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Edward Snowden
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- Chronique -
Qu'est-ce que la culture (2) ? Une approche futuriste

Tout d'abord, merci à tous les contributeurs de Juillet ( http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=30786&title=Qu'est-ce%20que%20la%20culture%20? ). Je l'avoue, je ne m'attendais pas à une telle qualité et à une telle richesse dans la réflexion. J'en

Jean-Pierre Le Mat pour ABP le 31/07/13 23:03

Tout d'abord, merci à tous les contributeurs de Juillet ( (voir le site) 'est-ce%20que%20la%20culture%20? ). Je l'avoue, je ne m'attendais pas à une telle qualité et à une telle richesse dans la réflexion.

J'en suis d'ailleurs un peu déstabilisé...

J'avais abordé la question par trois niveaux qui se superposent : la mémoire, l'intelligence et la notion du bien. Ou, vu d'une autre façon, les informations, les interprétations et les perspectives.

Je n'ai pas su répondre à Christophe David, qui considère que mon troisième niveau, celui de la perspective, façonne la culture mais n'en fait pas partie. D'un autre côté, Michel Treguer et Yann Maneguen ont concentré leurs approches de la culture sur des points qui font plutôt partie de mon troisième niveau.

Une synthèse est-elle possible ? On en arrive à des définitions contradictoires.

D'un côté, la culture est un savoir, un savoir-être, un savoir-vivre. Une mémoire. Une manière de comprendre. La somme de ce que l'on sait.

D'un autre côté, la culture est la façon dont un peuple gère ce qu'il ne connaît plus, le passé ; ou ce qu'il ne peut connaître, l'inconscient et le divin.

Dans un cas comme dans l'autre, il est admis que la culture, du moins la culture bretonne, est un phénomène de groupe. C'est un art de vivre ensemble. Cet art n'est pas figé. Il évolue, qu'il soit un savoir, un inconscient ou une religion. Il se nourrit de réalités. Il s'adapte.

Plusieurs contributeurs ont insisté sur le drame humain que constitue la perte de la diversité culturelle. J'ai cru percevoir que ce drame avait une relation avec le sacré, une relation avec tout ce qui élève et transcende l'individu.

Beaucoup de contributeurs ont relié la culture bretonne à des phénomènes visibles : la gavotte, les galettes, le biniou, le kabig, le style néo-gothique Beaumanoir, le maillage de petites villes, Stivell, Servat, Glenmor, la profusion de saints populaires…

La culture bretonne, ce sont aussi des traits de caractère que, faute d'expliquer, on se contente d'énumérer : simplicité, honnêteté, économie de type associatif, mélancolie, penn kalet…

Ces énumérations ressemblent à une défaite de la pensée. Faute de trouver une origine, une cause profonde de la spécificité bretonne, on se contente d'en décrire les manifestations.

Nous n'arrivons pas à établir une relation de cause à effet. L' "effet breton" ne se rattache à aucune cause palpable, consistante. A notre particularité, nous ne trouvons pas de raisons valables, qui auraient laissé une trace indiscutable dans notre histoire, dans notre géographie, dans notre génétique, bref quelque part.

Et si…

Et si la question de la culture devait s'envisager autrement ? En dehors des relations de causes à effets ? Oh ! Crime contre la logique ! Crime contre la raison ! Crime contre l'intelligence !

Non, non... Autre façon de voir les choses…

Dans les années 70 et 80, des agronomes et des vétérinaires réunis dans le Zoopole de Ploufragan ont élaboré une façon révolutionnaire d'approcher la santé animale. Il devenait évident que la relation de causes à effets atteignait des limites en ce domaine. Aux symptômes d'une maladie, on cherchait la cause. On la trouvait dans quelque chose de bien réel : le virus, la bactérie, le parasite. Tout le monde était content. Comment s'en débarrasser ? Encore la relation de cause à effet : le médicament, l'antibiotique pour tuer le germe infectieux.

Nos chercheurs de Ploufragan, plutôt que de chercher le germe, ont étudié les facteurs environnementaux présents, lorsque le germe fait de l'animal sain un animal malade. Un peu comme la culture bretonne, quand elle nous pénètre, fait de nous des Bretons. Ils se sont penchés sur l'alimentation, l'eau, la densité, la conduite d'élevage, l'ambiance dans le bâtiment, la vitesse de l'air. Ils ont établi des liens, non de causalité mais de corrélation, en utilisant des méthodes statistiques, comme l'analyse en composantes principales. Ils ont simplifié les modèles par les méthodes de régression logistique.

Ce n'est pas par hasard que cette approche s'est appelée "écopathologie". L'écologie scientifique s'éloigne de la pure recherche des causes pour intégrer l'environnement et tous les facteurs de risques.

Google utilise des méthodes similaires. En brassant des milliards de données issues de son moteur de recherche, il arrive à prévoir des épidémies, comme la grippe, en avance par rapport aux réseaux épidémiologiques. Les méthodes de police prédictive utilisent les mêmes algorithmes.

Et pourquoi croyez-vous que la NSA, l'espionnage américain, s'intéresse aux données de Google ou de Facebook, qui par ailleurs sont publiques ? Non pas pour trouver la cause ou même les responsables d'une menace. L'objectif est de prévoir les manifestations hostiles, avant même que l'hostilité soit déclarée. Le film "Minority Report" n'est pas loin.

Les Occidentaux voient dans cette affaire une transgression culturelle majeure. L'analyse statistique prédictive relativise la liberté et la responsabilité individuelles, piliers des cultures et des religions occidentales. C'est là, plus que dans la requête d'informations données volontairement par chacun de nous, et dont la plupart sont accessibles sur internet, que se situe le scandale Snowden.

Revenons à la culture bretonne, évolutive, insaisissable. Revenons à notre difficulté pour l'intégrer dans une rassurante chaîne de causes à effets. Sans dévaliser Google, nous pourrions établir les proximités de "culture bretonne" avec "musique", "crêpes", "honnête", "solidaire", "religiosité", "coopérative", "brezhoneg", "Nantes", etc. Nous pouvons trouver en Bretagne des connaisseurs de l'analyse en composantes principales et de la régression logistique, ou d'autres méthodes plus performantes. Nous pourrions ainsi mieux nous connaître nous-mêmes, en tant que communauté culturelle.

- Drôle de projet que tu proposes là, Jean Pierre Le Mat, entre écologie et espionnage mondial !

- Je vous l'ai dit, avec vos commentaires à ma dernière chronique, vous m'avez déstabilisé… A mon tour !

Jean Pierre LE MAT

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Vos 6 commentaires
  Michel Treguer
  le Jeudi 1 août 2013 19:49
Cher Jean-Pierre,
En effet, l’obsession de la cause est une maladie humaine (aristotélicienne, cartésienne, etc.) Tandis que tout ce qui se passe d’important est une invention du hasard, un surgissement sans cause. Le début de l’univers ne serait qu’une « fluctuation du vide ». Les mutations qui ont fait évoluer la vie sont dues à des erreurs (donc imprédictibles) dans la reproduction génétique. Il en va de même de l’Histoire : qui pouvait dire « avant » que Vercingétorix perdrait à Alésia, que le communisme n’aurait pas d’avenir, que l’économie mondiale trébucherait sur une misérable affaire d’immobilier américain ?… Au fait, Jean-Pierre, puisque tu fais une croix sur les causes, pourquoi veux-tu absolument en trouver à la culture bretonne ? Amitiés, Michel
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  Jean Pierre LE MAT
  le Vendredi 2 août 2013 09:31
Michel,
Je ne veux pas absolument trouver des causes à la culture bretonne, mais je commence d'abord par en chercher. En effet, si j'en trouve, je peux progresser et dérouler une chaîne logique. Si je n'en trouve pas, je peux très bien donner une cause générique (Dieu a beaucoup été utilisé en ce sens).
Le mode de raisonnement de l'écologie scientifique, qui est une recherche de facteurs favorisants et non une dictature de la causalité, me semble assez nouveau. Ses résultats en analyse prédictive sont impressionnants. Je crains (est-ce bien le mot ?) que ce type de raisonnement soit une rupture culturelle pour les Occidentaux. Nos sociétés (justice, police, économie, propriété intellectuelle, etc.) est fondée sur la liberté et la responsabilité individuelle. Le raisonnement écologique est-il signe de déclin ou de renouvellement ? Bien malin qui pourra y répondre !
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  eugène
  le Vendredi 2 août 2013 10:20
Un élément
Dans toute culture,il doit y avoir le respect de la vie(VIE),certains ont le culte de la "terre mère",comme point d'appui intellectuel.Ce culte est en totale compréhension de l'existence et avec les fondamentaux de l'homme. c'est une culture primitive
Je suis quelque part adepte de cette religion fondamentale( compréhension et échanges- harmonie),lorsque l'homme retrouvera ce cheminement,il y aura un progrès manifeste de société;
Les éléments premiers se retrouvent dans le druidisme,le chamanisme,les anciennes religions.
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  JP. Touzalin
  le Vendredi 2 août 2013 14:22
Pasteur n'avait-il pas raison de déclarer qu'il n'y avait pas de génération spontanée?
Que l'environnement, au sens large, soit devenu un "facteur" ... le nombre de facteurs réunis par le "hasard" ne devient-il pas une raison, une "cause" déterminant DES conséquences?
Le hasard et la nécessité? (Monod)... Courage!
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  Michel Treguer
  le Dimanche 4 août 2013 11:35
Bonjour aux trois précédents dont je suis plutôt proche.
Je précise un peu. Le hasard n\'est en effet jamais « pur » car le réel déjà avenu contraint le présent et donc les avenirs possibles. Ça revient à l\'irréversibilité du temps. Les mutations se produisent au hasard, mais au fur et à mesure que certaines s\'installent irréversiblement, « tout » (n\'importe quoi) n\'est plus possible. L\'Évolution ne revient pas en arrière.
Les « facteurs favorisants » mentionnés par Jean-Pierre me paraissent donc un juste concept. Ce serait intéressant qu\'il nous fasse un petit cours d\'« écologie scientifique » ou qu\'il nous dise où on peut le trouver dans ses écrits.
Je pense que ce qui précède répond et convient à JP. Touzalin ? Bien sûr, on peut trouver des causes à des phénomènes particuliers : mais en général après-coup ! Voyez les économistes : ils proposent des explications magnifiques de ce qui s\'est passé, mais ils ne prévoient jamais rien ! La plupart des phénomènes ne sont pas prédictibles.
C\'est ce qui sépare le darwinisme des religions. Quelles que soient les subtilités chrétiennes sur le libre arbitre, l\'idée de Dieu suppose une volonté préalable. Tandis que le réel « s\'invente », apparaît.
Au demeurant, il n\'est pas nécessaire de toujours comprendre « avant » pour utiliser (pour vivre). Les Chinois ont inventé la poudre sans disposer d\'aucune théorie chimique...
Amitiés
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  eugène
  le Lundi 5 août 2013 11:12
De la Culture bretonne
Elle existe
Née du fond des âges ,formatée par le paganisme
Puis le Druidisme et enfin mise en structure par la religion romaine puis chrétienne(immense source d'un message de l'homme),elle s'est peu àpeu enrichie d'apports externes (ceux de Francie) mais elle a gardé l'essence même de ses origines ds pré celtes puis des celtes( Triskell et mythes)... elle a surtout gardé les principes du merveilleux et d'une religion de la VIE.
En cela elle est différente de son formatage français!
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