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- Editorial -
Non au système des subventions à la presse
Depuis 1945, la presse en France est subventionnée. Ces aides sont opaques, il est très difficile de savoir qui reçoit quoi. On sait que la Presse Quotidienne Nationale et la Presse Quotidienne Régionale sont subventionnées, comme la presse d'opinion. L'Humanité a même été subventionnée par les gouvernements de droite. La Croix par des gouvernements de gauche, grands défenseurs de la laïcité. [mise à jour le 21/08/10]
Par Philippe Argouarch pour ABP le 17/08/10 21:31

Depuis 1945, la presse en France est subventionnée. Ces aides sont opaques, il est très difficile de savoir qui reçoit quoi. On sait que la Presse Quotidienne Nationale (PQN) et la Presse Quotidienne Régionale (PQR) sont subventionnées comme la presse d'opinion. L'Humanité a même été subventionnée par les gouvernements de droite. La Croix par des gouvernements de gauche, grands défenseurs de la laïcité. Si la presse quotidienne diminue de 5 % par an en Europe et de seulement de 3 % en France, il y a une raison, d'autant plus que les Français lisent moins de journaux que les Britanniques ou les Suédois.

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Le système comprendrait au moins onze aides directes différentes et sept aides indirectes, pour un montant total de 900 millions (1). Les services de l'État connaissent bien sûr le montant du chèque adressé à chacun des médias concernés, mais ceux-ci sont très discrets sur les sommes. Un chèque qui pèserait pour quelque 15 % du chiffre d'affaires de certains d'entre eux. On sait seulement que l'Agence France Presse (AFP) reçoit 111,4 millions d'euros déguisés en abonnements. Cela peut se vérifier aisément en consultant le budget annuel du ministère de la Culture, qui est téléchargeable en format pdf sur le site Internet de ce ministère. Dans ce budget on peut lire que 2010 s'est traduit "par une augmentation sans précédent des crédits alloués aux dispositifs d’aides directes à la presse". Une hausse de 51 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2009. Le Grenelle de la presse n'aura fait qu'amplifier le racket de vos impôts par les médias.

Les libéraux payent des impôts qui financent L'Humanité, les musulmans payent pour La Croix, les brittophones payent pour Ouest France qui écrit très rarement en breton...

L'ensemble de la presse écrite profite d'un taux de TVA super-réduit de 2,1 % et de tarifs postaux préférentiels. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi envoyer une lettre de Paris à Marseille coûte beaucoup plus cher que de New-York à Los Angeles ? Un timbre américain de tarif lettre simple coûte 44 cents, soit 34 cents d'euro, le timbre français coûte 58 cents - presque le double - et la France ne fait que 1000 km de large, les USA en font 4500...

Quand vous achetez un timbre en France, vous payez une partie du portage des journaux. Un peu comme quand vous achetez un billet de TGV, vous payez une partie du voyage des enfants des autres — ce qui n'est pas le cas pour les billets d'avion au tarif identique pour les adultes et les enfants. Quand vous achetez un timbre, vous payez pour des journaux que vous ne lisez pas ou qui publient des opinions à l'opposé des vôtres. La Poste et la presse ont signé, le 23 juillet 2008, un protocole d'accord définissant le futur cadre de leurs relations pour le transport et la distribution de la presse jusqu'en 2015. En contrepartie du déficit de 500 millions d'euros supporté par La Poste dans son activité de transport de la presse, l'État s'est engagé, de 2009 à 2011 inclus, à verser à l'opérateur postal une contribution annuelle de 242 millions d'euros. Le reste est payé par vos timbres. Une autre taxe déguisée.

Pour ceux qui reçoivent leur PQR dans leur boîte à lettres, ce portage est aussi aidé par l'État, à hauteur de 8,25 millions d'euros pour 2009, comme en 2008. L'État aide aussi l'acheminement des journaux aux points de ventes via une aide à Presstalis (anciennement Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ou NMPP) à raison de 12 millions d'euros. L'aide de l'État au portage par train s'élève à 70 millions d'euros. Il existe aussi, juste pour les citer, des aides à la presse pour l'expansion à l'étranger, des aides à la modernisation de la fabrication (22,7 millions), des aides à la modernisation de la diffusion (13,3 millions), au lectorat des jeunes (8 millions), des aides aux journaux d'opinions et à la presse départementale et régionale. (2)

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L'exception culturelle française ou : la loi européenne n'est pas la même pour tous

Inutile de dire que l'aide de l'État à une industrie ou à une autre est contraire au droit européen. C'est une infraction aux lois contre la concurrence déloyale. D'ailleurs le Royaume-Uni et l'Allemagne ont abandonné toutes aides à la presse depuis plusieurs années. La France non. Elle place ces infractions dans sa boîte des exceptions culturelles. Le gouvernement actuel, bien qu'ayant admis que les caisses sont vides, a même créé en décembre 2009 une nouvelle aide à la presse, à la presse en ligne cette fois.

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Aides à la presse en ligne

Le développement des pure players, c'est-à-dire d'une presse internet uniquement, a vite mis en évidence l'injustice du système français. Financer le portage des journaux et pas la diffusion électronique des pages web était devenu difficilement défendable. Aussi le gouvernement a-t-il annoncé une aide de 60,6 millions d'euros pour les sites internet d'actualité, à raison de 20,2 millions par an sur trois ans. Il y a eu 10 jours — pour les avertis — pour déposer une candidature en décembre dernier. Ce sont des aides sur un projet dans lequel l'État finance jusqu'à 60 % du projet. Les sites Médiapart et Rue89 bénéficient de ces aides. Rue89, qui est plus transparent que les autres sur le sujet, pour le financement de la future plateforme technique du site web (entre 50 % et 80 % du coût du projet). Rue89 toucherait 249.000 euros, Médiapart 200.000 euros et Slate.fr 199.000 euros. On ne sait pas combien ont touché Ouest France et Le Télégramme pour leur site web. On sait simplement que la plus grande partie des 22,2 millions est partie pour la version internet des grands journaux. Le Syndicat de la Presse Internet Indépendante (SPIIL) a obtenu une fin de non-recevoir à la lettre qu'il avait adressée au ministre de la Culture pour avoir la liste des bénéficiaires de cette nouvelle subvention (3).

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Non à la concurrence déloyale

Lors d'un débat sur la web-tv arretsurimages.tv la question posée était : peut-on être indépendant si on est subventionné ou aidé ? La vraie question qui n'a pas été posée est à notre avis : peut-on avoir une concurrence loyale dans un tel système ? La réponse est évidemment non. ABP, face aux dinosaures Ouest France et Le Télégramme subit une concurrence déloyale. Nous demandons la suppression de TOUTES les subventions directes ou indirectes à la presse, y compris la presse en ligne. Que tous les compteurs soient remis à zéro. Et puis ça tombe bien, le gouvernement réuni le 20 août à Brégançon a annoncé vouloir supprimer 10 milliards de niches fiscales. C'est l'occasion ou jamais.

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Sauver une langue n'a rien à voir avec sauver un journal de la faillite

Ceci étant dit, les sites comme Breizhoweb ou un hebdo comme Ya ! qui favorisent la résurrection de la langue bretonne méritent de recevoir une aide régionale au nom d'une "réparation", une sorte de reverse discrimination ou discrimination positive et ceci pour un temps déterminé et limité à une mise à niveau. Il y a eu une volonté politique de l'État français de détruire la langue bretonne. Sauver une langue n'a rien à voir avec sauver un journal de la faillite. Un journal, que ce soit Le Monde ou L'Humanité, ne fait pas partie du patrimoine de l'humanité.

Philippe Argouarch

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(1) Chiffre de Electronic Paper Communication : (voir le site) .

(2) Chiffres du ministère de la Culture. Voir le PDF du budget 2010.

Autres chiffres : voir le livre Les Médias en France de Jean-Marie Charon, aux éditions La Découverte, collection Repères. 2003, réédition mise à jour en 2009.

(3) Le SPIIL, dont tous les membres fondateurs sont des médias parisiens, a refusé ABP sous le prétexte fallacieux qu'on était juste un site pour passer les communiqués des autres, sans journalistes professionnels, c'est-à-dire d'après eux, sans vérification journalistique ! Ils ne doivent pas lire souvent notre page d'accueil. Le refus, sujet à révision toutefois, nous a été signifié dans un courriel non signé — ce qui est un comble venant d'un organisme réclamant plus de transparence dans la presse.

Document PDF Le budget 2010. Source :Ministère de la Culture
Cet article a fait l'objet de 2891 lectures.
logo Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
Vos 2 commentaires
Paul Chérel Le Mardi 31 août 2010 23:27
Voilà un excellent article qui mériterait évidemment une très très large diffusion. Un sujet très soigneusement occulté des yeux et des oreilles du bon public dont l'opinion est manipulée à souhait et formatée complètement par la presse et les médias français (et bretons) en général. Une étude très approfondie qui nous change de l'ânonnement journalistique qui répète sans aucune recherche ni investigation ce qu'on lui a demandé de dire ou d'écrire.
(0) 
P. Argouarch Le Mardi 31 août 2010 23:27
Cet article étant paru aussi sur agoravox, un lecteur a apporté quelques précisions supplémentaires:
240 millions pour la distribution postale
70 millions d’aides au portage
12 millions d’aide pour la diffusion de la vente au numéro des quotidiens
5.8 millions d’aides versées à  la sncf pour le transport des exemplaires vendus au numéro
et la liste des aides identifiées par la direction du développement des media du ministère de la culture :
Aides directes :
• Les réductions tarifaires de la SNCF
• L’aide à l’impression décentralisée des quotidiens
• L’aide à la modernisation des diffuseurs
• L’aide exceptionnelle au bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants
• Le fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger
• L’aide au portage de la presse
• L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale
Aides particulières :
• Le fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires
• Le fonds d’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces
• L’aide aux publications hebdomadaires régionales et locales
• Le fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale
• Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne
Aides indirectes :
• Le taux réduit de TVA
• Le régime spécial des provisions pour investissements
• L’exonération de la taxe professionnelle des éditeurs et agences de presse
Aides sociales :
• Le régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité sociale des vendeurs- colporteurs et des porteurs de presse
• Le calcul des cotisations sociales des journalistes
• Le statut social des correspondants locaux de presse
Aide postale :
• Les tarifs postaux préférentiels
L’observatoire des subventions estimait ; en 2009 ; la totalité de l’aide à la presse s’élevait à 600 M d'euros.
Ne sont pas comptabilisées les manques à gagner pour l’état dûes aux différentes exonérations d’impôts des journalistes et autres niches fiscales inconnues dont bénéficient les dirigeants de grands groupes....
A contrario, il faut savoir que les colporteurs de presses ainsi que les correspondants locaux malgré un emploi 7/7jours, dimanches compris, et 364 jours par an, ne récupèrent que 2 trimestres sur 4 pour leur retraite et n’ont aucune retraite complémentaire.
Un scandale supplémentaire à dévoiler :
En mai 2009 les colporteurs de presse qui sont des "travailleurs indépendants" ce sont vu exonérés de taxes patronales, la plupart des éditeurs ont capté cette exonération en baissant les taux de commission ou les indemnités payés à ces mêmes colporteurs.
Une subvention déguisée par un texte de loi complètement borderline écrit à l’emporte-pièce et exprimant la totale méconnaissance des législateurs sur le propos.
note:
Dans les 600 M ne sont pas comptés les aides Internet, radios, TV et à l’AFP ce qui revient bien à peu près aux 900 M que vous annoncez.
(0) 
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