[Publié dans 7seizh en janvier 2015] D'ici un an, les universités de Bretagne, du Maine et d'Anjou seront fédérées, en même temps que les grandes écoles et les instituts de recherche, au sein d'une communauté d'universités et d'établissements (COMUE). Cette fédération s'appelle Université Bretagne Loire (UBL).
La transformation des Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES) en COMUE est une des conséquences de la loi Fioraso du 22 juillet 2013. Le regroupement par sites, académiques ou inter-académiques, était imposé par le passage d'un système de plusieurs contrats pluriannuels entre l'état et les établissements à celui d'un seul contrat par site. La logique de regroupement se traduit également par la fusion de Rennes 1 et Rennes 2 qui se finalisera en même temps que la mise en place de la communauté.
Les avantages annoncés pour les étudiants sont multiples : meilleure visibilité à l'international, accès à la documentation facilité, meilleur accueil, etc. Tout cela notamment grâce au remplacement de la logique de compétition par une logique de coopération entre les universités, afin de « Proposer une carte de formations cohérente, ouverte et pensée pour les divers publics, sur l'ensemble du territoire » .
L'intérêt majeur de constituer une communauté de dimension suffisante est qu'elle soit reconnue comme « un pôle pluridisciplinaire d'excellence d'enseignement supérieur et de recherche de rang mondial » , avec l'attribution d'un label « initiative d'excellence » (IDEX). Cela ouvrirait la voie à l'attribution d'un important financement au travers de la deuxième vague du Programme d'Investissements d'Avenir (PIA2). Ce programme est piloté par l'Agence Nationale de la recherche (ANR). Une tentative de l'alliance menée par l'Université Européenne de Bretagne (UEB) et l'Université Nantes Angers le Mans (UNAM) pour obtenir 1 milliard d'euros lors de la première vague (PIA1) en 2010-2011 a abouti à un échec. L'origine de celui-ci a été attribuée à un « manque de gouvernance unifiée » , « un manque de culture commune » entre les acteurs de « l'inter-région » .
En toute logique, les volontés des présidents d'Universités et Directeurs d'établissements vont aboutir à la mise en place de la COMUE UBL. Il ne semble pas y avoir d'opposition virulente de la part des syndicats. Ceux-ci ont publié plusieurs communiqués co-signés contre la mise en place de ces communautés. Au premier semestre les motions contre la réforme se multipliaient sur le site « Sauvons L'Université » . En juillet, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), organisme consultatif, se prononçait contre les 4 premiers projets de statuts de COMUE, en y pointant du doigt un « déficit de démocratie » , avant d'en accepter deux en octobre puis de demander un report de l'examen de l'ensemble des projets en Novembre. Au final, juste avant le réveillon du nouvel an, les statuts de 7 COMUE sont parus au journal officiel sans que cela entraine de réaction de la part des syndicats, du moins jusqu'à présent. L'UBL prévoit d'adresser son projet de statut au ministère au cours de ce mois de janvier.
Si la loi Fioraso impose des regroupements, il semble bien que ce soit la course aux subventions qui soit le facteur principal de « l'inter-régionalisation » . C'est une des conséquences compréhensibles du programme des investissements d'avenir. En termes de moyens et d'attractivité future, l'IDEX, ou sa déclinaison I-site pour les dimensions moindres, il y aura les universités qui y sont, et les autres. Au plan régional, l'incertitude règne sur le positionnement du conseil régional de Bretagne vis-à-vis de la future COMUE UBL. Le 8 décembre, le conseil économique social et environnemental régional (CESER) a souligné la nécessité d'une réflexion sur l'attractivité future de la Bretagne comme Terre d'innovations après la disparition de l'UEB. Attirée par le système des subventions, la composante universitaire vient de faire un pas vers un district Grand Ouest où la place de la Bretagne suscite des interrogations. L'ampleur de ce pas dépendra sans doute du caractère plus ou moins fédéral du fonctionnement de la communauté.
On peut espérer que ce mariage de raison porte ses fruits et enfante d'un IDEX ouvrant le droit à une bonne allocation. Cela permettra d'éviter, dans la négative, que les porteurs du projet ne soient tentés de masquer ce qui ne serait alors qu'une « usine à gaz et une coquille vide » , pour reprendre l'expression du président de l'Université de Bretagne Occidentale, par un affichage zélé des joies d'une inter-régionalisation qui ne présentait pas d'intérêt majeur. Un divorce ne semble guère envisageable, en particulier lorsque l'UBO regrette de rencontrer moins d'esprit de cohésion de la part des universités de Bretagne que de l'UNAM. Il est dommage que cette étape, qui va plus loin que la réforme territoriale, n'ait pas été mise à profit pour régulariser, au moins moralement, le positionnement de Nantes en baptisant l'ensemble Université Bretagne Maine Anjou plutôt qu'UBL.