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- Chronique -
Pour une économie identitaire

Ici et maintenant, pour nous-mêmes et par nous-mêmes. Dans le cadre du Vivre-Décider-Travailler au Pays, nous sommes à la (re)conquête d'idées pour nous inventer un avenir qui dépende un peu plus de nous.

marie-christine roussel pour kuzul bonedou ruz -groupe Identité le 24/05/15 11:28

Pour une économie identitaire : ici et maintenant, pour nous-mêmes et par nous-mêmes. Dans le cadre du Vivre-Décider-Travailler au Pays, nous sommes à la (re)conquête d'idées pour nous inventer un avenir qui dépende un peu plus de nous.

Identité = Être et Faire ou bien Avoir et Paraître ? Question de choix existentiels. Au-delà de nos vieilles lunes, des prétentions affichées, nous sommes assurément ce que nous faisons. Nous sommes pétris de la manière dont nous exploitons et transformons la nature simplement pour vivre. L'économie est donc l'expression la plus directe de notre identité. A identité culturelle forte, une économie appropriée, représentative de sa singularité. Il y a dans la culture bretonne tous les ferments nécessaires à un renouveau économique régional. Point n'est besoin d'avoir beaucoup pour démarrer : l'expérience du passé démontre que la créativité se développe plutôt là... où il y a du manque.

Les débats sur la mondialisation ne sont que des prétextes à se sentir victimes d'autant plus qu'ils sont biaisés par une conception à sens unique, percevant les flux économiques internationaux comme s'imposant au local, sans possibilité d'influence réciproque. Il nous sera plus profitable d'imaginer l'inverse car rien n'est plus antidémocratique que cet esprit délétère, largement relayé par les médias pour raisons idéologiques.

En matière d'économie, il y a toujours eu deux niveaux : celui de la décision individuelle ou de petit groupe (micro-économie) et celui plus apparent parce que plus massif du macro-économique ; ce qui ne veut absolument pas dire plus influent que le micro-économique. En regard de la mondialisation, le niveau local a tout loisir de se réapproprier les apports étrangers pour peu qu'ils paraissent valables. La situation de la réception à la culture mondiale peut se révéler plus imaginative et contrastée que ne le prédisent les thuriféraires de la mondialisation. Le point de vue globalisant est mal armé pour saisir la manière dont les produits seront triés, décodés et contextualisés par la culture locale pour remettre la consommation dans le goût des activités multiples et quotidiennes de la communauté réceptrice.

Bien sûr, la circulation des productions comme celle des outils et des stratégies (échanges matériels et immatériels) est indispensable mais elle doit pouvoir se faire dans les deux sens, co-existentiellement, interactivement. Aucune raison ne justifie que l'un des pôles de la relation soit évacué. Ne sommes-nous pas légitimement fiers lorsque les huîtres bretonnes figurent sur les tables new-yorkaises aussi rapidement que dans n'importe quel restaurant parisien ? Par contre, nous devrions tenir compte d'un état de fait beaucoup plus inquiétant auquel rien nous ne prépare en général.

Les analyses de l'Unesco révèlent une réalité constante : la dimension psychologique à la base de tout acte économique n'est jamais prise en compte.

Pour une éthique économique. Trouver de bonnes raisons d'arrimer solidement le capitalisme à plus de démocratie, au respect des populations.

En matière économique, l'idée que le salut ne viendra pas de la croissance mais d'une remise à plat intégrale du fonctionnement de la vie professionnelle et sociale, est loin d'être communément admise. Seront réhabilitées les entreprises qui oseront la transparence et accepteront l'éthique de la parole donnée dans le respect du consommateur libre-décideur. Autrement dit, elles devront faire ce qu'elles promettent : ce pour quoi on accepte d'acheter (ceci est d'ailleurs valable pour toute activité humaine, en politique aussi). Ici la question du « pourquoi on accepte » est cruciale : « Le consommateur est roi »... eh bien, qu'il le démontre en refusant de renoncer à son pouvoir décideur !

Combattre les préjugés : libéralisme n'est pas synonyme d'égoïsme.

Nous pouvons compter sur le libéralisme essentiellement parce que seules les responsabilités individuelles représentent le réservoir des contre-pouvoirs. La concurrence est à l'économie ce que la démocratie est au politique. A renforcer bien entendu : un libéralisme authentique sur ses fondamentaux et réellement appliqué. Il n'est pas écrit dans la définition du libéralisme qu'il doive être égoïste. C'est l'usage qu'on en a qui le rend ainsi.

Comme pour toute réalité humaine, c'est notre sens des limites qui préside à l'ordonnancement des choses. Le libéralisme ne veut pas dire tout se permettre : c'est avant tout une nécessité (ar red hepken) ; ce n'est pas un choix, c'est d'une trivialité : l'être humain a-t-il d'autre choix pour survivre que d'essayer de tirer parti de la nature ?

L'économie dirigée et monopolistique, s'abstenant de toute concurrence, a souvent fait la preuve de bien pire... jusqu'à la corruption généralisée des marchés sans qu'aucun contre-pouvoir ne puisse s'y opposer. Le libéralisme apparaît alors comme le « moins pire ». A nous d'en faire le meilleur...

Notre conviction intime est alors qu'une éthique du travail et de la production est à promouvoir, que nous soyons dans un système libéral (autoentreprise, associés...) ou collectif (coopératives) : seule l'intention prévaut pour diriger les comportements, leur donner une direction. Pour un libéralisme éthique : il convient de se demander si la seule régulation des marchés, résultante de l'ensemble des décisions individuelles non concertées, représente oui ou non une émancipation dans l'art de produire et consommer et, par ailleurs, de contrôler le lobbying par rapport à la corruption des politiques pour la distribution des marchés « autorisés ».

Autrement dit, sur le plan de l'évolution de nos sociétés, au local, aurons-nous la force d'arrimer l'économie à plus d'éthique dans les relations humaines ?

D'autant qu'il ressort que seules les situations de sécurité - voire de sécurité forcée - permettent le développement d'économies fructueuses : il est bien connu que les multinationales s'implantent dans les états dits « forts », pour exploiter une main-d'oeuvre « calme» plutôt que là où les mouvements sociaux agitent le territoire. Les multinationales trouvent des conditions d'installation idéales auprès des régimes dictatoriaux qui maintiennent l'ordre. C'est à une démocratie fortifiée d'assurer la maîtrise du libéralisme : l'économie au service de l'Homme (pas le contraire).

Un libéralisme maîtrisé reste encore à inventer, ce qui représente pour la Bretagne un défi intéressant.

Culture du travail, culture de l'effort soit toute une vision de l'humain

La notion de Travail est à repenser car fort décriée actuellement ; l'emploi n'en étant que la conséquence. La fierté des Bretons se nourrit en grande partie de cette dignité par le travail.

C'est toute une vision de l'être humain qui est en cause. Foin des rêveries et des grandes théories, pour survivre dans la Nature : avons-nous le choix ? Le contexte français et la mondialisation de l'économie tendent à faire perdre ces repères existentiels transmis de tous temps par nos traditions culturelles. Il est urgent de retrouver ces repères, de les reconnaître comme bien fondés et de les appliquer localement.

Il ne s'agit pas de nous concevoir comme des forçats du travail (ar bec'h). Mais pour que des emplois existent, il faut qu'un travail ait été fait d'abord : travail créatif de recherche (reconnaissance des réalités et besoins), travail d'investissement humain et financier. Qui imagine les choses ? Qui met la main à la poche pour les faire exister ? Autant de questions dérangeantes, c'est vrai ; mais enfin il faudra bien se les poser ou être pris pour des autruches la tête sous le sable...

La culture du travail exige un état d'esprit orienté par la volonté d'imaginer l'avenir, déterminé par le goût de l'effort pour le réaliser. Cet état d'esprit ne peut s'exprimer, donner le meilleur de lui que dans un climat favorable à la créativité alors qu'on entend le plus souvent le patronat accusé « de ne pas vouloir donner des emplois »... Les singularités/identités fortes sont les plus productrices.

L'avenir, c'est : un individu porteur de projets dans un environnement favorable...

Combien de « petits » patrons n'ont pour d'autre ambition que de s'assumer d'abord et faire vivre leur famille ? Ne sont-ils pas légitimement blessés par les discours ambiants portant à l'encontre du monde économique en général ? Comment ne pas comprendre leur sentiment de frustration face à si peu de solidarité à leur égard alors qu'ils fournissent l'effort maximum « de ne pas se faire porter par les autres » et même souvent parvenir à créer des emplois pour les autres en attente et qui en réclament ?

Pour un avenir meilleur, il faut impérativement lier une démocratie responsabilisée sur ses finalités et pouvoir économique pour qu'ils s'enrichissent mutuellement : tout un investissement collectif qu'on ne va pas trouver sous le sabot d'un cheval. Economie et solidarité sociale : cela a un sens, c'est forcément lié... sauf pour les prédateurs de tout poil pour lesquels la notion d'émancipation est une entrave à leur pulsion «  à prendre ». C'est bien connu : l'herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin...

L'économie : rien n'est plus réel. C'est un révélateur du niveau de civilisation d'une population, au-delà de ce qu'elle prétend dans ses dires, ses utopies et c'est pour cela qu'on ne l'aime pas, car elle nous renvoie aux contraintes, à nos limites, à tout ce qu'on n'aime pas...

La région : un territoire où concrétiser l'émancipation économique.

Une enquête internationale sur les valeurs, réalisée en 1990 par F. Fukuyama (sur 43 pays) affirme que l'aptitude d'une société à affronter la concurrence sur les marchés mondiaux est conditionnée par la confiance sociale. Les sociétés à faible niveau de confiance sont désavantagées parce qu'elles ne réussissent pas bien à se donner des institutions complexes. Pour ma part je dirais, n'oubliant pas la discrimination permanente infligée à la Bretagne : des institutions respectables parce que saines plutôt que complexes.

Imaginant une économie identitaire, nous pouvons insuffler une réelle productivité en matière de créativité. Les besoins fondamentaux sont loin d'être réellement couverts, beaucoup de nos entrepreneurs ne vivent qu'à grand peine de leur travail pour de multiples raisons (endettement, non rémunération de la totalité des heures de travail, cours des productions ne couvrant même pas le prix de revient dans la confrontation aux grands lobbys... etc.).

De leur côté, les consommateurs ont souvent l'impression de se faire gruger... De gros besoins en matière de santé, d'éducation notamment, de justice aussi... domaines qui peuvent à première vue sembler sans rapport avec l'économie... et pourtant ! Le lien producteur-consommateur est d'une telle évidence !

En France plus de 7 millions de personnes sont sous le seuil national dit « de pauvreté », bien que nombre d'entre eux travaillent durement en condition de précarité. Économie et exclusion sociale : deux dimensions particulièrement liées.

Réhumaniser l'économie : éthique, donc solidaire aussi. Nous avons tout à repenser : seul le niveau local nous le permettra. Là encore, nous avons ce qu'il faut en termes d'identité dans notre culture : entraide et solidarité n'y sont pas de vains mots ! C'est à nous de les faire vivre au quotidien plus largement : une économie, créative sur le plan comportemental, a devant elle un marché de milliers de personnes à respecter dans la nature de leurs besoins réels. De ce point de vue, où est le mal ? Encore une fois : l'économie au service de l'Homme et non pas l'homme esclave d'une économie déréglée parce que sans projet social digne.

Il n'y a qu'une culture dévoyée pour penser l'inverse : ce n'est même pas une question de politique de gauche ou de droite… ces étiquettes n'ont aucun sens au regard des dérégulations que nous vivons.

Culture et notion de profit... Une culture régionale telle que la nôtre, dépassant les tabous habituels, ne se reconnaissant pas dans tout ce dénigrement du travail (pensez à la fable du laboureur), pourrait repenser l'économie et la notion de profit qui lui est attachée, au sens de « profitables » à la population. Nourrir des conceptions bienfaisantes pour penser le travail comme inépuisable, c'est affaire de confiance en nous-mêmes... non influencés, déconditionnés, armés d'une conviction inébranlable: une identité forte civilise les besoins en les humanisant. La nature de l'économie locale en dépend : elle sera ce que nous la ferons. Plus notre dimension humaine se développe favorablement, plus l'individu sera porteur de projets pour lui-même et sa communauté, sa famille, les siens, ses enfants : l'économie n'a pas d'autre source ni justification.

Marie-Christine Roussel

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Vos 4 commentaires
  roussel Marie-christine
  le Lundi 25 mai 2015 13:13
A keltik Gi,
la seule chose que j'aie compris c'est : A galon. merci, je suppose qu'il s'agit d'un encouragment ?
l'auteur de l'article
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  Damien Kern
  le Lundi 25 mai 2015 19:02
Je retrouve dans votre texte les idées de Friedrich Hayek sur l'économie locale.
Les politiques bien établis essaient de ridiculiser les mouvements comme les bonnets rouges. Vous auriez intérêt à citer de tels pointures pour y répondre.
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  Kristen Gonedec
  le Dimanche 31 mai 2015 10:53
@damien.kern
Tu as raison : c'est vrai que nous sommes formatés dans l'esprit d'avoir toujours à nous référencer ailleurs. A croire que les Bretons seraient incapables de réfléchir par eux-mêmes. Il est évident que l'on s'est tous construits à différentes sources culturelles … qui ont nourri notre être et rendus capables justement d'armer notre réflexion (je veux dire : argumenter).
Tu y vois les idées de Hayek. Autant que je m'en souvienne, Hayek soutenait dans « La route de la servitude » (son principal ouvrage) que l'intervention de l'Etat a tendance à empiéter sur les libertés individuelles et conduit progressivement au totalitarisme c'est-à-dire à la servitude des peuples.
Pour moi, dans l'Hexagone, cela va plus loin : la disparition pure et simple des peuples. NE PLUS PENSER PAR NOUS-MEMES : C'EST PARTICIPER ACTIVEMENT A NOTRE PROPRE DISPARITION... et le piège s'est refermé sur nous.
J'en ai pour preuve en comparant les réactions à plusieurs articles dont le sujet est l'économie. Par exemple, ceux des 31/03 et 20/02.................. de JPLM (in ABP), qui restent sans commentaires et très peu lus.
Par contre le plus lu, c'est l'article sur LE PEN (sa déclaration comme quoi il était Français depuis 1000 ans - Qu'est-ce qu'on s'en fout !) et l'article le plus commenté, c'est « Les régions du déshonneur ».,,,c est vendeur !
Ce type de comparaison est particulièrement édifiante. Avec ça, on reste plongés dans des discours induits par les médias, très imprégnés de l'idéologie française, pour nous parler d'une Histoire mythifiée, trop habiles à masquer l'Histoire réelle dans le respect de toutes ses composantes. Autre facette des pièges qui nous sont tendus. Idéaux piégés (inconscient bleu-blanc-rouge) auxquels s'adonne toute une population.
A propos de Le Pen, j'aurais préféré qu'on nous explique le processus d'identification à l'agresseur. Le Pen : Breton, mais par quel mécanisme inconscient est-il devenu Français ? Comme tant d'autres.
Quant à l'article de MC Roussel (groupe de réflexion sur l'identité au sein des Kuzul), c'était quand même louable d'essayer de promouvoir cette idée que les Bretons doivent avant tout s'autoriser à penser par eux-mêmes. C'est précisément ce à quoi doit s'assigner tout individu, pour des raisons purement existentielles, c'est un devoir envers lui-même que de penser son développement personnel, son libre-arbitre et ne pas priver l'humanité de cette différence que l'histoire lui a léguée.
Kristen
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  La rédaction
  le Dimanche 31 mai 2015 12:35
@kristen : Les articles les plus lus sont souvent les articles ayant une portée "nationale" ou même internationale, car ils sont lus par des centaines de journalistes parisiens cherchant par exemple "Le Pen" dans google actu. Ce n'est pas parce que les Bretons sont intéressés par ces sujets ou ces personnages. Il n'y a que cinq millions de Bretons, six si on inclut les expatriés, alors qu'il y a 66 millions de français et 250 millions de francophones.
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