques de Compostelle . Avion ; Marseille : Éditions du Cénacle de France ; Terre de promesse, 2013. ISBN 978-2-9541625-1-5
Version papier : 20 euros
Version numérique e-book : (voir le site) Paypal 7,50 euros.