Rohingyas, Ouïghours et Bretons : trois modèles d’éradication des minorités nationales.
L’exemple de la répression des Ouïghours , en Chine - Etat du Xinjiang- nous démontre que l’Etat nation souverain, qui repose sur l’adéquation parfaite entre un Etat, une nation et souvent une idéologie emploiera toujours la marge de manœuvre dont il dispose pour détruire une minorité.
C’est dans ses gênes, si l’on peut dire, car il repose précisément sur cette adéquation aux accents totalitaires, peu importent les principes sur lesquels repose ce régime, qu’il s’agisse du communisme, de la République ou du primat allégué des droits de l’homme.
Il existe plusieurs manières de réduire une minorité :
- L’expulsion brutale en dehors du corps national, que subissent les Rohingyas, est obtenue dans une dynamique de type génocidaire classique , par l’exode provoqué par le meurtre ou le viol organisé. On découvre avec horreur que la religion la plus pacifique, le Bouddhisme, est impuissante à conjurer de tels maux. Pire encore, elle est invoquée au soutien de la dynamique génocidaire par les moines comme le « vénérable maître W. ». Ce type de comportement est le lot d’Etats en guerre, qui évoluent de manière autarcique ou cultivent une forme de pouvoir autoritaire. Mais ces Etats n’en restent pas moins soumis aux pressions politiques externes, pour peu que la communauté internationale s’en donne les moyens.
La méthode chinoise diffère par les moyens mis en œuvre pour réduire une minorité, mais n’en est pas moins efficace. La société totalitaire pratique l’enfermement des minorités à des fins d’endoctrinement et ne rechigne pas à employer des moyens colossaux. L’enfermement d’un million d’Ouïghours à des fins de déradicalisation ou de rééducation nous plonge dans les pratiques totalitaires du siècle passé. Et malgré l’objectif anti-terroriste allégué et une mortalité sans doute inférieure à celle qui sévissait au goulag sibérien , la pratique a de quoi faire frémir, d’autant qu’elle s’accompagne d’une mise au pas des élites susceptible de défendre les fondamentaux de l’identité ouïghour. Les tribunaux ont la peine de mort facile pour les élites suspectes de séparatisme.
On remarquera que la presse en parle et accomplit son devoir d’alerte. Le silence des grands Etats démocratiques, dont la France, en devient d’autant plus étourdissant. Il serait inefficace de vouloir faire la leçon à la Chine ? Le poids de la Chine dans la géopolitique et les échanges internationaux rendrait problématique toute réaction ? On pourrait le concevoir, sauf que le silence sur les pires exactions corrompt celui qui nie ses propres valeurs et devient complice de l’infracteur. Car s’il est un responsable direct de l’atteinte manifeste aux droits de l’homme, d’autres endossent une responsabilité non moins forte en laissant faire, lorsque leur simple parole eût été de nature à améliorer le sort des victimes.
Les grandes « démocraties » pourraient même s’accorder sur des mesures de rétorsion. Un Etat comme la Chine qui recherche l’hégémonie par le commerce international ne le souffrirait pas longtemps. Mais nos « démocraties » sont si faibles que le simple fait de recevoir le dalaï-lama prête à d’inlassables discussions.
Le silence de La France recèle encore une explication cachée. La France n’aime pas les minorités et pratique sans doute la méthode la plus efficace pour les réduire. Il n’est pas de minorités en France, nous dit-on. Force est de constater qu’ il n’est pas de minorités nationales qui s’exprime vraiment en tant que telle. Ou lorsqu’elles s’expriment, elles sont rendues inaudibles.
La méthode française réside dans l’étouffement progressif des minorités sous la chappe de plomb d’une sphère publique omniprésente et hypercentralisée. Il revient à celle-ci de diffuser les fondamentaux d’une identité mono-culturelle et de valeurs libératrices adossées à la langue officielle et de les inculquer aux enfants qui n’ont aucune connaissance de leur histoire singulière. Les minorités nationales sont reléguées dans une sorte de non être, dans les périphéries lointaines et souffrent d’un discrédit profond.
Loin d’améliorer le sort des minorités nationales, la décentralisation ou ce qui en tient lieu, vient offrir un vernis démocratique à un système qui concentre tous les pouvoirs entre les mains de la technostructure parisienne.
Au sein du système France, il n’est besoin de détruire les élites des minorités nationales car elles sont d’ores et déjà incorporées dans le système et adhèrent à ses valeurs. Il ne tient qu’ à les laisser parachever l’œuvre de destruction progressive de la minorité, en apportant leur légitimité à l’inaction publique.
La politique linguistique menée par le conseil régional de bretagne (moins de 1% du budget au demeurant dérisoire de la région, 3% des élèves bénéficiant d’un apprentissage de la langue bretonne) est une non-politique qui ne sert qu’à donner le change. A droits et moyens constants, la langue bretonne est condamnée. Le bénéfice pour l’Etat nation est de premier plan car ce sont les Bretons eux-mêmes, via leurs élus, qui prennent en charge l’éradication progressive de leur langue, sur le mode du laisser faire.
Bien sûr l’idéologie de l’unicité française a sa part de responsabilité. Mais en faisant comme si on allait sauver la langue, avec d’aussi pauvres actions, sans jamais mettre en place un rapport de force politique avec l’Etat, nos élus bretons sont devenus les premiers responsables de l’éradication progressive du fait identitaire breton. La sagesse leur commanderait de taper du poing sur la table et de démissionner en ouvrant au besoin une crise politique, ne serait-ce que pour ne plus être complice, mais ce n’est pas dans leur nature.
L’inaction de nos élus bretons est d’autant plus affligeante que d’autres minorités nationales -basque ou corse- se débrouillent beaucoup mieux et affichent des résultats enviables en matière d’enseignement de leur langue, au sein du même système national.
Ici la communauté internationale risque d’autant moins de s’alarmer que les Bretons eux-mêmes ne s’alarment plus ou si peu. Leurs élites sont acquises au système.
Yvon Ollivier
auteur